Auteurs : Diakalia SON, Irénée SOMDA, Anne LEGREVE, Bruno SCHIFFERS
Site de Publication : Cahiers Agricultures
Type de Publication : Article
Date de publication : 2017
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Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
Au Burkina Faso, la tomate est la deuxième plus importante culture maraîchère, après l’oignon, avec une production estimée à plus de 10 000 tonnes en 2014. Cependant, au cours de ces dernières années, on a assisté à une baisse des rendements passés de 11,3 tonnes/ha en 2010 à 9,7 tonnes/ha en 2014. Ces baisses de rendement sont principalement dues à un complexe de bioagresseurs dont les principaux sont Ralstonia solanacearum (Smith) ; Fusarium oxysporum (Scheltdl) ; Bemisia tabaci (Genn) ; Helicoverpa armigera (Hub) et Tuta absoluta (Meyrick).
Pour faire face à ces bioagresseurs, l’utilisation des pesticides chimiques de synthèse est la solution la plus utilisée.
Les conséquences en sont l’intoxication des agriculteurs et des consommateurs, la pollution de l’environnement et la sélection de souches de bioagresseurs résistantes aux pesticides.
Pour lutter contre ces bioagresseurs, la lutte chimique au moyen des pesticides de synthèse est la plus pratiquée par les producteurs. Ils achètent ces produits sur les marchés locaux et 90 % des pesticides utilisés sont ainsi achetés sans garantie de conformité et de qualité
Les principaux ravageurs de la tomate signalés par les producteurs ou constatés sur les sites d’enquête sont H. armigera, T. absoluta, B. tabaci, Tetranychus urticae (Koch), Aculops lycopersici (Massee) et Meloidogyne spp. Les principales maladies sont la fusariose, l’alternariose, le flétrissement bactérien, les fontes des semis et le virus responsable de l’enroulement des feuilles (Tomato Yellow Leaf Curl Virus). De plus, la nécrose apicale causée, soit par une carence en calcium, soit par stress hydrique (mauvaise répartition des irrigations), est fréquemment observée chez les producteurs (45 %), avec un impact sur la qualité des fruits.
Pour lutter contre ces bioagresseurs, la lutte chimique au moyen des pesticides de synthèse est la plus pratiquée par les producteurs. Ils achètent ces produits sur les marchés locaux et 90 % des pesticides utilisés sont ainsi achetés sans garantie de conformité et de qualité. Les substances actives les plus utilisées au cours de ces enquêtes sont la lambda-cyhalothrine (67 %), l’acétamipride (50 %) et la cypermé- thrine (37 %). Parmi les familles chimiques, les plus utilisées sont les pyréthrinoïdes (62,5 %) et les organophosphorés (37,5 %). Les biopesticides sont faiblement utilisés (5 %). Le taux d’utilisation sur culture de tomate de pesticides normalement réservés au coton était de 35 % en 2015 et de 60 % en 2016, soit une progression de 71 %. Ces insecticides adaptés au coton sont plus fréquemment recensés dans les communes de Faramana et de Kouka, qui sont situées dans les grandes zones de production cotonnière des Hauts- Bassins et de la Boucle du Mouhoun. Le dosage, la préparation et l’application des pesticides sont réalisés soit par les propriétaires des parcelles (78 %), soit par leurs enfants (7 %), soit par leurs employés (14,5 %). Les femmes qui réalisent des traitements phytosanitaires ne représentent que 0,5 % du total et principalement dans les communes de Faramana et de Kouka.
Les fréquences d’application varient d’un producteur à un autre, mais dans la majorité des cas elles sont d’une fois par semaine. Le nombre moyen de traitements effectués par cycle de production de tomate est de dix.
Les équipements de protection individuelle (EPI) se limitent au port de tenues ordinaires perméables aux pesticides. Ces tenues sont composées d’un pantalon ou d’une culotte ordinaires et d’une chemise à manches longues ou courtes. Les principaux arguments avancés pour justifier cette « non-protection adéquate » sont la non-disponibilité des EPI conformes, le coût d’achat trop élevé de ces EPI et la gêne (du fait de la chaleur) occasionnée par le port de ces équipements de protection pendant l’application.
La plupart des producteurs rencontrés ont rapporté avoir ressenti, après utilisation des pesticides, des effets des traitements sur leur santé tels que des irritations de la peau (26 %), des bouffées de chaleur (19 %), des écoulements du nez et une toux (15 %), des affections oculaires (8 %) et des céphalées (4 %). Pour lutter contre ces effets néfastes ou pour éviter d’éventuels effets secondaires, plus de 60 % des interviewés déclarent boire du lait après les traitements afin de se désintoxiquer.
