Auteurs : Alexandre MARC, Neelam VERJEE, Stephen MOGAKA
Organisations affiliées : Agence Française de Développement et la Banque mondiale
Type de Publication : Étude
Date de publication : 2015
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Depuis 2010, l’Afrique de l’Ouest connaît une intensification des violences et une multiplication des conflits. Alors que les perspectives de croissance semblent très encourageantes, ces difficultés pourraient entraver son futur développement et remettre en cause les avancées économiques et sociales réalisées par les pays de la sous-région. L’Afrique de l’Ouest a en effet été déstabilisée par des flambées de violences, la résurgence de conflits et la montée de l’extrémisme religieux, en particulier au Mali et au Nord du Nigéria.
Le trafic de drogue et la piraterie maritime s’y sont aussi rapidement enracinés, contribuant à fragiliser durablement des pays comme la Guinée-Bissau. Le principal défi pour la sous-région sera de surmonter la violence et la fragilité dans ses zones les plus vulnérables afin qu’elle puisse poursuivre les avancées impressionnantes enregistrées au cours de la dernière décennie en matière de renforcement de la démocratie et de développement économique.
L’Afrique de l’Ouest a en effet été déstabilisée par des flambées de violences, la résurgence de conflits et la montée de l’extrémisme religieux, en particulier au Mali et au Nord du Nigéria
Les violences et les conflits se sont intensifiés alors que la sous-région affiche des taux de croissance parmi les plus élevés d’Afrique. Selon les projections du Groupe de la Banque africaine de développement, le taux de croissance de l’Afrique de l’Ouest devait ainsi s’élever à 6,7 % en 2013 et 7,4 % en 2014. Paradoxalement ce développement accéléré a généré des tensions déstabilisantes pour la sous-région.
La forte croissance a creusé les inégalités. En particulier, le dynamisme du secteur extractif et l’augmentation des prix agricoles ont entraîné de nombreuses tensions sociales. En outre, la hausse du niveau général d’éducation conduit la population à revendiquer de meilleures conditions de vie. Certains facteurs de fragilité constituent donc le revers de la médaille des progrès accomplis par la sous-région.
Au cours des dix dernières années, les progrès réalisés en matière d’inclusion politique et de démocratisation ont permis d’atténuer les tensions en Afrique de l’Ouest. Cette région abrite d’ailleurs certains des pays les plus stables du continent, comme le Sénégal et le Ghana. La Sierra Leone, le Libéria et la Côte d’Ivoire sont, quant à eux, parvenus à restaurer la paix après avoir traversé des périodes de conflits intenses. L’Afrique de l’Ouest reste une des sous-régions du continent où la violence et les conflits ont fait le moins de victimes, malgré la guerre du Biafra et la violence qui a touché les pays du bassin du fleuve Mano dans les années 1990. Elle peut donc apporter des solutions pour sortir de situation de fragilité et de conflits aux autres pays de la planète qui connaissent des situations semblables.
Selon les projections du Groupe de la Banque africaine de développement, le taux de croissance de l’Afrique de l’Ouest devait ainsi s’élever à 6,7 % en 2013 et 7,4 % en 2014
Le nombre de victimes des conflits est resté très faible pendant les années 1960, période au cours de laquelle la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest ont accédé à l’indépendance de manière pacifique (du Ghana en 1957 au Cap-Vert en 1975). La guerre séparatiste du Biafra au Nigéria (1967-1970) fait exception avec près de deux millions de victimes. Par la suite, l’Afrique de l’Ouest a connu une période relativement stable jusqu’en décembre 1989 et le début de la guerre civile au Libéria qui a replongé la sous-région dans la violence politique et les luttes intestines. En 1998, la guerre civile en Guinée-Bissau a accru le nombre de victimes de conflits en Afrique de l’Ouest, avant de prendre fin un an plus tard.
