Auteur : Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO)
Type de publication : Guide pratique
Date de publication : 2019
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Promouvoir la résilience des villes frontalières face au changement climatique
L’Afrique a joué un rôle actif dans les négociations de la COP21 en soulignant l’importance des villes à l’avant-garde de la résilience au climat et la nécessité de mécanismes pour financer l’adaptation au changement climatique. Toutefois, faute de législation et de financement appropriés, les autorités locales ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour mener à bien des projets transfrontaliers ni de la possibilité d’accéder directement au financement pour le climat. Il évalue les options juridiques, financières et de gouvernance qui pourraient aider les autorités locales à mener à bien des projets transfrontaliers. Le Secrétariat a achevé deux études de cas à Dori (Burkina Faso) – Tera (Niger), Gaya (Bénin) – Malanville (Niger) et une étude en cours sur le corridor Lagos (Nigéria) – Abidjan (Côte d’Ivoire).
Établir une stratégie climat au niveau national et au niveau local
Le manque de capacités et d’expertise au niveau étatique pour établir de véritables diagnostics de vulnérabilité peut être compensé par une meilleure implication des acteurs locaux. La décentralisation de l’information climatique au niveau régional ou local facilite de plus l’identification des risques et des actions à prendre pour les villes frontalières, qui de fait partagent un même bassin de risques avec les villes de l’autre côté de la frontière.
Selon la Banque mondiale, investir dans des stratégies et projets pour la résilience urbaine permettrait d’économiser le coût des catastrophes et de la paupérisation des populations.
Établir une stratégie transfrontalière de développement local
La mobilisation des acteurs politiques et techniques des autorités locales pour créer des partenariats autour d’un projet de territoire transfrontalier partagé est essentielle pour un aménagement concerté qui n’impacte pas négativement le voisin et qui prennent en compte les flux de populations autour des infrastructures. Une fois le contact établi entre les autorités locales de part et d’autre de la frontière autour d’un premier projet commun, la pérennisation de la coopération peut se faire sur la base de l’élaboration d’une stratégie transfrontalière de développement local et d’aménagement intégré. En articulation avec les stratégies climatiques nationales et régionales/locales, les stratégies transfrontalières de développement local peuvent contribuer à identifier des projets de développement participant au renforcement de la résilience des territoires, y compris en lien avec le changement climatique.
Structurer le projet en s’appuyant sur l’ingénierie technique disponible
Une étude de l’Agence Française de Développement sur la démarche d’une planification climat à l’échelle locale pointe six éléments essentiels pour aboutir à un projet climat bien structuré.
Les six aspects sont :
- La sensibilisation de l’opinion publique aux sujets du changement climatique (pas de clivage politique climat-développement)
- Un cadre réglementaire stable pour la lutte contre le changement climatique
- Un portage politique fort
- Une capacité technique au niveau des collectivités
- Une dynamique territoriale sur les sujets du changement climatique
- Un ensemble d’acteurs techniques et financiers pour appuyer les collectivités.
Dori (Burkina Faso) et Téra (Niger)
La région transfrontalière de Dori-Téra abrite de nombreux marchés transfrontaliers. Le marché de Téra donne lieu à des échanges céréaliers et attire les burkinabés de Dori et de plus loin pour la vente du bétail : les éleveurs viennent parfois de Kaya, parcourant des centaines de kilomètres pour vendre leur bétail au marché au bétail de Téra. Il y a une route de transhumance pour le bétail entre Dori et Téra, et des coopérations de fait entre les communautés locales burkinabées et nigériennes qui sont composées des mêmes populations, partageant les mêmes pratiques agricoles et d’élevage.
Investir dans des stratégies et projets pour la résilience urbaine permettrait d’économiser le coût des catastrophes et de la paupérisation des populations
Quelle gouvernance locale applicable aux dimensions environnementales ?
Un cadre légal existe pour accompagner la coopération transfrontalière entre les deux communes urbaines dans le domaine du climat, de l’environnement et de l’agriculture.
Climat
En ce qui concerne les risques climatiques, la région est un laboratoire de l’adaptation car elle est affectée par des risques très divers : dégradation des sols, problème d’accès à l’eau, présence de maladies liées à l’eau donc climato-sensibles, routes dégradées durant l’hivernage causant l’enclavement des territoires et des problèmes de santé des populations, etc.
