Babacar Kanté
Biographie :
Doyen honoraire de la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université Gaston Berger de Saint Louis, Babacar Kanté a été vice-président du conseil constitutionnel du Sénégal de 2002 à 2008. Il préside depuis 2013 le Conseil scientifique de la Revue Africaine du Droit Public et est également membre du Conseil de rédaction de la Revue Africaine de la Démocratie et de la Gouvernance. Il est actuellement chercheur associé (Senior Fellow) au Centre for Global Cooperation Research, de l’Université de Duisburg-Essen (Allemagne). Il est aussi membre de l’association WATHI.
Extraits :
« Je serais aujourd’hui pénaliste chargé de rédiger le code pénal, la première question que je me poserais est la suivante : pourquoi je punis ? Il y a trois raisons pour lesquelles on punit. On peut punir pour des raisons pédagogiques ; on punit parce que Monsieur X a commis une erreur, il faut que je le punisse pour que les autres ne le fassent pas ; ou bien alors on punit parce qu’on veut réparer, pour des raisons financières. Ou bien alors on punit pour des raisons symboliques : X a fait du tort à Y, tant que l’on ne reconnaitra pas que X a fait du tort à Y, on n’aura pas la paix entre nous. »
« Il faut que je sache quelles sont les valeurs, les fondements de la règle de droit pour pouvoir calquer la règle de droit sur ces fondements. Je peux prendre des exemples. Dans le système politique, je n’ai jamais compris pourquoi on a un régime présidentiel. Je pense que du fait que nous tenons compte de la gérontocratie, parce que l’âge est une valeur positive chez nous contrairement à ce qui se passe dans d’autres cultures. Je pensais qu’on allait avoir une autorité morale, représentée par quelqu’un de plus ancien, en tout cas quelqu’un de sage. Le jeu politique, la bagarre va se dérouler entre les techniciens, les plus jeunes. Cette gérontocratie devrait se traduire en termes de régime politique, et ce serait, à mon avis, dans le régime parlementaire. »
On dit que nous avons un système pluriethnique dans nos sociétés. Mais si on a des systèmes pluriethniques, la meilleure façon de tenir compte de l’ethnicité c’est le système proportionnel. Donc, c’est pourquoi je dis, il y a des valeurs, il faudrait qu’on les identifie pour en tenir compte, pour se projeter vers nos institutions.
« On dit que nous avons un système pluriethnique dans nos sociétés. Mais si on a des systèmes pluriethniques, la meilleure façon de tenir compte de l’ethnicité c’est le système proportionnel. Donc, c’est pourquoi je dis, il y a des valeurs, il faudrait qu’on les identifie pour en tenir compte, pour se projeter vers nos institutions. »
« Les relations à plaisanterie, je ne sais pas comment on peut traduire cela dans nos institutions, mais vous ne pouvez pas imaginer comment ça désamorce des bombes. J’ai vu le président Compaoré arriver dans un village, avec le protocole d’Etat et la solennité de l’événement. Il s’est levé, il a pris son discours, il a regardé la salle, il a dit : «Mais Mesdames et Messieurs, si vous m’aviez dit (il a prononcé un nom) qui était le gouverneur de cette région, je ne serais pas venu ici». Parce qu’ils ont des relations à plaisanterie (le président et le gouverneur), il a dit parlant du gouverneur: ‘mais ces gens-là’. La salle a éclaté de rire. Cela désamorce beaucoup de crises. »
Les relations à plaisanterie, je ne sais pas comment on peut traduire cela dans nos institutions, mais vous ne pouvez pas imaginer comment ça désamorce des bombes. J’ai vu le président Compaoré arriver dans un village, avec le protocole d’Etat et la solennité de l’événement. Il s’est levé, il a pris son discours, il a regardé la salle, il a dit : «Mais Mesdames et Messieurs, si vous m’aviez dit (il a prononcé un nom) qui était le gouverneur de cette région, je ne serais pas venu ici». Parce qu’ils ont des relations à plaisanterie (le président et le gouverneur), il a dit parlant du gouverneur: ‘mais ces gens-là’. La salle a éclaté de rire. Cela désamorce beaucoup de crises.
« Ces valeurs-là, en réalité, ce ne sont pas ma spécialité, c’est pourquoi j’ai l’humilité de dire que je ne les connais pas ; mais donnez-les moi, je les traduis en institutions. Les disciplines sont transversales. Il faudrait que nous apprenions à nous écouter. »
« La leçon que j’ai apprise de la crise financière de 2008 : aux Etats-Unis, il y avait des experts, des banquiers de Wall Street, les plus grands économistes qui parlaient, qui parlaient. Il y avait un philosophe, on lui a donné la parole, il a dit : «Mais cette crise financière, est-ce qu’elle n’est pas due à la cupidité ? Il y a des gens aujourd’hui qui ont suffisamment d’argent pour vivre tout le reste de leur vie, et pourtant qui n’en ont jamais assez.» Je me suis dit : est-ce qu’il n’est pas en train de nous donner une leçon ?»
