La difficile conciliation entre la vie familiale et la vie politique « Vous savez, les réalités politiques sont un peu différentes des réalités académiques ou des réalités dans le monde du travail, c’est une autre réalité. Il faut vraiment former les femmes qui s’activent dans la politique à avoir assez d’outils pour pouvoir être au même pied d’égalité que les hommes. Ce qui, pour ma part, demande une certaine organisation. Si nous prenons les partis politiques par exemple, parfois, l’heure à laquelle ils vont tenir les réunions, correspond à une heure où la femme est obligée d’être à la maison avec le mari ou avec les enfants. On doit arriver vraiment à changer les mentalités, de sorte que les réunions se tiennent à des moments où les femmes seront disponibles. Les femmes présentes en politique aussi doivent s’affranchir de ces pesanteurs socioculturelles qui font qu’elles sont appelées à être à la maison. Pour ma part, c’est un élément assez important. Je pense que les femmes doivent s’assumer. La femme a trois rôles, elle est mère, elle est épouse mais elle est aussi un agent social. C’est une personne qui intervient dans la société, parce qu’elle a des idées, elle a des projets, elle peut apporter énormément. Cette femme qui peut apporter énormément, de l’autre côté, l’homme doit l’accompagner. Il faut essayer de trouver une conciliation, aussi bien avec la vie familiale qu’avec la vie professionnelle et la vie politique. » La loi sur la parité : entre acquis et insuffisances « Je fais partie des gens qui ne sont pas favorables à cette loi sur la parité. En tant que juriste, nous estimons qu’une loi doit avoir un caractère général et impersonnel. Avec cette loi, le constat qui est fait est que cette parité n’est pas respectée. Non seulement elle n’est pas respectée, mais du moment où on se dit que c’est une loi, normalement, son respect est obligatoire, mais aussi il doit y avoir des sanctions si tel n’est pas le cas. Cette lutte pour la parité, n’est pas selon moi, la lutte qu’il fallait mener. Oui, c’est un acquis, je ne dis pas le contraire mais, il faut juste le consolider. Maintenant comment consolider un acquis? On peut le consolider en faisant quoi? Déjà, il faut regarder ce qui a marché et ce qui n’a pas marché depuis 2010. Il faut que les acteurs qui tournent autour de cette question de la parité s’assoient autour d’une table et essaient de faire l’inventaire de tout ce qui s’est passé de 2010 à aujourd’hui. Oui, on a un acquis. Mais comment cet acquis est vu par la société ? Quel impact cet acquis a réellement eu sur le positionnement en politique des femmes ? Du moment où cette parité s’arrête au niveau des instances tout simplement électives et semi électives, je suis un peu sceptique. Pourquoi ne pas réfléchir à pousser cette loi de la parité vers d’autres instances? » La nécessité de se départir des seconds rôles « Il faut que les femmes puissent vraiment se départir des seconds rôles. Quand je parle de seconds rôles, je fais allusion aux rôles qu’on leur donne dans l’organisation ou la mobilisation dans les partis politiques. Il faut aussi qu’elles prennent cette responsabilité d’être au-devant de la scène. Cette visibilité, cette présence est importante pour la population. Quand vous faites la comparaison avec les hommes qui arrivent à mobiliser plus de voix de leur population, vous verrez que les hommes sont moins hésitants à se mettre au-devant et à oser demander la mairie, par exemple, de leurs localités. Mais est-ce qu’une femme va le faire? Même dans le cas où elle le fait, il y a toujours des paramètres à prendre en compte. Les gens vont se dire, mais, ce n’est qu’une femme, est-ce qu’elle va pouvoir y arriver ? Il y a toujours des préjugés et des stéréotypes. Quand vous faites la comparaison avec les hommes qui arrivent à mobiliser plus de voix de leur population, vous verrez que les hommes sont moins hésitants à se mettre au-devant et à oser demander la mairie, par exemple, de leurs localités Tout cela, il