Recommandations
Au niveau local :
- Décliner l’initiative du SATI sur toutes les zones frontalières d’Afrique de l’Ouest :
– Des SATI sont en cours de discussion pour le corridor littoral de la Côte d’Ivoire au Nigéria et pour la vallée du fleuve Sénégal. L’exercice pourrait être répliqué sur les espaces Katsina-Kano-Maradi-Zinder, l’Union de la Rivière Mano, la Sénégambie méridionale, etc.
– Ces schémas se basent sur un diagnostic territorial pour nourrir une stratégie et prioriser des projets structurants et gagnant-gagnant pour l’espace transfrontalier concerné, selon – Un plan d’action de qualité permettant d’attirer des investissements.
Il y a une route de transhumance pour le bétail entre Dori et Téra, et des coopérations de fait entre les communautés locales burkinabées et nigériennes qui sont composées des mêmes populations, partageant les mêmes pratiques agricoles et d’élevage
Au niveau régional :
- Permettre l’accès à une information territorialisée sur les changements climatiques, afin d’adopter des stratégies pertinentes
- Favoriser les projets multi-pays voire transfrontaliers, qui concernent plusieurs pays et correspondent à des bassins de commerce et de vie. De tels projets auront un effet plus direct et efficace sur la sécurité alimentaire dans ces régions où les populations dépendent de la coopération pour faire face aux crises
- Organiser des revues transfrontalières à partir d’initiatives existantes telles le C3 Sahel afin de résoudre les obstacles à la coopération de nature législative et améliorer le cadre législatif des pays en conséquence (notamment l’autonomie locale et l’effectivité de la décentralisation de manière générale)
- Renforcer les capacités des autorités locales en termes de ressources humaines : faciliter la mise à disposition de fonctionnaires d’État dans les territoires, afin de faire monter en compétence les personnels des collectivités
- Renforcer les capacités des autorités locales en termes de ressources propres, notamment par une amélioration de la fiscalité locale
- Permettre l’accès à des financements pérennes pour des projets stables et durables dans le temps
Gaya (Niger) – Malanville (Benin)
Contexte
L’espace transfrontalier formé par Gaya et Malanville, auquel on peut ajouter Kamba (Nigéria), constitue un réseau urbain transfrontalier ou tripôle appelé Dendi Ganda. Le Dendi qui signifie « au fil de l’eau » désigne, dans la langue des Songhaï, la région frontalière qui sépare le Bénin du Niger. Les villes et les villages du Dendi sont caractérisés par la dominance de groupes aristocratiques et guerriers issus de l’Empire songhaï. Aujourd’hui, une part importante du commerce transfrontalier est informelle. Ces activités ne s’effectuent pas dans le cadre de coopératives ou de sociétés légalement constituées, leur comptabilité n’est pas conforme aux normes officielles ou nationales, et elles ne sont pas inscrites aux registres de commerce. Du fait de leur position privilégiée, les marchés frontaliers de la région du Dendi se démarquent généralement par leurs infrastructures très développées et par une nette orientation vers les échanges interrégionaux ou la réexportation. De nombreuses villes frontalières tirent leur prospérité des barrières juridiques Gaya (Niger) – Malanville (Benin) et commerciales qui existent entre deux États, comme les différences au niveau des régimes fiscaux et des taux de change, ou le subventionnement de certains produits tels que les engrais.
Quelle gouvernance locale applicable aux dimensions environnementales ?
Au niveau de la coopération décentralisée, Gaya et Malanville ne semblent pas participer à des jumelages internationaux. En transfrontalier, plusieurs démarches cependant existent. La Commission du fleuve Niger créée en 1963 donnait un premier cadre de concertation sur les infrastructures utilisant le fleuve partagé par 9 États Bénin, Burkina, Cameroun, Guinée, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Nigeria, Tchad.
Au niveau national, le Bénin s’est doté en 2012 d’une Politique Nationale de Développement des Espaces Frontaliers (PNDEF) portée par l’Agence Béninoise de Gestion Intégrée des Espaces Frontaliers (ABeGIEF).
Malanville et Gaya, ainsi que Kamba (Nigéria) posent les jalons d’une coopération transfrontalière plus formelle en signant un protocole d’entente le 21 juillet 2016 à Kamba
La coopération transfrontalière entre Gaya et Malanville
La première centralise les grossistes souhaitant commercer avec le Nigéria, qui interdit les importations de nombreux biens comme les vêtements d’occasion. Chaque jour, des centaines de camions chargés de produits alimentaires, de biens manufacturés, de pétrole et de concentrés uranifères empruntent la route à voie unique très fréquentée qui traverse Gaya, en direction du Golfe de Guinée ou des autres grandes villes du Sahel. Par le couloir de Cotonou, dans lequel se situe Gaya, transitent la moitié des biens importés du Niger et les trois quarts de ses exportations totales en valeur. La position stratégique de la ville, aux confins de trois États, attire depuis trente ans les grossistes qui y ont construit des dizaines d’entrepôts.
