Auteur: Human Rights Watch
Type de publication: Article
Date de publication: 2021
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Les témoignages devant une commission de vérité gambienne sur l’implication de l’ancien président Yahya Jammeh dans de nombreux crimes graves perpétrés au cours de ses 22 années au pouvoir devraient être suivis d’une enquête pénale. Les victimes et d’anciens responsables gouvernementaux ayant témoigné lors des audiences, qui ont débuté en janvier 2019, ont accusé Jammeh de meurtres et de tortures d’opposants politiques, du massacre d’environ 59 migrants ouest-africains et de « chasses aux sorcières » au cours desquelles des centaines de personnes ont été placées en détention arbitraire, entre autres crimes. Selon eux également, Jammeh a violé et agressé sexuellement des femmes qui lui avaient été présentées et dirigé personnellement un programme médical trompeur dans le cadre duquel des Gambiens séropositifs ont dû renoncer à leur traitement contre le VIH pour être soignés par Jammeh lui-même.
Les auditions de la Commission ont mis en évidence la nécessité d’ouvrir une enquête pénale sur les agissements de Jammeh, qui s’est exilé en Guinée équatoriale en janvier 2017. Plus de 370 témoins ont été entendus, dont d’anciens membres du gouvernement tels que des ministres et des chefs de la police et du renseignement, outre de nombreuses victimes. D’anciens membres des « Junglers », l’escadron de la mort d’élite à la solde de Jammeh, ont accusé l’ancien président d’une série de crimes qu’ils affirment avoir commis sur ses ordres.
Des Gambiens séropositifs ont été contraints de renoncer à leurs traitements contre le VIH pour s’en remettre aux soins personnels de Jammeh
Des témoins ont également impliqué Jammeh dans des « chasses aux sorcières » en 2009, au cours desquelles des marabouts et des soldats ont placé des centaines de personnes dans des centres de détention secrets, les forçant à boire des concoctions hallucinogènes. Quarante-et-une d’entre elles ont perdu la vie en détention ou peu de temps après. L’ancien chef de la police gambienne, Ensa Badjie, a déclaré que Jammeh lui avait personnellement ordonné d’identifier des « sorcières » au sein des forces de police. De nombreux témoins ont rapporté que des soldats et des véhicules d’État accompagnaient les marabouts et que le chef de leur équipe de sécurité était un « Jungler » haut placé.
La Commission vérité, réconciliation et réparations a par ailleurs entendu des témoignages sur le soi-disant « programme de soins présidentiel » de Jammeh, dans le cadre duquel des Gambiens séropositifs ont été contraints de renoncer à leurs traitements contre le VIH pour s’en remettre aux soins personnels de Jammeh, une trentaine d’entre eux ayant trouvé la mort.
La TRRC a en outre entendu des témoignages sur les exécutions extrajudiciaires, commises en 2012, de neuf condamnés à mort incarcérés à la prison centrale de Mile Two, dont au moins trois n’avaient pas épuisé leurs recours judiciaires. Jammeh avait annoncé plus tôt à la télévision que les détenus allaient être exécutés. Des témoignages ont également révélé des cas de torture perpétrés par l’Agence nationale de renseignement (NIA) ainsi que par des gardiens de prison et des Junglers.
Des avocats et juges ont également décrit à la Commission la manière dont Jammeh a mis au point un système visant à affaiblir l’indépendance du pouvoir judiciaire et du barreau gambiens. Des témoins ont confié à la Commission l’adoption de lois draconiennes cherchant à étouffer la liberté d’expression des médias, évaluant à plus de 140 le nombre d’arrestations de journalistes et de personnels des médias.
Les auditions de la Commission ont été largement suivies à la radio et à la télévision à travers toute la Gambie. L’une des tâches de la TRRC est « d’identifier et de recommander des poursuites contre les personnes qui portent les responsabilités les plus importantes dans les violations et abus des droits humains ». Elle formulera également des recommandations concernant les réparations, la réconciliation et les réformes institutionnelles, son rapport étant attendu pour début juillet. Le gouvernement gambien décidera ensuite de la manière de donner suite à ces recommandations.
Au nombre des propositions faites en Gambie à cet égard, figurent la création d’un tribunal « hybride » formé de personnels gambiens et internationaux opérant au sein du système judiciaire national, une juridiction qui pourrait contribuer à un cadre juridique adapté à la poursuite des crimes de l’ère Jammeh et renforcer les capacités de l’appareil judiciaire du pays. Human Rights Watch a exhorté le gouvernement à commencer de planifier dès à présent la création de ce tribunal hybride qui fonctionnerait conformément aux normes internationales, afin d’éviter les retards de financement et d’opérationnalisation.
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