Le trafic de drogue, la piraterie maritime et l’extrémisme religieux s’avèrent aussi de plus en plus déstabilisateurs
Les aspirations démocratiques qui ont émergé dans les années 1990 ont contribué à remplacer progressivement les coups d’États militaires par des élections. Ces dernières sont aujourd’hui le moyen le plus répandu de transférer le pouvoir dans la région. Paradoxalement, les violences électorales se sont intensifiées dans l’ensemble de la sous-région. Elles illustrent les nouveaux modes de concurrence politique, qui reposent sur l’instrumentalisation de facteurs identitaires à des fins politiques et la faiblesse des mécanismes de contrôle et de partage du pouvoir après les élections. Dans un tel contexte, la violence politique prend un caractère particulièrement incendiaire.
Le trafic de drogue, la piraterie maritime et l’extrémisme religieux s’avèrent aussi de plus en plus déstabilisateurs. La montée du trafic de stupéfiants dans l’ensemble de la sous-région a fragilisé la gouvernance et affaibli les institutions publiques ; la piraterie maritime menace quant à elle la stabilité et le développement économique des États côtiers du Golfe de Guinée. Enfin, la forte augmentation des attaques mortelles perpétrées par Boko Haram à l’encontre la population civile du Nigéria, ainsi que la montée des groupes extrémistes au Sahel — comme Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) et Ansar Dine — risquent de plonger la région dans une période prolongée d’instabilité.
Différents facteurs de violence s’imbriquent et se chevauchent en Afrique de l’Ouest. Dans certaines zones, les différences religieuses, ethniques, culturelles et linguistiques ont servi de détonateurs aux conflits. Revers de l’accélération de la croissance dans la sous-région, les sentiments d’injustice, de marginalisation et d’exclusion ont également joué (voir la figure 2 illustrant comment la combinaison de divers facteurs de conflit a créé un terreau propice à la guerre civile en Côte d’Ivoire).
La nature des violences qui touchent l’Afrique de l’Ouest a considérablement évolué depuis l’indépendance. Certaines parties de la région restent très vulnérables aux nouvelles menaces sécuritaires qui sont plus insidieuses. Mais dans l’ensemble, des progrès ont été réalisés au cours de la période récente pour prévenir les conflits, et ont ainsi renforcé la stabilité dans la sous-région.
Dans leur vaste majorité, les conflits armés qui se sont produits en Afrique de l’Ouest après l’indépendance ont été nationaux, et non pas entre États. En Afrique de l’Ouest, la transition politique du colonialisme à l’indépendance a généralement été pacifique. Seule la Guinée-Bissau a pris les armes de 1963 à 1974 contre le pouvoir colonial du Portugal pour obtenir son indépendance. Seules deux guerres ont opposé des États de la sous-région : celle entre le Mali et le Burkina Faso en avril 1985, et celle entre le Sénégal et la Mauritanie en avril 1989. Dans ces deux cas, les combats n’ont pas duré plus d’une semaine.
Durant la période postcoloniale, l’Afrique de l’Ouest a connu cinq grandes guerres civiles et au moins sept autres conflits de moindre ampleur. Des troubles plus localisés se sont également produits, ainsi qu’un grand nombre de coups d’États militaires. La guerre du Biafra (1967- 1970) qui a fait deux millions de victimes, a été la première guerre civile de grande envergure dans la sous-région. La plupart des guerres civiles se sont déroulées après la Guerre Froide: au Libéria au cours de deux périodes distinctes (1989-1996, puis 1999 -2003), en Sierra Leone (1991-2002), en Guinée- Bissau (1998-1999) et enfin en Côte d’Ivoire (2002-2007, puis 2010-2011).
Ces conflits (la guerre du Biafra exceptée) ont fait presque 827 000 morts, dont environ 520 000 ont été victimes des guerres civiles au Libéria. Les conflits et la violence ont aussi eu de graves conséquences pour la population civile. Les guerres en Sierra Leone et au Libéria ont poussé environ 1 million de personnes à se réfugier à l’étranger ou à se déplacer dans leurs propres pays. Dans tous ces conflits les hommes et les femmes ont été victimes de violences sexuelles généralisées.
La Guinée et le Burkina Faso ont connu des crises sécuritaires et de gouvernance.
