Auteur : Dylan GAMBA
Site de Publication : Libération
Type de Publication : Article
Date de publication : 9 janvier 2019
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Dans la capitale, Accra, se trouve le lieu le plus pollué du monde : une décharge d’objets électroniques, où 40 000 tonnes de matériaux issus de pays développés, en dépit du droit international, sont recyclés de manière informelle par les habitants.
A Agbogbloshie, d’immenses camions déversent ainsi quotidiennement les déchets sur un immense terrain vague où les détritus s’amoncellent. Dans des baraques de fortune à proximité s’entassent environ 40 000 personnes.
Les habitants d’Accra surnomment ce lieu «Sodome et Gomorrhe», en référence aux deux villes bibliques détruites par la colère divine.
La plupart des occupants du camp sont des «salvagers» (récupérateurs), de jeunes hommes qui vivent du recyclage informel. Ils brûlent les câbles et les déchets pour en récupérer du cuivre et d’autres métaux. Une combustion qui pollue les sols. Selon un rapport publié en 2013 par l’ONG américaine Blacksmith Institute, Agbogbloshie est désormais le lieu le plus pollué au monde… devant Tchernobyl. Cadmium, plomb, mercure et arsenic sont durablement présents dans les sols d’Agbogbloshie, parfois à des niveaux 100 fois supérieurs aux seuils autorisés.
A proximité des lieux de combustion, la chaleur est insoutenable. La fumée âcre charrie des émanations toxiques. Les travailleurs tentent de s’en prémunir en mettant un linge devant leur nez. Mince rempart.
Dans la capitale, Accra, se trouve le lieu le plus pollué du monde : une décharge d’objets électroniques, où 40 000 tonnes de matériaux issus de pays développés, en dépit du droit international, sont recyclés de manière informelle par les habitants
«Je sens la fumée entrer dans mes poumons et j’ai régulièrement mal à la gorge», souffle Thomas, 18 ans, qui travaille dans la décharge depuis plus de cinq ans. Faute de protection, la plupart des «salvagers» souffrent de brûlures, lésions oculaires, problèmes respiratoires chroniques.
Certains développent également rapidement des cancers.
«Je souffre de chaleur la nuit, j’ai du mal à respirer et je tousse souvent», dit Devit de sa voix rauque. A 36 ans, il fait figure de doyen à Agbogbloshie, après y avoir passé plus d’une dizaine d’années. Les visages, les mains, les vêtements des forçats sont couverts d’une épaisse poussière. Les traits sont tirés.
La plupart des «salvagers» ont commencé à travailler dans le camp à l’âge de 10 ans. «J’envoie environ 40 cédis par semaine à ma famille, poursuit Daniel. C’est très difficile de mettre de l’argent de côté, car il faut également payer le logement et la nourriture.»
A l’extrémité sud du camp, à proximité de la rocade, les habitants du camp font pousser des légumes sur une terre dévorée par la pollution. Ils élèvent également des bœufs et des moutons faméliques qui errent sur la décharge à la recherche d’une maigre nourriture. Le camp est également pourvu d’une boucherie, où la viande est exposée au soleil. «Nous savons très bien que la nourriture n’est pas bonne, nous sommes régulièrement malades, mais nous n’avons rien d’autre à manger», avance Ibrahim.
Joseph Akwuah-Darko et les trois autres dirigeants, tous bénévoles, sélectionnent les «salvagers» les plus motivés et leur offrent une formation professionnalisante, notamment en menuiserie. Ils ont appris à faire des tabourets à trois pieds, une commande d’un grand hôtel de la capitale.
C’est difficile à notre niveau, conclut-il, mais on ne peut pas laisser les gens vivre dans ces conditions
«Ils confectionnent des objets d’art africain contemporain», poursuit Joseph. Ils ont aussi fabriqué une horloge en utilisant un morceau de vieille pendule et un essieu de voiture récupérés à Agbogbloshie. L’objet a rapidement trouvé preneur auprès d’un homme d’affaires d’Accra. Deux hôtels de luxe se sont également portés acquéreurs. Une vingtaine de personnes y travaillent aujourd’hui, contre trois il y a seulement deux ans, pour un salaire d’environ 150 dollars par mois (supérieur au salaire moyen au Ghana qui se situe autour de 100 dollars).
«Je suis très fier du travail que nous faisons ici», dit Mohamed, 27 ans, qui participe à la formation. Après s’être tué à la tâche pendant plus de dix ans dans la décharge, il s’estime désormais heureux. «J’ai enfin l’impression de faire quelque chose d’utile, qui ne soit pas nocif pour ma santé.»
«J’espère que plusieurs centaines de personnes travailleront ici dans les années à venir. Cela leur permettra d’avoir un salaire et de ne pas respirer cet air pollué», avance Joseph Akwuah-Darko. « C’est difficile à notre niveau, conclut-il, mais on ne peut pas laisser les gens vivre dans ces conditions.»
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.