Organisation affiliée : Ministère de l’Education Nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales
Type de Publication : Rapport
Date de publication : Février 2019
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Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
Suite aux crises socio-économiques et politiques survenues notamment en 2014, le Burkina Faso a pu retrouver une vie constitutionnelle normale qui a permis de mettre en place des institutions républicaines et d’engager le pays vers une stabilité politique, sociale et économique relative.
La population burkinabè, extrêmement jeune et en croissance, constitue un défi pour le pays en raison des besoins spécifiques notamment d’éducation, de formation et d’insertion socio-professionnelle. On estimait qu’en 2015 près de 70% de la population avait moins de 25 ans. Cette proportion a fortement augmenté par rapport à 1996 où elle était de 68,5%. Cette tendance devrait encore se maintenir à moyen terme. La frange des enfants de 6-11 ans représente un quart de la population totale et celle de 6-15 ans représenterait 40% des moins de 25 ans sur la période 2006- 2020.
La pression démographique qui s’exerce sur le système éducatif ne faiblira pas dans les années à venir et devrait rester encore soutenue. Le nombre d’enfants scolarisables va augmenter pour tous les groupes d’âge. Ainsi, sur la période 2015- 2020, le nombre d’enfants en âge de fréquenter le primaire (les 6-11 ans) devrait augmenter d’environ 500 000 pour atteindre un peu plus de 3,8 millions en 2020.
Ceux en âge de fréquenter le post-primaire et le secondaire devraient augmenter de 582 000 (soit 319 884 pour le post-primaire et 262 108 pour le secondaire) pour atteindre les 3,6 millions. Dans la dynamique de la mise en œuvre de l’obligation scolaire dans l’éducation de base, ce sont un peu plus de 5,2 millions d’enfants qui seront dans la tranche d’âge concernée par cette réforme en 2020. Plus spécifiquement, en EFTP, les 12-24 ans, en augmentation régulière (environ 5 millions en 2015, 6 millions en 2020) représentent 40% des jeunes en 2020 alors que la proportion des jeunes de cet âge inscrits dans l’enseignement secondaire ne dépasse guère 20%.
La population burkinabè, extrêmement jeune et en croissance, constitue un défi pour le pays en raison des besoins spécifiques notamment d’éducation, de formation et d’insertion socio-professionnelle. On estimait qu’en 2015 près de 70% de la population avait moins de 25 ans
Depuis l’année scolaire 2016-2017, le Burkina Faso fait face à des attaques récurrentes de la part de groupes armés sur la quasi-totalité du territoire, avec une certaine sévérité dans six régions des 13 régions du pays. Ces régions à forts défis sécuritaires que sont la région du Nord, du Sahel, du Centre-Nord, de l’Est, de la Boucle du Mouhoun et de plus en plus celle du Centre-Est partagent des frontières avec le Mali en grande partie, le Niger, le Togo et le Bénin.
De plus, les populations se déplacent d’une zone à l’autre dans l’ignorance totale des limites territoriales. Leurs activités économiques sont principalement axées sur l’agriculture, l’élevage et le commerce transfrontalier de produits divers. Les opportunités existent sur le plan minier mais le niveau de qualification de la main-d’œuvre limite la participation réelle des bras valides aux activités de ce domaine engendrant des frustrations et des tensions sociales.
Les stress hydriques récurrents liés aux caprices de la pluviométrie font que les productions agricoles sont de faible quantité et le pâturage insuffisant, ce qui contraint les ménages exposés à la transhumance, sinon à la migration. En tout état de cause, ces jeunes parfois désœuvrés et frustrés pourraient constituer un vivier pour le recrutement de combattants des groupes extrémistes actifs dans la zone frontalière avec le Mali connue pour son instabilité depuis l’éclatement de la crise malienne en 2012.