Conformément à cette charte des grands principes panafricains, les pays de la sous-région ont respecté les frontières territoriales héritées de la colonisation, malgré leur caractère arbitraire et l’existence de groupes ethniques transnationaux partageant les mêmes héritages linguistiques et culturels. La faiblesse des États au moment des indépendances peut également expliquer cette spécificité ouest-africaine. Ces pays ont continué à éprouver des difficultés à maintenir l’ordre, la sécurité et la stabilité, faute d’avoir pu achever la construction de leur État. Les frontières ont donc servi de « coquilles externes » que personne n’a souhaité remettre en cause — une situation que l’on a pu qualifier de « paix négative ». À la fin de la Guerre froide, les esprits ont évolué, avec la perte d’aura du panafricanisme et la multiplication des facteurs de conflits et de violence.
En Afrique de l’Ouest, les conflits nationaux franchissent souvent les frontières, déstabilisant ainsi les pays voisins. Les pays entretiennent d’importantes relations informelles entre eux qui peuvent favoriser la régionalisation des conflits. Un système conflictuel peut engendrer des conflits plus localisés dont les causes, la durée et le nombre de victimes qu’ils provoquent varient. Des initiatives régionales sont donc nécessaires pour gérer et résoudre ces conflits qui sont inextricablement liés. La théorie des systèmes de conflits repose en effet sur l’idée que les conflits transfrontaliers naissent et perdurent en raison des liens transnationaux de nature économique, sociale et culturelle entre pays.
Les systèmes de conflits ont habituellement un épicentre ou une origine localisée ainsi qu’une dynamique propre qui détermine leur évolution, leur ampleur et leur résorption. Différentes relations transnationales alimentent ces conflits et leur diffusion au-delà des frontières. En Afrique, les frontières sont poreuses et les communautés vivant de part et d’autre entretiennent des liens étroits fondés sur l’appartenance ethnique, la langue, la culture et le commerce.
Elles peuvent subir les mêmes difficultés socioéconomiques et environnementales ou se sentir marginalisées de la même manière. Ces similarités transfrontalières favorisent les mouvements de populations — milices, travailleurs et réfugiés — et la circulation d’armes, de drogue et de produits de contrebande. L’afflux de réfugiés dans un autre pays peut également propager les conflits au-delà des frontières, favoriser la contrebande d’armes et le recrutement de soldats rebelles.
La propagation des conflits est pratiquement inévitable compte tenu de la complexité et de la profondeur des liens qui existent entre les populations de pays dont les frontières ont été tracées de manière arbitraire. Dans certains cas, les mêmes facteurs internes sont à l’origine de conflits dans plusieurs pays.
Bien que les formes de violence aient considérablement évolué, les anciens conflits ethniques et identitaires restent présents en Afrique de l’Ouest. Depuis l’ère coloniale, la question non résolue de la marginalisation économique et de l’exclusion politique du peuple touareg a été un sujet de discorde et la cause de violences au Sahel. Les frontières nationales tracées arbitrairement par la France ont perturbé les parcours de transhumance et bloqué l’accès aux aires traditionnelles de pâturage.
Après l’indépendance, les Touaregs et les Arabes ont été injustement sous-représentés dans les cabinets ministériels, dans l’armée et dans la haute fonction publique. Il règne un profond sentiment d’injustice au Nord du Mali, qui a été délaissé et marginalisé économiquement par rapport au reste du pays et qui n’a pas eu droit au même accès à la santé et à l’éducation. En outre, les conditions environnementales sont extrêmement difficiles au Sahel. C’est une région aride où la désertification progresse et où l’eau et les terres agricoles sont rares. Tous ces facteurs se sont conjugués avec l’affaiblissement des institutions traditionnelles de médiation entre ces groupes et ont exacerbé les tensions.
Bien qu’ils soient généralement interdépendants, on peut distinguer les conflits liés à des tensions internes ou externes aux pays et ceux résultant de la faiblesse de l’État. Aujourd’hui, les nouveaux facteurs de tensions en Afrique de l’Ouest sont principalement liés au trafic, à la piraterie maritime et à l’intégrisme religieux précédemment évoqués. Viennent s’ajouter à cela, une jeunesse qui se sent exclue, l’augmentation des flux migratoires, les déséquilibres régionaux, la croissance rapide du secteur extractif et la lutte pour la possession des minerais. La défaillance de l’État s’observe particulièrement au niveau des institutions politiques, de la sûreté publique et de la gestion du régime foncier.
