Auteur : Benjamin Descôteaux-Dupré
Site de publication: perspective.usherbrooke.ca
Type de publication: Article
Date de publication: janvier 2020
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Bien que l’enseignement primaire soit officiellement gratuit et obligatoire au Nigeria, ce pays se retrouve tout de même au sommet d’un classement peu enviable : il détient le taux de scolarisation le plus bas de la planète. Effectivement, malgré qu’il soit fort de la première économie continentale, cet État d’Afrique subsaharienne peine à financer adéquatement son système d’éducation, dont les infrastructures sont surchargées, délabrées et mal équipées.
À cet investissement déficient s’ajoutent une pauvreté marquée au sein de la population, des professeurs non qualifiés ainsi que des tensions régionales vives, un mélange qui met en danger la capacité du Nigeria à améliorer les conditions socio-économiques de ses générations futures.
Un système d’éducation portant peu d’espoir
Un enfant non scolarisé sur cinq dans le monde se retrouve au Nigeria. Alors que le gouvernement en place attribue cela aux différences culturelles existantes au sein du pays, les critiques s’entendent, quant à elles, sur le fait qu’une insuffisance d’investissement en éducation est à l’origine de cette situation.
Un enfant non scolarisé sur cinq dans le monde se retrouve au Nigeria
À ce titre, en 2018, l’enveloppe attribuée par le gouvernement nigérian à ce secteur s’élevait à 7 % du budget global. Un montant bien trop insuffisant selon l’agenda du Forum mondial sur l’éducation de l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), qui recommandait, en 2015, que les pays en voie de développement accordent de 15 % à 20 % de leurs dépenses publiques à l’éducation.
Découle de ce déficit un manque flagrant d’installations scolaires. Alors qu’au sud du pays les infrastructures sont précaires, au nord elles sont tout simplement insuffisantes pour subvenir à la demande. Ainsi, les ratios enseignant-élèves ciblés dans la politique nationale sur l’éducation sont largement dépassés. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir un seul professeur enseigner à une classe doublée, ou même triplée, selon le reporter nigérian de la BBC Hausa’s Mohammed Kabir Mohammed.
L’État actuel des lieux en matière d’éducation au Nigeria provoque ainsi des répercussions d’ordres économique et social bien réelles. Le taux de chômage élevé des dernières années en témoigne
En plus d’avoir trop d’enfants à leur charge et d’œuvrer dans des conditions difficiles, les professeurs nigérians sont le résultat d’une formation défaillante, voire inexistante. En fait, selon le reporter de la BBC au Nigeria Pidgin’s Adejuwon Soyinkoa, environ 60 % à 70 % des gens occupant des postes d’enseignant dans les écoles primaires et secondaires nigérianes sont des travailleurs non qualifiés n’ayant pas réussi à se trouver un autre emploi.
Quant aux salaires, ils sont très peu satisfaisants comparativement à la charge de travail demandée. L’addition de ces facteurs rend la profession d’enseignant très peu inspirante aux yeux des jeunes Nigérians.
L’État actuel des lieux en matière d’éducation au Nigeria provoque ainsi des répercussions d’ordres économique et social bien réelles. Le taux de chômage élevé des dernières années en témoigne. Le professeur Gamalier O. Prince, vice-chancelier de l’Université d’Amérique en Californie, attribue cette situation à l’éducation « expirée » que reçoivent les étudiants nigérians durant tout leur parcours. Cette dernière les rend inaptes à pratiquer dans leur champ d’études, même lorsqu’ils détiennent un diplôme universitaire.
D’un point de vue social, les mauvaises orientations du système d’éducation provoquent un sentiment d’inquiétude quant à leur impact sur la non-réalisation des objectifs de développement du pays.
Éviter le naufrage
La tendance actuelle laisse supposer que la population nigériane sera amenée à doubler d’ici 2050. Alors que certains observateurs voient cette situation comme une belle occasion sur le plan démographique, l’état actuel de l’éducation au sein du pays laisse plutôt présager un désastre. Aussi, l’UNICEF et le gouvernement nigérian tentent d’agir afin d’améliorer la situation.
Avec son programme d’éducation pour le Nigeria, l’UNICEF souhaite augmenter la demande en éducation et l’aide humanitaire affectée au pays. L’organisme onusien cherche ainsi à ce que le pays atteigne le quatrième des dix-sept objectifs de développement durable encourus d’ici 2030. Celui-ci vise l’accès à une éducation de qualité par l’atteinte de cibles allant de l’« enseignement primaire et secondaire universel » à l’« égalité des genres et l’inclusion », en passant par l’« accroissement du nombre d’enseignants qualifiés ».
De son côté, le gouvernement du Nigeria évoque la possibilité d’une phase de privatisation du secteur de l’éducation. Cela viendrait pallier le manque d’investissement public actuel, que les décideurs nigérians considèrent comme étant impossible à revoir à la hausse.
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Très intéressant. Belle lecture