faut vraiment qu’on arrive à les balayer d’un revers de la main pour pouvoir s’imposer dans l’arène politique. Il faut aussi prendre en compte un aspect assez important. Je ne sais pas si vous avez regardé ce qui s’est passé lors des parrainages, il n’y a aucune femme qui a été parrainée. Je pense qu’il y a une sensibilisation, un plaidoyer à faire entre nous femmes. Souvent, on n’est pas solidaires, il faut se dire la vérité. On préfère aller soutenir un homme que d’aller soutenir une femme, même si c’est cette femme présente un bon programme qui est accessible à tout le monde. Il nous manque cette solidarité féminine. Il faut aller la chercher, il faut l’asseoir et il faut que cela soit une vérité et que cela soit viable. » La prise de conscience des femmes de leur impact dans la bonne marche de la société « Il y a eu beaucoup de renforcement de capacités des femmes. Maintenant, les femmes sont éveillées, elles sont conscientes du rôle qu’elles peuvent jouer dans la société et la bonne marche des choses dans la société. Il y a une prise de conscience. Il y a des moyens qui sont dégagés pour pouvoir faire des plaidoyers et renforcer les capacités des femmes. C’est une bonne démarche pour que les femmes arrivent véritablement à jouer de tout leur poids dans l’échiquier politique sénégalais. Oui, nous sommes des femmes, on a des responsabilités à la maison, on est des épouses, on est des mamans. Mais nous sommes aussi des agents sociaux. On doit avoir un impact sur la vie de notre société Je fais partie des gens qui croient qu’on ne peut pas se développer sans les femmes. Quand je parle de développement, je ne fais pas juste allusion à la politique, même si la politique est un aspect important, parce que c’est là où on prend les décisions qui peuvent impacter la vie des gens. Donc, aux femmes actives dans la politique, je leur dirai allez-y, n’ayez pas peur, prenez vos responsabilités au même titre que les hommes. Il faut que les femmes sachent tout simplement le poids qu’elles ont. Il ne faut pas qu’elles se disent : je suis une femme, je vais me cantonner aux rôles secondaires que m’attribue la société. Oui, nous sommes des femmes, on a des responsabilités à la maison, on est des épouses, on est des mamans. Mais nous sommes aussi des agents sociaux. On doit avoir un impact sur la vie de notre société. Et pour cela, quand même, il faut qu’on s’active. » Le lien entre autonomisation intellectuelle, autonomisation financière et l’affirmation politique « L’autonomie intellectuelle s’accompagne d’une autonomisation financière. Mais cette autonomisation financière, il faut aussi que les femmes sachent que c’est un moyen de se battre. Quand on est autonome financièrement, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire. Quand on ne l’est pas, cela pose problème. C’est pourquoi les femmes sont cantonnées aux seconds rôles, parce qu’elles n’ont pas les moyens de décider. On doit aller vers cette autonomisation intellectuelle qui, forcément, va mener vers l’autonomisation financière. Cela fera qu’un jour, on verra une femme capable de dire : voilà, je suis une femme, je vais aller demander la magistrature suprême avec mes propres moyens sans forcément dépendre du soutien financier des hommes Du coup, c’est une cause-conséquence. Il faut véritablement qu’il y ait une autonomisation intellectuelle, c’est à cette prise de conscience que l’on doit participer à la vie sociale, économique et culturelle de notre pays. Et après, par tous les moyens, chercher à aller vers cette autonomisation financière. L’éducation aussi est un aspect très important, il faut maintenir les filles dans les écoles et les universités. Donc, on doit aller vers cette autonomisation intellectuelle qui, forcément, va mener vers l’autonomisation financière. Cela fera qu’un jour, on verra une femme capable de dire : “voilà, je suis une femme, je vais aller demander la magistrature suprême avec mes propres moyens sans forcément dépendre du soutien financier des hommes”. »