« Personne ne peut avoir le monopole de la vérité. Il faudrait que l’on s’asseye, que l’on identifie d’abord nos problèmes. Où voulons-nous aller ? Nous avons des sociétés conflictuelles, les élections nous posent problème, mais trouvons des institutions adaptées à cela. »
Personne ne peut avoir le monopole de la vérité. Il faudrait que l’on s’asseye, que l’on identifie d’abord nos problèmes. Où voulons-nous aller ? Nous avons des sociétés conflictuelles, les élections nous posent problème, mais trouvons des institutions adaptées à cela.
« Les valeurs, il faut les identifier, il faut savoir les opérationnaliser. Quand j’entends parler de panafricanisme, je dis : qu’est-ce que Cheikh Anta Diop n’a pas dit ? Qu’est-ce que Joseph Ki-Zerbo n’a pas dit ? Je veux dire que tout est là. La difficulté c’est de les opérationnaliser. »
«Voilà pourquoi je dis qu’après avoir identifié les valeurs positives, il faut savoir les opérationnaliser. L’opérationnalisation passe par des indices, tous les indices.
Qui peut me dresser aujourd’hui le drapeau de la CEDEAO ? Qui parmi nous connaît l’hymne de l’unité africaine ? Vous ne pouvez pas avoir aujourd’hui un président d’un pays appartenant à l’Union Européenne faire un discours sans avoir les deux drapeaux (celui de son pays et celui de l’Union européenne) derrière lui. Vous avez vu un président africain avoir deux drapeaux ? »
On veut inculquer la tolérance aux jeunes, la liberté, l’égalité, à l’école primaire. Ce que je vous dis, c’est qu’à l’école primaire, c’est déjà trop tard (…). Il faut commencer à l’école maternelle. Quand on commence à l’école maternelle, il faut utiliser les leaders d’opinion. Vous les connaissez très bien : les sportifs et les artistes…
« On veut inculquer la tolérance aux jeunes, la liberté, l’égalité, à l’école primaire. Ce que je vous dis, c’est qu’à l’école primaire, c’est déjà trop tard (…). Il faut commencer à l’école maternelle. Quand on commence à l’école maternelle, il faut utiliser les leaders d’opinion. Vous les connaissez très bien : les sportifs et les artistes. Ils apprennent la constitution, ils vont avec les enfants à bas âge leur mettre dans la tête que nous sommes différents mais égaux. A trois ans, leur apprendre la liberté, l’égalité. Les enfants grandissent alors avec les valeurs positives. L’enfant est d’une intelligence extraordinaire. Il faut commencer cette éducation à l’école maternelle pour bâtir la nation. »
« Si vous voulez que l’on aille vers la gestion des conflits, il ne faut pas attendre que les gens aient 40 ans, 45ans pour faire des séminaires de formation. Cela ne sert à rien du tout. »
Il y a de l’enrichissement quand vous regardez les droits de l’Homme. L’Afrique a, sur un certain plan, enrichi le monde. Vous prenez par exemple la Charte africaine des droits de l’Homme qui prévoit les devoirs de l’enfant à l’égard de leurs parents. C’est une valeur africaine, vous ne verrez pas cela dans un texte occidental. Pourtant, cela existe noir sur blanc : les enfants ont des devoirs à l’égard de leurs parents.
« Il y a de l’enrichissement quand vous regardez les droits de l’Homme. L’Afrique a, sur un certain plan, enrichi le monde. Vous prenez par exemple la Charte africaine des droits de l’Homme qui prévoit les devoirs de l’enfant à l’égard de leurs parents. C’est une valeur africaine, vous ne verrez pas cela dans un texte occidental. Pourtant, cela existe noir sur blanc : les enfants ont des devoirs à l’égard de leurs parents. »
Photo : WATHI
2 Commentaires. En écrire un nouveau
Merci professeur pour cette pertinente analyse
Merci pour l’analyse qui est très pertinente.
Malheureusement on n’a toujours cousu des costumes pour les ETATS africains sans prendre leur mesure. Et l’on s’étonne de voir qu’ils sont mal vêtus.
Aucun système politique, économique, éducative…. ne peut aboutir s’il n’est fondé sur les valeurs de la société dans laquelle il s’applique