Domaines de recherche : sciences agricoles – sciences de la santé – sciences naturelles et sociales – ingénierie et technologie
Dépenses intérieures brutes en recherche et développement : 0,6 % du PIB
Mécanismes de financement de la recherche et de l’innovation : Fonds compétitif pour la recherche et l’innovation technologique
Part du gouvernement dans le financement de la recherche : 44,7%
Fonds extérieurs : 50,2%
Personnel en recherche et développement : 2091, divisés comme suit ; 721 chercheurs – 752 techniciens et 618 personnes de soutien. Avec un pourcentage de 23 % de femmes
Partenaires scientifiques étrangers : États-Unis – France – Royaume Uni – Burkina Faso – Sénégal
Sources : Enquête nationale de la Science, Technologie et Innovation (STI) en 2017 au Mali – Rapport de l’UNESCO sur la science – Institut de statistique de l’UNESCO
Une nouvelle impulsion pour la science au Mali?
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En 2012, l’instabilité politique avait mis un frein à la mise en œuvre de la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation. Depuis août 2016, le Mali s’est doté d’une nouvelle politique. Celle-ci comporte de nombreuses dispositions prometteuses, comme l’opérationnalisation du premier fonds à garantir un financement durable de la recherche nationale.
Comme les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, le Mali a adopté le document Vision 2020 de la CEDEAO en 2011, qui met l’accent sur l’amélioration de la gouvernance, l’accélération de l’intégration économique et monétaire et la promotion des partenariats public-privé en matière de science, technologie et innovation (STI).
Au Mali, cette vision de la CEDEAO a enclenché le processus d’élaboration de la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation (PNSTI), qui a démarré en janvier 2016 avec l’appui technique et financier de l’UNESCO.
Comme le rappelle le Rapport de l’UNESCO sur la science, une première politique avait été initiée en 2009 et finalisé sous la conduite du Centre national de la recherche scientifique et technologique. Mais ce document n’avait pu être revu et validé pour cause d’instabilité politique en 2012.
Pour la relance du processus, un comité de pilotage a été mis en place qui a permis d’organiser des assises nationales la même année. Le processus d’élaboration a été conduit de façon participative, impliquant toutes les parties prenantes du système national d’innovation, y compris le secteur privé.
Cette démarche holistique était devenue obligatoire car, avant la phase d’élaboration de la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation, les deux grandes priorités du pays dans le domaine de la recherche restaient l’agriculture et la santé, alors que la diversification et l’approfondissement des connaissances scientifiques et la transversalité des méthodologies d’investigation scientifiques exigeaient une nouvelle approche capable de fédérer les ressources et une bonne gouvernance scientifique.
La vision pour la nouvelle Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation du Mali s’énonce ainsi : «Une société malienne installée durablement dans le bien-être social et le progrès, sous l’impulsion d’une dynamique nationale de génération, de diffusion et d’utilisation, en permanence, des acquis de la recherche scientifique et de l’innovation technologique».
Mettre l’accent sur les Objectifs de développement durable
Cette politique est en parfaite adéquation avec le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD, 2016-2018), qui est depuis 2016 le document unique de référence pour la conception, la mise en œuvre et le suivi des différentes politiques et stratégies de développement, tant au niveau macro que sectoriel.
L’objectif global du CREDD est de «promouvoir un développement inclusif et durable en faveur de la réduction de la pauvreté et des inégalités dans un Mali uni et apaisé, en se fondant sur les potentialités et les capacités de résilience en vue d’atteindre les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030».
Le neuvième Objectif du développement durable, notamment, s’efforce de bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation. Deux des indicateurs officiels pour mesurer les progrès vers cet objectif sont les dépenses de recherche-développement exprimées en pourcentage du PIB et le nombre de chercheurs par million d’habitants. L’UNESCO est la gardienne de ces deux indicateurs, par le biais de son Institut de statistique.
L’investissement dans la recherche-développement (R&D) reste plutôt faible au Mali, à 0,32% du PIB, selon une enquête de l’Institut national de la statistique de STI en 2017. Ce taux était cependant remonté de 0,22% à 0,58 du PIB entre 2007 et 2010, d’après l’Institut de statistique de l’UNESCO, ce qui plaçait le Mali au-dessus de la moyenne pour l’Afrique subsaharienne: 0,41% du PIB (2013).
Il faut noter qu’en Afrique, d’une manière générale, le financement de la R&D est fort dépendant des fonds étrangers et le gouvernement finance en grande partie la recherche universitaire. Le Mali n’échappe pas à la règle: plus de la moitié (50,2%) du financement provient de l’étranger et 44,7% du gouvernement.
Le premier fonds malien à garantir un financement durable de la recherche
Dans le but d’accroître les dépenses consacrées au savoir et ainsi atteindre le seuil de 1% du PIB recommandé par l’Union africaine, dont la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation se fait l’écho, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (ex Ministère de la recherche scientifique) a opérationnalisé le Fonds compétitif pour la recherche et l’innovation technologique en 2017, en finançant 35 projets du secteur agricole à hauteur de près de 600 000 000 de francs CFA (circa 913,500 €), selon le Pr. Dabo, Directeur du Centre national de la recherche scientifique et technologique. Alors que ce fonds avait été créé en 2011, il n’avait été lancé officiellement que le 8 avril 2017.
