Auteur : Ismaila KANE
Site de Publication : France Info
Type de Publication : Article
Date de publication : 9 Juin 2019
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Au nord du Burkina Faso, les récentes attaques contre une église à Dablo, le 12 mai 2019, et contre une procession de fidèles catholiques à Zimtenga, le lendemain, font craindre un embrasement aux contours religieux dans un pays qui connaît un défi sécuritaire majeur. Ces attaques succèdent à l’assassinat d’un pasteur et de cinq fidèles protestants à Silgadji (Nord) en avril 2019 et à l’enlèvement d’un prêtre catholique en mars 2019.
La montée des attaques au Burkina Faso est en grande partie imputable à l’affaiblissement de l’Etat, lui-même provoqué par un contexte politique très instable depuis le début de la décennie. En 2011, des affrontements opposèrent les forces de l’ordre et les étudiants
Tous ces événements s’inscrivent dans une dynamique de violence qui touche particulièrement le nord et l’est du Burkina Faso.La montée des attaques au Burkina Faso est en grande partie imputable à l’affaiblissement de l’Etat, lui-même provoqué par un contexte politique très instable depuis le début de la décennie. En 2011, des affrontements opposèrent les forces de l’ordre et les étudiants. Durant la même année, une mutinerie secoua les rangs de l’armée et plusieurs militaires s’adonnèrent à des actes de vol et de pillage sur la population.
Blaise Compaoré, président à l’époque, reprit la main non sans mal. Obligé de dissoudre le gouvernement pour faire taire les mécontentements, il ouvrit toutefois un autre front lorsqu’il décida de modifier la constitution pour se présenter à l’élection présidentielle prévue en 2015.
En septembre 2015, après une période incertaine durant laquelle les militaires prirent le pouvoir avant de le restituer aux civils, une tentative de putsch fut menée par le régiment de sécurité présidentiel. Elle se solda par un échec. En novembre 2015, le gouvernement de transition parvint à organiser l’élection présidentielle qui porta Roch Marc Christian Kaboré, ancien premier ministre et président de l’Assemblée nationale, au somment de l’État.
Depuis son élection, le pouvoir central est décrié par une partie de la population en raison de ce qu’elle perçoit comme une incapacité à faire face aux multiples problèmes du pays.
Cependant, bien qu’ils aient tendance à se présenter sous la bannière d’Al-Qaeda ou de l’Etat islamique, ces groupes ont souvent un ancrage local
À ce contexte politique nationale instable s’ajoute une insécurité sur le plan régional au Sahel, notamment au Mali, pays limitrophe. La faiblesse de l’Etat central favorise l’émergence et le développement d’acteurs qui s’arrogent l’exercice de la violence, mêlant coupeurs de route, milices d’autodéfense ethniques et groupes armés se revendiquant du djihad. Certains de ces groupes peuvent s’adonner à plusieurs activités en même temps, allant du pillage de biens à l’attaque motivée par la foi.
Cependant, bien qu’ils aient tendance à se présenter sous la bannière d’Al-Qaeda ou de l’Etat islamique, ces groupes ont souvent un ancrage local. Ils instrumentalisent les clivages identitaires existants pour enraciner leur lutte.
Des contextes comme le Nigeria avec Boko Haram ont montré que les groupes djihadistes peuvent attaquer les membres d’autres croyances dans l’objectif de fabriquer et cristalliser une confrontation religieuse ouverte. Au Burkina Faso, les chrétiens constituent une minorité religieuse (environ 20 à 25 % de la population). Les violences répétées contre les églises chrétiennes – qu’il s’agisse d’enlèvement ou de tueries – traduisent une volonté des groupes terroristes d’enclencher des tensions entre communautés religieuses.
En outre, les chrétiens, en général, et les catholiques, en particulier, sont identifiés à l’Etat, notamment pour deux raisons. D’une part, l’Etat burkinabè agit généralement comme protecteur des minorités religieuses dans le pays. Ainsi, s’attaquer aux chrétiens, c’est également s’attaquer à l’État.
Occupant une position géographique centrale en Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso est sensible aux soubresauts politiques de ses voisins. L’affaiblissement progressif de l’Etat dû aux multiples crises des années 2010 l’a rendu vulnérable aux actions de groupes aux motivations souvent locales qui visent maintenant les chrétiens de manière délibérée.
L’occupation du nord du Mali par les groupes djihadistes avait, dès le début, suscité les craintes des catholiques burkinabè qui tiennent à l’équilibre entre communautés religieuses et au dialogue islamo-chrétien. Les groupes djihadistes mènent des actions contre eux et ainsi contre l’État, profitant du vide laissé par celui-ci. Ils opèrent toutefois dans un pays résilient qui, dans son histoire tourmentée, a fait face à d’innombrables difficultés qu’il a surmontées avec force.