Dr Paul Sondo
La recherche était pour moi une passion d’enfance et j’ai été aussi inspiré par certains mentors au Burkina Faso. C’était pour moi un rêve d’aller jusqu’au bout. Si je suis aujourd’hui chercheur et que je peux jouer ma partition pour lutter contre certaines maladies, c’est une réelle satisfaction parce que c’est une passion.
Le paludisme est l’une des premières causes de mortalité et de morbidité en Afrique sub-saharienne. Depuis la découverte du parasite, la maladie continue, après des centaines d’années, à faire des ravages. En sortant comme parasitologue au niveau de l’Institut de recherches en sciences sociales (IRSS), j’ai choisi de focaliser ma recherche sur le paludisme et en tant que biologiste, d’observer tous les aspects qui font que les parasites arrivent à résister aux différents antipaludiques.
On surveille la résistance du parasite, les médicaments déjà adoptés, on teste aussi les nouveaux médicaments pour voir leur efficacité. On teste la sensibilité des parasites ; c’est-à-dire qu’on administre un traitement au patient pendant un temps pour voir s’il guérit ou pas. S’il ne guérit pas, nous explorons pour voir ce qui se passe. Il y a deux possibilités, soit le traitement n’a pas été efficace, soit les parasites arrivent à développer des résistances.
Les résultats de la recherche
Dans un premier temps, nous avons essayé de voir si le médicament est donné tel que c’est administré dans nos formations sanitaires et non dans les conditions d’essais cliniques, est-ce que nous obtenons la même efficacité ? Nous sommes arrivés à montrer que si tel que administré dans les formations sanitaires, on observe une baisse d’efficacité par rapport à ce qui est apporté dans les essais cliniques classiques. Donc nous avons fait des recommandations pour qu’au moins la première dose soit supervisée au niveau des formations sanitaires avant que le patient ne retourne chez lui.
Il faut que la recherche joue sa partition pour que nous puissions arriver à valoriser et exploiter ce que nous avons comme ressources au niveau local pour pouvoir bâtir notre socle de développement
Deuxièmement, nous sommes arrivés à montrer qu’il y a un effet antagoniste en terme de sélection, parce que plus on donne de médicaments, plus on a une pression de sélection que le parasite développe. L’adoption simultanée de ces antipaludiques a un effet bénéfique, parce que ce qui est sélectionné par un antipaludique est ce qui est éliminé par l’autre antipaludique. Donc nous avons suggéré fortement cette adoption de plusieurs antipaludiques en même temps. Actuellement, le Burkina Faso a adopté trois combinaisons d’antipaludiques. Nous sommes arrivés à montrer aussi, qu’après le retrait de certains médicaments, il y a eu un retour progressif des souches sensibles qui circulent au niveau de la population. Cela veut dire qu’on peut envisager une réintroduction des médicaments qu’on avait supprimés.
L’impact de la recherche sur la population
Nous sentons l’impact de nos recherches sur la population, parce que ce qui n’est pas mentionné, c’est que nous contribuons aussi à la sensibilisation. Nous sensibilisons la population sur les conduites à tenir pour éviter la contamination. Cependant, on croit que les populations connaissent le paludisme, mais jusque-là, les gens ne connaissent pas la maladie, et on doit travailler avec la population pour avoir un impact réel.
Je prends par exemple toutes les fois où j’ai eu à interroger les parents et même les personnels soignants, ils ne connaissent pas les larves des moustiques. Si la population savait, elle n’allait pas laisser les points d’eau dans les concessions. Donc jusque-là, il y a toujours un besoin d’une sensibilisation très intense, pour qu’on puisse avoir un impact réel. Sans l’accompagnement de la population, nos efforts restent vains. Pour réellement arriver à éliminer cette maladie, il va falloir insister sur l’éducation sanitaire.
Le financement de la recherche
C’est vraiment une question fondamentale en recherche surtout pour nous jeunes chercheurs. Tout ce que je vous ai expliqué nécessite des analyses qui coûtent extrêmement cher. Les ressources sont limitées, nous avons sérieusement besoin d’accompagnement.
Il faut répondre aux appels au niveau international, mais je n’ai pas encore eu la chance d’avoir un fond de mon pays. Je pense bien qu’un jour, on pourra bénéficier de plus d’accompagnement au niveau national. Je crois bien qu’il y a la volonté, mais il faut reconnaître qu’on a des ressources limitées.
La principale difficulté reste les finances, parce qu’ il faut avoir les ressources financières nécessaires pour avoir un personnel
Il va falloir, pour plus d’impact, que l’État nous accompagne davantage. Il y a des efforts, mais il reste beaucoup de choses à faire.
Le financement de la recherche par le privé
Je crois que les acteurs du secteur privé ignorent l’importance des résultats de la recherche. Les résultats de la recherche sont aussi ignorés par beaucoup de composantes de la populations dans nos pays. Ils sous-estiment les besoins de recherche sur lesquels il faut mettre les ressources.
Les difficultés
La principale difficulté reste les finances, parce qu’ il faut avoir les ressources financières nécessaires pour avoir un personnel. Donc sur le plan des ressources humaines, il y a également un manque pour avoir un personnel adéquat. Ensuite, vous verrez que nous sommes dans une zone rurale très reculée et difficile d’accès. On a aussi des problèmes avec la qualité de la connexion à Internet. Quand il n’y a pas de réseau, quand il y a une coupure d’Internet, on subit au niveau des laboratoires.
Les ressources sont limitées, nous avons sérieusement besoin d’accompagnement
Message à l’endroit des chercheurs et des autorités
J’invite les jeunes chercheurs à redoubler les efforts et à avoir plus de dynamisme, parce que le chemin à parcourir reste long. A l’endroit du gouvernement, c’est l’accompagnement. On sent la volonté, mais il y a beaucoup d’efforts qui restent à fournir de la part du gouvernement pour accompagner les chercheurs surtout les jeunes pour qu’ils puissent atteindre les résultats escomptés. Il faut que la recherche joue sa partition pour que nous puissions arriver à valoriser et exploiter ce que nous avons comme ressources au niveau local pour pouvoir bâtir notre socle de développement.
Source photo : WATHI
Dr Paul Sondo a suivi une formation de parasitologue moléculaire et s’intéresse au paludisme et à d’autres maladies infectieuses parasitaires. Au cours des cinq dernières années, ses recherches ont porté sur l’évaluation de l’efficacité des antipaludiques, l’étude de la diversité génétique du Plasmodium falciparum et l’exploration des marqueurs moléculaires associés à la résistance aux antipaludiques. Actuellement, il est responsable de laboratoire et chargé de recherche à l’Institut de recherches en sciences sociales de Nanoro, au Burkina Faso.