L’insuffisance de formation et de suivi des maraîchers amène ces derniers à utiliser des produits inadéquats et à épandre des doses inadaptées. La majorité des pesticides utilisés par les maraîchers sont achetés sur les marchés locaux et sont d’origine étrangère (Ghana et Côte d’Ivoire)
Parmi les pesticides, la famille chimique des pyréthrinoïdes est la plus utilisée, alors que certains auteurs ont signalé la résistance d’H. armigera et de B. tabaci (principaux ravageurs de la tomate au Burkina Faso) à cette famille chimique. Cette situation amène les producteurs à augmenter le nombre de traitements et les doses utilisées. La conservation de la préparation de pesticide pendant plusieurs jours pour effectuer des traitements entraîne sa dénaturation et sa faible efficacité, obligeant ainsi les producteurs à intensifier les traitements ou à augmenter les dosages.
L’insuffisance de formation et de suivi des maraîchers amène ces derniers à utiliser des produits inadéquats et à épandre des doses inadaptées. La majorité des pesticides utilisés par les maraîchers sont achetés sur les marchés locaux et sont d’origine étrangère (Ghana et Côte d’Ivoire). Cela constitue une infraction à la loi burkinabé sur les pesticides et montre l’insuffisance de contrôle de l’État sur la vente et sur l’utilisation des pesticides.
L’utilisation des pesticides nécessite un minimum de connaissances théoriques et pratiques pour écarter tout risque sur la santé humaine et sur l’environnement, alors que l’enquête montre un faible niveau d’instruction, de formation et de suivi des maraîchers. Cela contribue à augmenter le risque d’intoxication et de pollution de l’environnement. Les pesticides destinés au coton ne sont pas recommandés en maraîchage en raison de leur toxicité élevée, de leur forte concentration et de leur persistance sur la culture. En cas d’utilisation, il faudrait au moins respecter la dose efficace et les conditions d’utilisation. Mais ne sachant ni lire, ni écrire, ni réaliser de calculs, la plupart des producteurs ne peuvent comprendre les étiquettes rédigées en français (voire en anglais pour les produits venant du Ghana), ni respecter les instructions d’usage ou même interpréter les pictogrammes de sécurité.
Peu de producteurs interrogés se conforment aux règles d’hygiène au cours de l’utilisation des pesticides. Ce constat rejoint celui fait par Doumbia et Kwadjo (2009) en Côte d’Ivoire, par Tyagi et al. (2015) en Inde et par Belhadi et al. (2016) en Algérie. Cela explique les cas d’intoxication aiguë rapportés par les producteurs et également exposés par d’autres auteurs.
Peu de producteurs interrogés se conforment aux règles d’hygiène au cours de l’utilisation des pesticides
Les pesticides utilisés sont achetés dans la majorité des cas dans les marchés locaux sans garantie de conformité et de qualité. Les pyréthrinoïdes sont les plus utilisés, alors que plusieurs auteurs ont souligné la résistance des ravageurs concernés (B. tabaci et H. armigera) à cette famille chimique. Cela va contribuer à intensifier les traitements et par conséquent à exposer encore les agriculteurs qui sont faiblement protégés, et les consommateurs (du fait du non- respect des DAR) aux risques chimiques. Les déchets de pesticides qui sont abandonnés dans la nature, et l’utilisation de doses souvent plus fortes que celles recommandées contribuent à polluer l’environnement.
Pour favoriser une gestion rationnelle des pesticides et limiter leurs impacts sur la santé humaine et sur l’environne- ment au Burkina Faso, plusieurs actions devraient être menées :
– en premier lieu, il faudrait conduire des actions de formation des producteurs et des vendeurs de pesticides pour améliorer leur connaissance des ennemis des cultures et des règles d’utilisation des pesticides : préciser et expliquer les techniques de diagnostic, les consignes de base de sécurité et l’importance des équipements de protection ;
– en second lieu, il faudrait favoriser les contacts des producteurs avec les instituts de recherche et les services techniques du ministère chargé de l’agriculture, de manière à ce qu’ils puissent réagir de façon appropriée à l’apparition de nouveaux ravageurs, ou de nouveaux risques ;
– enfin, il serait très utile de proposer des actions permettant une réduction de l’utilisation des pesticides en agriculture par la promotion et la vulgarisation des méthodes alternatives basées sur l’utilisation de la lutte intégrée, même si cette voie n’est pas facile à suivre comme le montrent par exemple les difficultés d’application du plan Ecophyto en France.