Une société malienne installée durablement dans le bien-être social et le progrès, sous l’impulsion d’une dynamique nationale de génération, de diffusion et d’utilisation, en permanence, des acquis de la recherche scientifique et de l’innovation technologique
Alors qu’il occupe 0,02% des recettes fiscales annuelles du Mali, ce fonds est la première action de financement durable des programmes de recherches stratégiques mise en œuvre par les autorités maliennes.
Des effectifs en baisse parmi les chercheurs
En 2006, le Mali comptait 39 chercheurs (en équivalent temps plein) par million d’habitants, mais cette proportion n’était plus que de 31 par million en 2015, selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO. La moyenne pour l’Afrique subsaharienne est de 91 chercheurs par million d’habitants (2013).
Avec le départ à la retraite des principaux grands chercheurs des institutions de recherche, nous assistons à une véritable saignée des ressources humaines intervenant dans ce sous-secteur. Au cours de l’année 2017, le personnel engagé dans la R&D s’élevait à 2091 personnes, soit 34,5% des effectifs, contre 41,7% en 2015 (enquête de l’Institut de la Statistique du Mali STI, 2017). Les femmes représentaient 15,1% de cet effectif en 2017, une augmentation de cinq points par rapport à 2015 (10,4%).
Les sciences agricoles occupent plus d’un quart des chercheurs (28,6%), suivies des sciences naturelles et sociales avec respectivement 21,6% et 18,0% des effectifs. L’ingénierie et la technologie occupent une infime partie des chercheurs avec seulement 8,8% (la PNSTI, 2016) de la masse salariale. Cette situation conjoncturelle est la conséquence de l’inexistence d’un cadre structurel et organisationnel propice à la promotion et au renouvellement du personnel des institutions sectorielles de recherche : agriculture, santé, bâtiment.
Selon la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation, la production scientifique est passée de 35 publications en 2000 à 250 en 2015 (SCOPUS, 2016, MaliBibliometrics-resume1960-2015), et reste dominée, en termes de volume, par les sciences médicales et agricoles. Selon le Rapport de l’UNESCO sur la science, les partenaires principaux des scientifiques Maliens entre 2008 et 2014 étaient, en ordre descendants, des Américains, Français, Britanniques, Burkinabés et Sénégalais. On constate une nette augmentation de la collaboration intra-africaine depuis quelques années, un phénomène dont on ne peut que se réjouir.
Le nombre d’étudiants en hausse constante
En 2009, 6,3% des jeunes âgés entre 18 et 25 ans étaient inscrits à l’université ou dans une école de formation professionnelle, selon le Rapport de l’UNESCO sur la science. Trois ans plus tard, le pourcentage en était de 7,5.%. Dans un pays où le taux de croissance démographique est de 3% par an (2014), ces chiffres indiquent une forte augmentation du nombre d’étudiants en peu de temps.
Le Rapport de l’UNESCO sur la science raconte comment, «face à l’envolée du nombre d’étudiants, le gouvernement a décidé en 2011 de diviser l’Université de Bamako en quatre entités distinctes»: sciences, techniques et technologie; lettres et sciences humaines; sciences sociales et de gestion; et, enfin, sciences juridiques et politiques. A également vu le jour l’Université de Ségou, spécialisée dans l’agronomie et la médecine animale, les sciences sociales, la santé, le génie et les sciences exactes et naturelles; elle a accueilli ses premiers étudiants en 2012.
Le dispositif actuel de l’enseignement supérieur du Mali comprend non seulement cinq universités publiques, mais aussi sept grandes écoles publiques et instituts et 98 institutions d’enseignement supérieur privées agréées par l’État. L’ensemble de ces établissements regroupent plus de 100 000 étudiants, dont 88% fréquentent les universités publiques. Les étudiantes représentent un peu plus du quart de ces effectifs, soit 27,7% (PNSTI, 2016).
Selon les conclusions de l’étude réalisée en 2018 par l’État avec l’appui de l’UNESCO sur les ressources humaines en sciences, technologie, génie et mathématiques, les structures qui forment uniquement ou majoritairement des scientifiques ne sont pas nombreuses. Il s’agit de: l’École normale d’enseignement technique et professionnel (ENETP), l’École nationale d’ingénieurs Abdrahamane Baba Touré (ENI-ABT), l’Université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako (USTTB), l’École normale supérieure de Bamako (ENSUP) et l’Institut polytechnique rurale de formation et de recherche appliquée (IPR-IFRA), soit 21,58% de l’ensemble des effectifs, dont 4,52% seulement de femmes.
Vers une meilleure adéquation entre recherche et développement
Pour promouvoir une meilleure adéquation entre la recherche et le développement et valoriser les résultats de la recherche, le gouvernement du Mali a entrepris de nombreuses actions depuis 20 ans.