Ces acteurs institutionnels ont élaboré en commun un plan sectoriel pour la période 2017-2030 sur la base des résultats du Rapport d’état du système éducatif national (RESEN) de 2016 qui a posé un diagnostic exhaustif du système éducatif et a proposé des pistes d’orientation pour la formulation de politiques éducatives.
Ainsi, il ressort de ce diagnostic que les contraintes majeures du système éducatif et de la formation sont: (i) une éducation de base formelle orientée vers la massification et en perte de qualité ; (ii) une Éducation non formelle (ENF) de faible qualité avec des inégalités de genre; (iii) un enseignement secondaire insuffisamment pris en compte dans le système éducatif et très orienté vers les matières littéraires, (iv) un enseignement et une formation techniques et professionnels (EFTP) embryonnaires et peu organisés ; (v) un enseignement supérieur structurellement en crise ; (vi) une gestion et un pilotage du système éducatif peu professionnels, avec des résistances à l’innovation ; et (vii) une situation actuelle du secteur caractérisée par une éducation et une formation en perte de qualité et faiblement adaptées aux besoins de l’économie.
L’insécurité constitue la nouvelle menace au développement socio-économique du Burkina Faso dans la mesure où elle touche directement la question de la survie ou de l’existence de l’homme. Lorsqu’elle touche une population, celle-ci subit des pertes en vies humaines et les dures lois des migrations, de la faim, des maladies, de la déscolarisation, du bafouement des droits de l’homme et de la personnalité ; autant d’éléments qui impactent durement la vie des communautés.
Le Burkina Faso est exposé à plusieurs risques et vulnérabilité si l’on en juge par sa position géographique dans la zone du Liptako-gourma constituée du Mali, du Niger et du Burkina Faso. En effet, selon une analyse préliminaire des risques, des vulnérabilités et des actifs de résilience dans la région du Liptako, une vingtaine de risques et vulnérabilités peuvent être mentionnée dont les plus importants sont : la montée de l’insécurité avec la prolifération des groupes armés non étatiques depuis la crise libyenne, les limitations d’accès dans les zones touchées à cause des opérations militaires et des menaces directes des groupes armés, la pauvreté, l’insécurité alimentaire chronique, la forte croissance démographique, la sous scolarisation dans la région du Sahel, les déplacements de population, la criminalité organisée faisant des frontières des zones de tout trafic, la complexité des origines de la radicalisation, la prolifération des groupes d’auto- défense, etc.
Ainsi, la couverture éducative ces dernières années montre une dynamique positive tandis que l’offre d’éducation reste en deçà de la demande sociale. En effet, les effectifs des élèves scolarisés ont globalement augmenté à tous les niveaux d’enseignement de l’ordre de 3,2% au préscolaire, 5,4% au primaire et 11,4% au post-primaire et secondaire dont 0,3% pour l’EFTP.
Les progrès en termes de participation l’ont été particulièrement dans la réduction des disparités grâce aux mesures incitatives mises en place. La parité qui n’était observée qu’au préscolaire depuis le début des années 2000 a atteint progressivement le primaire à partir de 2014 puis le post-primaire en 2016.
L’environnement institutionnel et juridique du secteur de l’éducation est caractérisé par une instabilité institutionnelle provoquée par l’absence d’un organigramme stable, elle-même due aux changements fréquents opérés à la tête des départements ministériels. Le cadre juridique est bien encadré par la Loi d’orientation de l’éducation de 2007 qui consacre l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans et la gratuité de l’éducation de base publique.
A partir de l’année scolaire 2017-2018, le secteur de l’éducation a subi des attaques et menaces qui se sont accentuées. Ces attaques se sont manifestées par :
- des agressions physiques et assassinats d’enseignants;
- des incendies et destructions de salles de classe et de matériels pédagogiques;
- des menaces à l’endroit du personnel éducatif et des responsables des associations de parents d’élèves.
La fermeture des écoles due à la crise sécuritaire affecte les enseignants qui se voient obligés d’abandonner les classes ou postes, soit par suite de menaces ou par peur d’être victimes d’attaques terroristes. Cette pression s’exerce également sur les responsables administratifs.
