Auteur : David RICH
Site de publication : France 24
Type de Publication : Interview
Date de publication : 17 octobre 2019
Lien vers le document original
France 24 : On considère souvent les pays émergents comme étant en retard sur la prise de conscience écologique. Qu’en est-t-il des États africains où vous travaillez ?
Damien Navizet : Cette idée vient des conférences internationales sur le climat où certains gouvernements avancent, parfois à juste titre, qu’ils n’ont pas causé le problème mais doivent participer à sa résolution. La réalité, c’est que, comme partout ou presque, les pays africains se préoccupent du réchauffement climatique mais doivent composer avec des concepts nationaux et sociaux spécifiques.
L’Afrique du Sud par exemple est très dépendante du charbon : plus de 400 000 ouvriers travaillent dans les mines. Le gouvernement est bien conscient qu’il doit réduire cette industrie mais veut agir de manière rationnelle, pour éviter les troubles sociaux.
Le Maroc s’est lancé sur de gros investissements dans les énergies renouvelables pour protéger l’environnement mais aussi exporter de l’électricité.
Le Ghana, comme beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest, subit durement les effets du réchauffement climatique avec notamment le problème d’érosion de la côte, des inondations et des sécheresses.
On ne peut pas dire que la prise de conscience à l’échelle du continent est moindre. Chacun pays agit en fonction de son contexte
Le gouvernement est prêt à faire de gros efforts alors qu’il n’est pas responsable de cette situation.
On ne peut pas dire que la prise de conscience à l’échelle du continent est moindre. Chacun pays agit en fonction de son contexte.
Les populations africaines perçoivent-elles la menace liée au réchauffement climatique différemment ?
Il y a une différence de perception car pour beaucoup de citoyens africains, le réchauffement climatique constitue une menace locale immédiate. Dans les pays développés, on envisage un peu plus facilement les impératifs du long terme.
Encore une fois, on ne peut pas affirmer que les Africains se préoccupent plus ou moins de la question. Ce que l’on sait, c’est qu’ils sont aux premières loges du réchauffement climatique qui menace directement leurs moyens de subsistance, comme les récoltes ou les sources d’eau potable.
Les plus démunis vivent dans des bidonvilles au contact des ordures et tombent malade. Tous ne font pas le lien avec la défense de l’environnement mais la conscience existe, comme en attestent les marches pour le climat qui ont eu lieu dans plusieurs pays d’Afrique.
Encore une fois, on ne peut pas affirmer que les Africains se préoccupent plus ou moins de la question. Ce que l’on sait, c’est qu’ils sont aux premières loges du réchauffement climatique qui menace directement leurs moyens de subsistance, comme les récoltes ou les sources d’eau potable
Une autre idée souvent avancée est que l’écologie est un problème de pays riches, autrement dit qu’il faudrait avoir atteint un certain niveau de vie pour se pencher sur les questions d’écologie.
Cette idée est non seulement contestable mais elle est dangereuse.
« Si les pays émergents pensent qu’ils doivent privilégier la croissance, rattraper les Occidentaux et qu’ils s’occuperont de l’environnement dans un second temps, le monde court à sa perte. »
La conscience écologique n’est pas qu’une affaire de pays riches. En revanche, le constat global est alarmant. Aujourd’hui, aucun pays au monde n’est à l’équilibre en termes d’empreinte écologique
Chaque pays doit opérer sa transition au plus vite pour combattre le réchauffement climatique, en fonction de sa situation.
Par ailleurs, si on regarde le classement des pays en termes d’empreinte écologique (méthode de calcul qui mesure la durabilité de la consommation des ressources naturelles), certains pays émergents donnent de meilleurs résultats que les pays développés. Cela peut être dû à une véritable conscience écologique, comme au Costa Rica, pays qui a mis en place un programme de protection des forêts et de la biodiversité très efficace, ou à un contexte plus politique, comme à Cuba, qui n’a pas eu accès à certains produits dangereux pour l’environnement, comme les pesticides, à cause de l’embargo américain.
En tout cas, ces études ne permettent pas d’affirmer que les puissances économiques seraient de meilleurs élèves. La conscience écologique n’est pas qu’une affaire de pays riches. En revanche, le constat global est alarmant. Aujourd’hui, aucun pays au monde n’est à l’équilibre en termes d’empreinte écologique.
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.