Auteur(s): Romain Houeix
Publié par : France 24
Type de publication: article
Date de publication: 04 mai 2018
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Une étude financée par l’Agence américaine de protection de l’environnement révèle qu’au moins 16 900 tonnes de déchets électroniques ont été envoyées au Nigeria en 2015 et 2016, dont une partie en contrebande dans des voitures d’occasion.
Le problème n’a rien de nouveau pour le continent africain : ces dernières années, l’Afrique est devenue un dépotoir pour l’Europe et les États-Unis qui y envoient leurs déchets électroniques. Cependant, une étude, financée par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) et publiée fin avril, met en avant un fait nouveau : les méthodes de ces “exportateurs” qui utilisent des véhicules automobiles d’occasion, dont la contenance n’est pas contrôlée, pour y transporter des déchets électroniques.
L’Afrique est devenue un dépotoir pour l’Europe et les États-Unis qui y envoient leurs déchets électroniques
Les deux organismes auteurs de l’étude, l’Université des Nations unies (UNU) et le Basel Convention Coordinating Center (BCCC) pour l’Afrique, ont fouillé 201 containers et 2 184 véhicules d’occasion envoyés vers les ports de Lagos, au Nigeria, durant les 16 mois qu’ont duré l’étude. Ils ont découvert que sur 66 000 tonnes de produits électroniques de seconde main envoyés, 16 900 tonnes ne fonctionnaient pas. Un dysfonctionnement qui en fait des déchets électroniques, ce qui rend leur exportation illégale au regard de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ainsi que de la réglementation de l’Union européenne.
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Les chercheurs ont estimé que 77 % des appareils électroniques expédiés provenaient de ports de l’Union européenne. Parmi eux, 20 % arrivaient d’Allemagne, 19,5 % du Royaume-Uni, 9,4 % de Belgique ou encore 8,2 % des Pays-Bas.
Des conséquences sur l’environnement
Or, ces produits électroménagers, smartphones, ordinateurs et autres téléviseurs regorgent de métaux lourds. Ces matériaux, en plus de se dégrader difficilement, peuvent se révéler extrêmement dangereux pour la santé humaine.
“On trouve du plomb, du mercure et du cadmium dans ces déchets”, explique Jim Puckett du Basel Action Network, une association militant pour l’élimination écologique des déchets électroniques, joint par le site spécialisé Motherboard. “Beaucoup des produits d’import décrits dans l’étude sont dotés de dispositifs de rétroéclairage contenant du mercure. Les premiers écrans LCD utilisaient des lampes au mercure pour le rétroéclairage. Quand vous les démantelez, vous respirez ce mercure.”
Un dysfonctionnement qui en fait des déchets électroniques, ce qui rend leur exportation illégale au regard de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ainsi que de la réglementation de l’Union européenne
Recycler ces objets peut s’avérer difficile et leur élimination est onéreuse. L’Europe et les États-Unis ont donc pris la mauvaise habitude d’exporter leurs déchets électroniques vers les pays africains et asiatiques. Une étude du programme environnemental des Nations unies datée de 2012 pointait déjà ce problème au Nigeria mais aussi au Benin, Ghana, Liberia et Côté d’Ivoire.
Une méthode passant sous les radars des autorités nigérianes
Il faut dire que ces pays sont particulièrement demandeurs d’appareils électroniques d’occasion car le neuf est bien souvent hors de prix pour les populations. Arrivés usés d’Europe, ils se bricolent, se réparent et se revendent à prix d’or. “La quasi-totalité des importateurs sont des Nigérians, 80 % de la métropole de Lagos,” note Olusegun Odeyingbo, autre coauteur du rapport, dans un communiqué. “L’import peut générer des profits considérables, surtout s’ils peuvent être réutilisés. ”
Mais, comme le dénonce l’étude, des exportateurs peu scrupuleux glissent au milieu de produits fonctionnels des appareils inutilisables. Et pour contourner les contrôles de fonctionnalité existants, ils ont recours à des véhicules d’occasion.
“Certains exportateurs ont remarqué que les instances de règlementation n’avaient pas envisagé cette possibilité”, explique le professeur Percy Onianwa, coauteur de l’étude, dans le même communiqué. “L’importation de produits électroniques de seconde main via des véhicules d’occasion est économique pour les transporteurs. Elle permet de remplir de l’espace inexploité dans les cargaisons de voitures”, ajoute-t-il.
La faiblesse des moyens en cause
L’étude met l’accent sur le déficit de moyens dont disposent les autorités nigérianes pour faire face à ce problème. Impossible pour elles de tester l’ensemble des téléphones portables lorsqu’un container plein arrive. Elles sont obligées de s’en remettre à un certificat de fonctionnalité qui peut être erroné.
Enfin, les acteurs pointent du doigt la faiblesse des risques encourus par les contrevenants : “Si les exportateurs qui expédient illégalement des e-déchets prennent le risque d’être attrapés, c’est parce que la sanction est habituellement uniquement financière”, indique Rüdiger Kühr, de l’UNU, à Motherboard. Et celle-ci semble minime par rapport au peu de risques encourus. “Les contrôles, que ce soit dans les pays d’export ou au Nigeria, doivent être renforcés. Une meilleure coopération entre les autorités locales et les agences spécialisées est également recommandée”, conseille le rapport.
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