Les population d’Afrique de l’Ouest ont de tout temps été parmi les plus mobiles du monde. Le nombre de migrants à l’intérieur de la région est estimé à environ 7,5 millions de personnes, soit 3 % de la population totale. Au cours des dernières décennies, les mouvements migratoires ont généré des tensions, du fait des discriminations liées à l’octroi de la citoyenneté à des personnes souvent considérées comme « étrangères », de leur marginalisation politique et sociale, ainsi que de la concurrence pour détenir des terres, gagner des revenus ou obtenir des emplois.
Ces facteurs ont alimenté des violences et des conflits dans l’ensemble de la sous-région, tels que les contentieux entre les populations locales et les nouveaux arrivants au centre du Nigéria ou les problèmes liés aux droits des migrants en Côte d’Ivoire. L’urbanisation rapide de l’ensemble de la région et l’arrivée de migrants dans les agglomérations urbaines sont une autre source d’instabilité. La multiplication de bidonvilles habités par des jeunes qui sont au chômage ou marginalisés intensifie le sentiment d’inégalité et accroît le risque de criminalité organisée en gangs, ou d’instrumentalisation politique.
La migration intra-régionale permet à beaucoup de ménages pauvres de s’adapter et de valoriser leur capital économique, comme dans le cas des communautés pastorales du Sahel. Elle constitue aussi une source de revenus pour les familles qui reçoivent des transferts financiers des migrants. Cependant, les migrants sont souvent confrontés à des situations de violence liées à l’opacité des régimes de droit foncier, à l’instrumentalisation des migrations à des fins politiques et au manque de mécanismes d’intégration sociale.
Les conditions environnementales de plus en plus difficiles et la croissance démographique intensifieront sans doute la concurrence entre populations migrantes et locales pour l’accès aux ressources, notamment aux terres agricoles qui continueront à se réduire. La pression exercée par les populations nomades qui se déplacent de plus en plus vers le sud à la recherche de moyens de subsistance vient également aggraver les problèmes de gestion des terres.
Les nouvelles découvertes de grands gisements de ressources naturelles de plus en plus accessibles telles que le pétrole et le minerai de fer ouvrent d’importantes perpectives économiques et stratégiques pour la région. Mais cette récente explosion du secteur extractif en Afrique de l’Ouest peut également être une source de conflit. L’histoire démontre qu’une mauvaise gestion et répartition des revenus générés par le secteur extractif peut notamment créer des tensions et des conflits violents au niveau local.
En Afrique de l’Ouest, la lutte pour le pouvoir politique est à l’origine de la majorité des conflits et des violences observés au cours des dernières décennies
Ces tensions peuvent rapidement dégénérer en conflits ethniques et se propager si la répartition inégale des rentes générées par ce secteur est corrélée à des clivages ethniques ou religieux. Les pays d’Afrique de l’Ouest et leurs partenaires au développement doivent con- duire des réformes de gouvernance plus ambitieuses et plus nombreuses pour surmonter les défis historiquement associés au manque de gouvernance des industries extractives et à la mainmise des élites sur les ressources, et pour préserver les droits sociaux et économiques des communautés.
En Afrique de l’Ouest, la lutte pour le pouvoir politique est à l’origine de la majorité des conflits et des violences observés au cours des dernières décennies. Les divers groupes sociaux qui contrôlent le pouvoir politique ont en effet accès à d’importantes sources de revenus. Dans la période qui a suivi les indépendances, les coups d’État militaires se sont multipliés en Afrique de l’Ouest. Les gouvernements y ont été plus fréquemment remplacés par des voies non constitutionnelles que dans le reste du continent.