La situation des élèves affectés par la crise sécuritaire se présente comme suit : la situation au 15 février 2019 fait ressortir 1135 établissements fermés empêchant 154 233 élèves de jouir de leur droit à l’éducation dont 48,5% de filles. Cette fermeture affecte plus les filles qui sont déjà dans une situation de faiblesse.
Le contexte sécuritaire pourrait davantage favoriser les enlèvements, les mariages précoces, les abus sexuels et autres traitements dégradant des filles. Les risques de recrutements d’élèves déscolarisés par les groupes terroristes restent réels.
Au niveau international, la stratégie de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires s’appuie sur les cadres, les accords et les conventions internationaux de référence auxquels le Burkina Faso a souscrit. Il s’agit plus particulièrement des instruments légaux internationaux qui sont à la base des Normes minimales du Réseau inter-agences pour l’éducation en situation d’urgence (INEE).
La stratégie de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires trouve son fondement dans la Constitution du Burkina Faso qui reconnaît le droit à l’éducation à tous les Burkinabè, sans aucune discrimination. Ce principe est repris par la Loi d’orientation de l’éducation qui fait de l’éducation, une priorité nationale. C’est dans cette perspective que le Plan Sectoriel de l’Education et de la Formation 2017-2030 a été élaboré et se veut d’être « un système éducatif démocratique, performant, inclusif et ouvert sur le monde, développant les compétences et l’expertise nécessaires et suffisantes pour le développement socio- économique du Burkina Faso ».
La vision de la stratégie de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires est qu’ « à l’horizon 2024, le Burkina Faso bénéficie d’un environnement scolaire sain, pacifique et sécurisé qui garantit et favorise la continuité efficace des activités d’enseignement/apprentissage sur toute l’étendue du territoire national ».
La complexité du contexte national et du phénomène sécuritaire exige d’adopter des méthodes modernes de travail, d’imprimer la volonté de rapprocher les objectifs des ressources afin d’apprécier la pertinence des moyens engagés au regard des résultats attendus. La mise en œuvre de la stratégie repose sur un management de la performance focalisé sur la réalisation des objectifs et des impacts attendus.
Objectif stratégique :
Assurer la scolarisation de tous les enfants, la protection et le bien-être des acteurs de l’éducation et le renforcement des capacités d’accueil des structures éducatives dans les régions concernées à l’instar des zones sûres.
Objectif opérationnel 1 : Prévenir la fermeture des classes face aux attaques et menaces sécuritaires dans les zones sécurisées pour assurer un environnement d’apprentissage sûr et protecteur
Il s’agit entre autres de :
Construire des clôtures ;
Recruter des gardiens ;
Résorber les écoles sous paillotes ;
Mettre en place des comités communautaires de veille ;
Former les acteurs sur l’approche safe school ;
Sécuriser le matériel didactique et pédagogique.
Objectif opérationnel 2: assurer la réouverture des structures éducatives fermées en fonction du niveau de sécurité établi
Responsabiliser les COGES dans la mise en place de cellule de gestion de crise prenant en compte les services de santé, de nutrition, de protection et des services psychosociaux ;
Sensibiliser les acteurs à la réouverture des structures éducatives fermées ;
Recruter des enseignants communautaires ;
Réhabiliter les structures éducatives endommagées ;
Reconstruire les structures éducatives détruites ;
Doter les structures éducatives en équipements
Objectif opérationnel 3 : faciliter l’accès et le maintien des filles et des enfants en situation de vulnérabilité (ESH, OEV, etc.)
Sensibiliser les communautés sur l’inscription et le maintien des filles et enfants en situation de handicap ;
Accorder des subventions pour la scolarisation ;
Doter les filles inscrites en ration sèche à emporter ;
Doter les filles en kit d’hygiène de dignité.
