La place des femmes en politique au Sénégal « Les femmes sont toujours mises à l’écart de l’arène politique au nom de leur féminité. Si elles ont pu voter dès 1945 grâce à Lamine Guéye, les femmes demeurent cantonnées dans les seconds rôles. De la période coloniale jusqu’au lendemain des indépendances, les femmes ont été instrumentalisées par les hommes. Les hommes ont compris que les femmes ont une forte capacité de mobilisation et de ce fait, les hommes comptaient sur les femmes pour capter des voix féminines. Il s’agit surtout des femmes qui n’ont pas le pouvoir économique et qui vont aussi tirer profit de cette collaboration bien qu’elle ne soit pas fructueuse.
Les hommes ont compris que les femmes ont une forte capacité de mobilisation et de ce fait, les hommes comptaient sur les femmes pour capter des voix féminines
De ce fait, ces femmes, en trouvant aussi des voix pour les hommes, trouvent leur intérêt et dans la foulée, elles vont comprendre qu’au lieu de trouver des voix pour ces hommes, elles peuvent le faire pour elles-mêmes. Elles vont décider de parler en leur propre nom et de ne plus le faire pour les hommes. On voit qu’il y a un réel leadership au niveau local. Les femmes ont vraiment compris le sens de l’engagement, elles se mobilisent, elles veulent changer les choses. Je dirai qu’il y a plus une sororité au niveau local que dans les grandes villes. Dans les grandes villes, on a l’impression que les femmes sont plus là pour elles-mêmes, elles oublient de défendre la cause des femmes. Elles prêtent allégeance au leader masculin et ce ne sont pas les préoccupations féminines qui sont débattues à l’Assemblée nationale. » La loi sur la parité « La loi sur la parité, qui a été votée sous la présidence de Abdoulaye Wade, a permis certes de rendre plus visibles les femmes, mais les femmes parlementaires. Je pense que le défi n’est pas de mettre des femmes à l’Assemblée nationale, le vrai défi, c’est de faire bouger les lignes. On se rend compte aussi que la loi sur la parité n’est utile que si elle permet d’accéder à une transformation positive de la société. Tel n’est toujours pas le cas. On se rend compte qu’avec la loi, on n’arrive pas à discuter des rapports inégaux de genre et aussi qu’avec cette loi, la conception du pouvoir est toujours versée au registre du masculin et on aurait dû en fait, pouvoir faire changer les choses. Les femmes sont toujours aussi dans une posture de secondes. Elles sont discrètes, elles sont hésitantes, elles sont effacées. On a pu constater que sur l’ensemble des communes, la proportion de femmes maires est vraiment faible.
On se rend compte aussi que la loi sur la parité n’est utile que si elle permet d’accéder à une transformation positive de la société. Tel n’est toujours pas le cas
Aussi, lors des dernières élections présidentielles, les femmes ont été écartées. Il n’y avait aucune femme candidate. Je pense que la loi sur la parité n’a pas atteint son objectif. Aujourd’hui, on a un certain nombre de femmes qui sont à l’Assemblée nationale, au niveau local également on a un certain nombre de femmes, quantitativement, elles sont présentes, oui, mais qualitativement, qu’est-ce qu’elles font exactement pour les femmes? Est-ce qu’elles adoptent le plaidoyer du genre? Non. Les préoccupations des femmes ne sont pas débattues.
Les hommes ont eu une longueur d’avance par rapport aux femmes en politique, car bien avant, les gouvernements étaient exclusivement masculins. Donc, cela se faisait sans les femmes
Les femmes, pour éviter les représailles prêtent allégeance au leader masculin et se positionnent derrière lui et défendent ses idées. Elles ont l’impression qu’elles ne peuvent pas émerger sans lui. » Les hommes ont eu une longueur d’avance par rapport aux femmes en politique, car bien avant, les gouvernements étaient exclusivement masculins. Donc, cela se faisait sans les femmes. Pourtant, les femmes sont celles qui fournissent la base de données aux hommes, ce sont elles qui font un important travail de mobilisation. Donc, il faudrait que les femmes discutent entre elles et qu’elles prennent conscience du pouvoir qu’elles ont parce que ce sont elles qui élisent les hommes et pas le contraire. Elles sont aussi majoritaires et elles peuvent changer les choses. » Les obstacles au positionnement des femmes en politique « En politique, les femmes rencontrent bien sûr plusieurs obstacles. Déjà, pour occuper certains postes clés, il faut avoir des réseaux, il faut avoir un carnet d’adresses, il faut avoir des ressources économiques, il faut aussi avoir le temps et les femmes n’ont pas le même temps que les hommes. La conciliation entre la vie privée et la vie publique pèse lourdement sur les femmes. Les horaires en politique aussi, sachant que les réunions se font à des heures tardives et que les plus grandes décisions se prennent vers 2 heures, 3 heures du matin. Il y a aussi les pesanteurs socioculturelles. Comment on voit une femme dans l’espace public, sachant que dans nos sociétés, la femme vertueuse est celle qui reste le plus dans l’espace privé ?
La conciliation entre la vie privée et la vie publique pèse lourdement sur les femmes
Donc, les femmes rencontrent un bon nombre d’obstacles, mais on constate que celles qui sont au niveau local arrivent plus à s’exprimer, arrivent plus à faire des choses. » Les actions à privilégier pour surmonter ces obstacles « Il faudrait peut-être encore organiser des réunions avec les hommes, faire plusieurs focus groupes, montrer aussi l’impact et les changements qui peuvent être liés à l’engagement politique des femmes. Il faut montrer que si ces femmes arrivent à se faire une place en politique, qu’elles pourront impulser des rapports de genre plus démocratiques, qu’elles pourront aussi impulser un changement positif pour la société.
Pour pouvoir se positionner comme les hommes, Il faudrait que les femmes soient éduquées, qu’elles aillent se former et qu’elles prennent plus la parole pour défendre leur idées et qu’elles disent des choses, quitte à ne pas toujours s’aligner sur le discours des hommes
Il faudrait aussi valoriser les compétences de ces femmes, en faire des portraits. Parce les femmes manquent vraiment de rôles modèles et de mentors. Je pense que les femmes doivent aussi avoir confiance en elles-mêmes pour pouvoir faire bouger les lignes. Même si on voit qu’au niveau local, les femmes aussi sont en train de faire leur chemin, qu’elles sont en train d’émerger, mais aussi pour pouvoir se positionner comme les hommes, Il faudrait que les femmes soient éduquées, qu’elles aillent se former et qu’elles prennent plus la parole pour défendre leurs idées et qu’elles disent des choses, quitte à ne pas toujours s’aligner sur le discours des hommes. »