Les élites se sont trouvées marginalisées et exclues par des États à parti unique qui cherchaient à s’emparer du pouvoir par la force. Depuis la fin de la Guerre froide, les pays ont progressivement ouvert leurs systèmes politiques et partagé et décentralisé davantage le pouvoir. Mais dans certains pays, les personnes au pouvoir résistent à ces changements car elles ne veulent pas renoncer aux ressources que leur prodigue leur position. Dans certains cas, les dirigeants ont tenté de réviser la Constitution pour prolonger leur mandat, ce qui a déclenché des violences.
D’autres ont refusé de céder le pouvoir aux vainqueurs des élections, comme en Côte d’Ivoire. En Afrique de l’Ouest la population a toutefois résisté courageusement et souvent avec succès à ces tentatives, comme récemment au Sénégal et au Burkina Faso.
Mais la démocratisation a paradoxalement accru les violences électorales. On a assisté dans certains pays à l’instrumentalisation politique des thèmes identitaires. Cela traduit la difficulté d’asseoir la démocratie dans des systèmes qui regroupent de nombreuses ethnies. La démocratisation a malgré tout per- mis aux citoyens et à la société civile d’être plus exigeants vis à vis de l’État et des responsables publics qui doivent désormais rendre compte de leur administration et de leur gestion.
L’appui des acteurs locaux comme la presse et le secteur privé et celui des bailleurs de fonds et des agences de développement ont aussi été déterminants. La démocratisation a aussi favorisé une plus grande transparence et responsabilisation des décideurs. Elle a enfin amélioré l’intégration politique des populations, renforçant la légitimité de l’État et le contrat social qui lie ce dernier aux citoyens. L’Afrique de l’Ouest s’ en trouve profondément transformée.
De nombreuses forces de sécurité ouest-africaines peinent à désamorcer et à contrer les menaces auxquelles l’État et les citoyens sont confrontés. Cette situation constitue un défi majeur pour les pays de la sous-région. En outre, les forces armées elles-mêmes menacent souvent leurs propres citoyens. Après les indépendances, plusieurs chefs d’État ont en effet instauré des régimes autoritaires qui ont aggravé les dysfonctionnements au sein des forces de sécurité. L’incapacité des États à mettre en place des forces armées efficaces, professionnelles et au recrutement diversifié a favorisé l’émergence de nouvelles menaces.
Dans certains pays, les élites politiques ont délibérément affaibli l’armée afin d’éviter des coups d’État pour maintenir leur autorité et conserver le pou- voir. Le rôle important reconnu à l’armée dans les affaires politiques ouest-africaines l’a encouragée à s’écarter de ses missions premières qui sont de garantir la stabilité et de protéger les citoyens. Cela a aussi contribué à l’affaiblissement des forces de sécurité.
Depuis la fin de la Guerre froide, les processus de démocratisation en Afrique de l’Ouest ont amélioré considérablement les relations entre les sphères civiles et militaires. Dans les années 1990, les conflits qui ont éclaté dans les pays du bassin du fleuve Mano ont accéléré la réforme du secteur de la sécurité dans beaucoup de pays de la sous-région et renforcé le rôle de la CEDEAO.
En Afrique, la majorité des conflits sont d’origine foncière.
La mobilisation rapide de l’aide étrangère pour la reconstruction et le développement a été également un élément essentiel pour préserver la stabilité. La participation de la société civile dans les accords de paix et la mise en place d’une concertation nationale pour la préserver ont également été déterminants. Enfin, un leadership de qualité est crucial après un conflit pour conduire le pays vers plus de stabilité.
Les politiques du développement tiennent une place centrale dans les efforts de rétablissement de la paix et de la stabilité. Les investissements économiques et sociaux sont indispensables pour atténuer les tensions liées à l’absence d’amélioration des conditions de vie, au sentiment d’exclusion et à l’inégal accès aux ressources. Les stratégies de croissance économique et de réduction de la pauvreté doivent reposer sur des analyses rigoureuses des risques de conflits et de violences en Afrique de l’Ouest.
La stabilité doit être une priorité des politiques de développement, qui doivent s’appuyer sur des interventions dans de nombreux domaines, en particulier la sécurité, la justice, l’emploi et les investissent économiques. Il faut également repenser l’action des bailleurs de fonds et des agences de développement en matière de renforcement des institutions. Il ne peut y avoir de stabilité sans institutions publiques légitimes et ayant les capacités de mener leur action.
