L’évolution de la place des femmes en politique « Aujourd’hui, on peut dire que la participation des femmes est toujours très active au sein des partis politiques, mais également en dehors de ceux-ci, au sein des instances dirigeantes, au niveau local et au niveau national. Tout le combat que nous avons mené, jusqu’en 2010, nous a donné la Loi sur la parité et elle n’est pas née ex-nihilo. C’est tout un processus. Nous voulions le quota, nous ne l’avons pas eu. On est passé du quota à la parité. C’est en 2007 que cette loi a été votée pour la première fois au Sénégal, avec la contribution de toutes les femmes issues de tous bords, mais également avec la contribution de nos experts et les leaders religieux. Aujourd’hui, on peut dire que la participation des femmes est toujours très active au sein des partis politiques, mais également en dehors des partis politiques, au sein des instances dirigeantes, au niveau local et au niveau national Elle a été annulée après parce que les gens considéraient qu’elle n’était pas conforme à la Constitution. Malgré cela, nous avons continué le combat, avec au bout, un résultat positif ; le vote de la Loi sur la parité en 2010 et son décret d’application en 2011. Après cela, nous avons effectué beaucoup d’auto analyse après les élections, pour voir ce que l’on a vraiment réussi. Est ce qu’on a la parité dans les institutions ou est ce qu’on ne l’a pas? Qu’est ce qu’il faut après pour vraiment arriver pour les prochaines élections à une parité parfaite? » La loi sur la parité : un acquis « C’est vrai que la loi nous a cantonnées au niveau électif et semi électif, mais moi, je dis toujours que cela reste une très bonne chose. Quand vous faites le tour du monde, très peu de pays ont cette loi. C’est une loi contraignante et je crois que cela nous a beaucoup aidé. Moi qui vous parle, je suis invitée souvent à l’extérieur, que ce soit en Afrique ou en Europe, pour échanger, partager l’expérience du Sénégal sur cette loi. Au niveau du Conseil sénégalais des femmes (COSEF), nous recevons également beaucoup de chercheurs et beaucoup d’autres partenaires, que ce soit des partenaires institutionnels comme les parlementaires des autres pays ou même des organisations de la société civile pour que nous puissions partager l’expérience au Sénégal. Cela a permis au Sénégal d’être encore beaucoup plus visible sur les droits des femmes. Déjà, cela nous a conforté sur le fait que ce n’est pas un combat vain. C’est un combat avec un résultat, même s’il est mitigé. Quand vous allez au niveau local, au niveau territorial, on était à combien? À peine 22% aussi et on est arrivé à presque 48% Tout simplement parce que, avant la loi, il faut voir quel pourcentage de femmes on avait à l’Assemblée nationale, à peine 20 à 22%, quand elle a été votée, à combien nous sommes allés? À 47%, plus du double. Quand vous allez au niveau local, au niveau territorial, on était à combien? À peine 22% aussi et on est arrivé à presque 48%. C’est un bond important. il faut toujours retourner à la source pour voir, où nous en étions avant, le nombre de points que nous avons gagnés après le combat. Et après, nous pouvons voir les mécanismes que nous pouvons mettre en place pour les prochaines élections. » Les principales difficultés pour les femmes en politique « Le problème est multiple pour les femmes. Vous savez que les femmes sénégalaises et les femmes africaines de manière générale, ont plusieurs tâches à accomplir avant de penser à autre chose. Quand nous sommes sur le terrain, parfois, dans les sessions de formation, il arrive qu’une bonne partie des femmes arrive très tard, vers 11 heures ou midi, alors que la session démarre à 8H30. Ce qui justifie cela, c’est qu’elles doivent s’occuper des enfants à la maison pour les accompagner à l’école d’abord, d’autres vous disent qu’elles doivent mettre la table au marché, il faut piler le mil et le riz avant que les enfants ne rentrent pour pouvoir préparer le repas, etc. Il y a beaucoup de choses qui sont vraiment traditionnellement mises sur les bras des femmes, sur la tête des femmes. Je leur tire mon chapeau parce que c’est très compliqué. Ensuite, il faut se positionner au niveau des partis, au niveau des organisations, pour avoir la place qu’il faut parce qu’elles ne veulent plus, malgré toutes ces charges, être derrière parce qu’elles se sont rendues compte qu’elles sont capables. Il y a également le manque de moyens. Donc, aujourd’hui, elle se rendent compte qu’elles peuvent diriger et quand elles dirigent, elles dirigent bien. Elles ont beaucoup plus de capacités et de compétences. Elles sont engagées à accéder à ces postes malgré les difficultés au niveau familial, au niveau culturel et au niveau économique. » Les actions à privilégier au niveau local pour plus accompagner les élues « La première action, c’est la formation. Au niveau local, on a beaucoup de femmes analphabètes. Pour comprendre leurs missions, elles sont obligées parfois d’appeler leurs enfants, qui ne comprennent pas forcément les documents du Conseil. C’est essentiel de les accompagner. Mais également d’accompagner les hommes qui sont dans les conseils parce qu’ils ont besoin aussi de renforcement. Quand on dit genre, on ne parle pas que des femmes, il s’agit des hommes et des femmes. Il y a des thématiques qui les concernent tous, donc on les met ensemble pour les accompagner. Selon moi, la première, la deuxième et la troisième recommandation est le renforcement des capacités. »
Diplômée en Sciences de l’éducation, Madame Gassama capitalise 25 années d’expérience sur les questions relatives au genre, aux droits des femmes, à la participation politique, aux violences basées sur le genre et à l’observation électorale. Actuellement, elle est la présidente nationale du Conseil sénégalais des femmes.