Climat
Les régions du Niger et du fleuve Mékrou, aux frontières du Niger et du Bénin, sont situées dans la zone climatique soudanienne, caractérisée par un climat sec et tropical. Les températures moyennes y sont généralement comprises entre 18,6°C et 27,2°C en janvier et atteignent des maximales comprises entre 33,1°C et 40,3°C en avril. Les précipitations s’intensifient de mars à août et diminuent rapidement en septembre et en octobre. Ces écarts importants, aussi bien au niveau temporel que géographique, affectent profondément la répartition des zones arables dans la région et s’expliquent par la présence du fleuve Niger qui la parcourt d’Ouest en Est sur plus de 100 km.
RECOMMANDATIONS
- Associer des autorités locales ou régionales aux discussions au sein de l’ABN, afin d’améliorer l’applicabilité des décisions prises. Ainsi, il est essentiel d’avoir une vision globale du phénomène des inondations et de travailler à l’échelle régionale : l’ABN prend des décisions politiques à l’échelle des pays très difficiles à appliquer dans les territoires.
- Mettre en œuvre une action transfrontalière contre l’ensablement du fleuve Niger dans la zone après le delta intérieur du Niger, au niveau de la frontière du Mali et jusqu’à Niamey, avec l’implication des deux États. Cela profiterait en aval à Gaya et Malanville, car l’environnement est très dégradé ; le fleuve est à un niveau d’ensablement maximal, accélérant le débit du fleuve en aval et favorisant ainsi les inondations.
- Favoriser au sein de l’UEMOA et de la CEDEAO des programmes locaux multithématiques permettant de financer des petits projets locaux sur les frontières en articulation avec les décisions prises au niveau supranational et les stratégies territoriales.
- Encourager les projets multi-pays au sein des organisations internationales, selon des approches fonctionnelles qui vont au-delà du découpage institutionnel. : Il aurait été intéressant d’élargir le projet du PNUD au Bénin aux 3 villes de l’espace du Dendi Ganda et du moins d’en examiner la faisabilité.
- Répondre aux besoins de renforcement des capacités des autorités locales : 40 Gestion des Risques Hydro-pluviometriques dans la Vallée du Niger au Bénin : cas des inondations des années 2010, 2012 et 2013 dans les communes de Malanville et Karimama, ADJAKPA, il est actuellement difficile de faire de l’adaptation au niveau local, car cela demande de gros investissements et des démarches que les populations ne sont pas habituées à mettre en place (nouvelles pratiques agricoles etc.) Il faudrait dédier davantage de moyens financiers et humains au niveau local pour réaliser des investissements et des activités de sensibilisation, de formation et d’éducation au développement durable pour autonomiser les communautés face aux risques.
- Davantage utiliser les dispositifs de la coopération décentralisée pour apporter l’expertise et l’ingénierie de projets nécessaires. Exemple : l’ADEME, agence française de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie a accompagné un projet avec le Ministère de l’Environnement au Sénégal, le CSE de Dakar et avec le GRET et l’ISET en Mauritanie sur l’utilisation d’une plante invasive dans la vallée du fleuve Sénégal (typha, apparu depuis le barrage anti sel).
- Créer des projets de partage d’expériences et de bonnes pratiques en matière environnementale impliquant les populations locales, qui partagent la même culture et portent un savoir-faire ancestral.
Favoriser au sein de l’UEMOA et de la CEDEAO des programmes locaux multithématiques permettant de financer des petits projets locaux sur les frontières en articulation avec les décisions prises au niveau supranational et les stratégies territoriales
- Prévoir des programmes s’adressant plus spécifiquement aux organisations de la société civile, comme le Projet Innovant des Sociétés Civiles et Coalitions d’Acteurs (PISCCA) de l’ambassade de France au Sénégal, afin d’augmenter la redevabilité et donc la transparence de l’action publique aux niveaux local, régional, national. Le projet « Contribution au renforcement des capacités de la société civile locale en gouvernance des espaces transfrontaliers entre le Sénégal et la Gambie »montre l’intérêt des populations de participer aux décisions sur les projets d’infrastructures et les solutions aux questions environnementales et climatiques sur l’espace transfrontalier.
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