Les investissements économiques et sociaux sont indispensables pour atténuer les tensions liées à l’absence d’amélioration des conditions de vie, au sentiment d’exclusion et à l’inégal accès aux ressources
Dans la sous-région, les problématiques les plus importantes et difficiles à résoudre portent sur les inégalités d’accès aux ressources ressenties par certains groupes sociaux. Privilégier les investissements dans les zones qui ont les meilleures chances de se développer rapidement, en raison de la disponibilité des ressources, de bonnes conditions climatiques ou de la proximité des réseaux de transport risque d’accentuer les tensions et l’instabilité. Il est nécessaire de consacrer des efforts significatifs au développement des régions périphériques et en retard de développement.
Si les investissements du secteur privé s’orientent davantage vers les régions les plus prospères, l’aide au développement doit se concentrer sur celles qui accusent un retard. Ainsi, elles pourront corriger les inégalités perçues en termes d’opportunités économiques. Les régions en retard ne sont pas nécessairement les plus pauvres, mais plutôt celles où le sentiment d’exclusion ou de marginalisation est le plus fort. Elles sont souvent situées dans des zones frontalières. Il peut donc être utile de concevoir des programmes qui associent les régions périphériques de pays limitrophes, afin de promouvoir les échanges économiques et la coopération transfrontalière.
Pour préserver la stabilité, les investissements en faveur du développement des régions en retard doivent également porter sur l’amélioration de la gouvernance locale. En effet, investir dans des régions à la gouvernance défaillante et où les collectivités locales manquent de légitimité peut nuire à la stabilité. Le cas du Mali démontre que les politiques de développement du Nord du pays ont attisé les tensions, car elles n’ont pas été accompagnées d’une plus grande décentralisation.
Les politiques de décentralisation et de déconcentration ont de nombreux avantages à condition d’associer davantage les citoyens à la gestion locale. Elles permettent de responsabiliser les acteurs locaux, d’accroître la transparence et d’améliorer la qualité des services fournis localement. Les efforts de développement local doivent aussi s’accompagner de la participation politique au niveau local, pour éviter de créer des tensions entre les élites locales et les communautés.
L’amélioration du régime foncier et de l’accès à la terre est également déterminante pour résorber les tensions sur l’ensemble du continent. Il faut avant tout améliorer les systèmes de cadastre foncier, perfectionner les règles applicables à l’exploitation des terres communales, et réguler l’exploitation des aires de pâturage et des terres agricoles entre les éleveurs pastoraux et les agriculteurs.
La croissance du secteur extractif dans l’ensemble de la sous-région est tout à la fois une source d’opportunités et de difficultés pour plusieurs pays. Une grande attention doit donc être portée aux risques de conflits dans ce secteur. Un des enjeux majeurs sera d’améliorer la gouvernance de ce secteur afin d’assurer un partage équitable des revenus qu’il génère, d’offrir des retombées positives pour les populations locales, et de limiter son impact négatif sur l’environnement. Le secteur extractif peut aggraver les déséquilibres sous- régionaux et creuser le retard de certaines régions, nuisant ainsi à la stabilité nationale.
La bonne tenue de la croissance économique n’a pas permis de créer suffisamment d’emplois non qualifiés et semi-qualifiés pour absorber la demande du marché du travail ouest-africain. Un grand nombre de jeunes ne peuvent dès lors améliorer leurs conditions de vie et trouver leur place dans la société. La majorité des investissements dans les industries extractives et les services urbains ont généré peu d’emplois non qualifiés.
La CEDEAO est sans aucun doute l’institution régionale la plus à même de résoudre les conflits en Afrique. Elle devrait renforcer ses capacités pour mieux mettre en œuvre ses interventions. Les financements et les capacités humaines dont elle dispose sont en effet très insuffisants au regard de l’ampleur des nouveaux défis sécuritaires. Pour relever ces nouveaux défis mondiaux, il est indispensable d’appuyer davantage la CEDEAO et les autres institutions régionales, comme le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS).
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Une très belle analysé