Objectif opérationnel 4 : créer des espaces éducatifs inclusifs pour les élèves déplacés
La fermeture des structures éducatives a pour corollaire le déplacement des populations. C’est pourquoi il importe de créer des espaces éducatifs inclusifs pour les élèves déplacés. Pour cela, il faut : mettre en place des dispositifs d’accueil d’urgence (espaces temporaires d’apprentissage, lave-mains, poly tanks, latrines) ;
aménager des espaces récréatifs dans les espaces temporaires d’apprentissage.
Objectif opérationnel 5 : Faciliter la réinscription des élèves déplacés
Permettre l’intégration ou la réintégration du système d’éducation à tout moment de l’année scolaire et partout sur le territoire national : une lettre circulaire assortie de communiqués sera émise chaque année pour rappeler cette directive qui participe de l’inclusion et de l’équité;
Autoriser l’inscription des élèves déplacés en l’absence de documents ou d’autres pièces administratives exigés en attendant la régularisation de leur situation administrative.
faciliter le suivi des élèves, par la numérisation du fichier scolaire de chaque enfant avec attribution d’un identifiant scolaire unique ;
Faciliter l’enregistrement des élèves déplacés à l’état civil.
Objectif opérationnel 6 : Pourvoir à la santé, l’hygiène, l’alimentation et la nutrition des élèves
assurer le suivi sanitaire et nutritionnel des élèves ;
mettre en place des dispositifs d’hygiène (toilettes, laves mains, eau potable…) ;
assurer la récupération nutritionnelle des enfants affectés ;
approvisionner à temps (dès octobre) les écoles en cantines scolaires permettant de couvrir toute l’année scolaire ;
renforcer la capacité des structures à mettre en place les cantines endogènes ;
fournir du cash aux enfants des déplacés internes et/ou des rations à emporter selon les besoins ;
appuyer les Activités génératrices de revenus (AGR) via les Associations des Mères Educatrices (AME) pour renforcer l’autonomie des déplacés et des réfugiés.
Objectif opérationnel 7 : Renforcer la résilience des acteurs
former les acteurs à développer des plans de préparation et de réponse ;
organiser des exercices de simulation de crise dans les structures éducatives ;
organiser des activités ludiques permettant l’évacuation du stress dans les zones touchées par l’insécurité ;
constituer des stocks de sécurité (fournitures, équipements, tentes, kits divers) ;
former les acteurs à l’identification du stress et le système d’orientation des personnes dans le besoin vers les spécialistes ;
élaborer des plans de préparation et de réponses par structure.
L’Etat burkinabè mettra tout en œuvre pour relever le défi du financement de la stratégie qui est par ailleurs un défi de développement socio-économique. Il mènera les plaidoyers nécessaires afin de bénéficier de l’accompagnement de ses partenaires techniques et financiers. Les acteurs de développement comme le secteur privé, les partenaires sociaux, les ONG et associations seront associés dans ce mécanisme.
Les principaux risques liés à la mise en œuvre de la stratégie sont entre autres :
les risques liés à la forte mobilité des populations ;
les risques liés aux troubles socio-politiques ;
les risques liés à la recrudescence des attaques ;
le risque financier ;
le risque lié à la crise économique.
Les différentes orientations et approches pédagogiques de la stratégie de scolarisation des élèves des zones à forts défis sécuritaires ont fait l’objet de consensus par l’ensemble des acteurs des niveaux décentralisé, déconcentré et central, des PTF, ONG et associations intervenant dans le secteur de l’éducation. La mise en œuvre de la SSEZDS 2019-2024 se fera selon l’approche programme et la nomenclature du budget programme. Elle est déclinée en trois axes stratégiques qui sont :
– axe stratégique 1 : Accès à l’éducation et environnement d’apprentissage sûr et protecteur ;
– axe stratégique 2 : enseignement et apprentissage de qualité ;
– axe stratégique 3 : Politiques éducatives et coordination.