L’un d’entre eux est le programme intitulé Transfert de connaissance par les expatriés nationaux (TOKTEN-Mali). Créé en 1998 et placé sous la tutelle du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, il a pour objectif de «contribuer au développement national par le transfert des connaissances des experts maliens de la diaspora et par la mise en relation entre les acteurs des secteurs publics et privés du pays d’accueil et ceux du Mali».
Les différentes phases du TOKTEN-Mali se sont succédé comme suit: TOKTEN initial (1998-2008) avec un montant global de 1 105 449 276 francs CFA privilégie le secteur de l’enseignement supérieur et technique; TOKTEN élargi aux secteurs de la santé, de l’agriculture, aux petites et moyennes entreprises/PMI, l’administration et la société civile a été mis en œuvre en deux phases (2008-2011) à hauteur de 771 000 000 francs CFA et (2012-2016) à 2 760 305 276 francs CFA.
La phase 2017-2019 a été consacrée à la formulation d’un plan de communication spécifique au programme TOKTEN, avec un budget global de 684 000 000 francs CFA.
En plus de la contribution de l’État, TOKTEN-Mali bénéficie de l’appui technique et financier du PNUD, de la Coopération française et la Délégation de la Commission européenne.
L’un des piliers du programme TOKTEN est l’organisation, par la Malian Society of Applied Sciences (MSAS), d’un symposium biennal depuis 2000 sur les sciences appliquées. Le sigle est en anglais, car si le TOKTEN favorise le transfert des connaissances à travers les expatriés nationaux, le MSAS met également des chercheurs de plusieurs autres nationalités à contribution.
La création de l’académie des sciences a été une recommandation forte de la MSAS au Forum national de l’éducation organisée en septembre 2008, mais elle n’a vu le jour qu’en 2016 avec un bureau de neuf membres. Elle doit assumer un rôle de conseiller ad hoc du gouvernement pour la prise de décisions rigoureuses sur les questions de science et de technologie et doit participer à l’instauration d’une concertation permanente entre le monde de la recherche, l’innovation technologique et celui des activités économiques et sociales.
En plus de ces actions susmentionnées, l’État organise annuellement la Fête des Sciences depuis 2016, à travers son département en charge de la recherche scientifique, et la célébration de la journée de la renaissance scientifique africaine, le 30 juin.
Un des axes principaux de la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation est de promouvoir une culture scientifique et une vocation pour une carrière scientifique parmi les jeunes, en valorisant les filles. Ainsi, en 2018 les ministères de l’éducation nationale et celui de la recherche scientifique ont créé un concours national annuel pour élire «Miss sciences».
En 2018, le gouvernement a inauguré un centre collaboratif pour l’éducation scientifique, en général, et la robotique, en particulier (Robots Mali). Grâce à des activités ludiques (voir photo), de plus en plus de jeunes de tous âges deviennent des passionnés de sciences. Les jeunes formés dans ce centre participent à toutes les compétitions internationales de robotique avec l’appui technique et financier de l’UNESCO et de la Chine. Le gouvernement prévoit désormais de former des professeurs à travers le pays à l’enseignement de la robotique, avec l’appui de l’UNESCO.
Une réorganisation institutionnelle pour un pilotage effectif de la nouvelle politique
La fusion de deux ministères pour créer le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique fut catastrophique pour la mise en œuvre de la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation, car le mandat du ministère était vaste et il manquait à l’institution une structure de pilotage spécifique. De surcroît, l’emploi du temps du ministère était accaparé par la résolution des problèmes sociaux, comme les grèves des enseignants et des étudiants.
Devant cette situation, le gouvernement a décidé de créer un ministère avec un mandat spécifique pour la mise en œuvre de la Politique nationale de la science, la technologie et l’innovation. Le Ministère de l’innovation et de la recherche scientifique a ainsi vu le jour en septembre 2018. Par un acte hautement politique, toutes les institutions de recherche sectorielles ont été rattachées à ce nouveau ministère.
Le nouveau ministère a souhaité conférer une existence légale aux institutions et aux procédures relatives aux activités scientifiques en adoptant ou en révisant des textes législatifs. Par ailleurs, il a souhaité promouvoir la coopération interinstitutionnelle au niveau national, sous régional et international.
Les actions les plus importantes ont été : l’élaboration des textes législatifs de la Direction générale de la recherche scientifique et de l’innovation technologique; l’élaboration d’un texte législatif relatif à la gouvernance des laboratoires; la relecture des textes législatifs du Centre national de la recherche scientifique et technologique, comme du Centre national de la recherche et d’expérimentation en bâtiment et travaux publics.
Des efforts conséquents sont déployés par l’État pour augmenter l’investissement dans la R&D en termes aussi bien humains que financiers, mais les contraintes sécuritaires du pays et l’instabilité institutionnelle de la gouvernance scientifique de 2012 à nos jours ralentissent les progrès.
Source photo : Institut de Recherche pour le Développement (IRD)