Organisation affiliée : West Africa Network for Peacebuilding (WANEP)
Type de Publication : Rapport d’alerte
Date de publication : 2019
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Depuis l’émergence de la pandémie du coronavirus (COVID-19), plusieurs gouvernements du monde entier ont été confrontés à des défis sanitaires, infrastructurels et humanitaires dans le cadre du contrôle de la propagation de la maladie et de l’attenuation de son impact sur la sécurité humaine. Les statistiques récentes font état de 2.034.425 cas d’infection confirmés dont 133.261 décès (au 15 avril 2020).
Selon une projection mondiale réalisée à l’Imperial College par l’équipe d’intervention contre le COVID-19, le taux d’infection de la pandémie est susceptible de causer la mort d’environ 40 millions de personnes en 2020.
Toutefois, des stratégies d’atténuation axées sur la protection des personnes âgées (réduction de 60 % des contacts sociaux) et sur le ralentissement, sans pouvoir interrompre la transmission, au sein des communautés (réduction de 40 % des contacts sociaux pour l’ensemble de la population) pourraient réduire de 50% ce fardeau et permettre de sauver 20 millions de vies et les systèmes de santé submergés du monde entier.
Selon une projection mondiale réalisée à l’Imperial College par l’équipe d’intervention contre le COVID-19, le taux d’infection de la pandémie est susceptible de causer la mort d’environ 40 millions de personnes en 2020
Les statistiques mondiales indiquent un faible taux de mortalité et d’infection en Afrique de l’Ouest, avec un taux de létalité moyen (CFR) allant de 0,25 % à 10 %.
La menace a conduit à différents niveaux d’actions de la CEDEAO à travers l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS) ainsi qu’à des efforts individuels des différents Etats membres pour contenir la propagation. Parmi ces efforts d’atténuation des États figurent la recherche des contacts, le dépistage et le traitement des personnes infectées conformément aux protocoles internationaux, la distanciation sociale, l’état d’urgence sanitaire et les mesures de confinement – aérien, terrestre et maritime – qui ont un impact important sur les activités socio-économiques de la région.
Malgré cette tendance, les experts en matière de santé indiquent que la région est confrontée à un risque plus élevé de propagation et de mortalité en raison d’infrastructures sanitaires médiocres et sous-équipées ainsi qu’un personnel limité pour renforcer l’intervention solide contre la propagation de la pandémie. En outre, la densité de la population urbaine dans la plupart des villes d’Afrique de l’Ouest risque d’entraver l’application de la distanciation sociale comme mesure visant à freiner la propagation de la pandémie au sein des populations.
Les statistiques mondiales indiquent un faible taux de mortalité et d’infection en Afrique de l’Ouest, avec un taux de létalité moyen (CFR) allant de 0,25 % à 10 %
Cette situation risque également d’être exacerbée par l’impact économique aigu de la pandémie sur les économies d’Afrique de l’Ouest en raison de la récession économique mondiale associée au coronavirus. Le risque d’insécurité alimentaire, les pertes d’emplois ainsi que l’augmentation des prix des biens et des services pourraient entraîner des manifestations des citoyens, avec des menaces potentielles pour la paix et la sécurité dans la région.
La population en Afrique de l’Ouest a augmenté de manière significative, avec une estimation de 396 millions d’habitants en 2019 contre 100 millions en 1960. L’âge médian dans la région est de 18,2 ans et 66 % de la population est âgée de moins de 25 ans.
La faiblesse d’effectif depopulation âgée pourrait expliquer le faible taux de mortalité en Afrique de l’Ouest, compte tenu du taux de mortalité global dû à la maladie qui a coûté la vie à plus de 60 % de la population âgée de plus de 65 ans.
Toutefois, la jeune population d’Afrique de l’Ouest, exposée à des problèmes de santé sous-jacents et prédominants dans la région, tels que le diabète, la tuberculose, la fièvre de Lassa, le choléra, le VIH/SIDA, l’hypercholestérolémie, la toxicomanie, les infections des voies respiratoires et d’autres infections opportunistes, pourrait courir un risque de mortalité plus élevé dans la région si la propagation de l’infection ne cesse de s’accentuer au sein des communautés.
En outre, la faiblesse des systèmes de suivi des maladies ainsi que la médiocrité des infrastructures de santé publique en Afrique de l’Ouest contribuent à entraver le contrôle des épidémies et à accroître la morbidité. Cette situation limite également les programmes de masse en matière de dépistage, de test, de traçage et de gestion médicale mis en place pour atténuer la propagation des maladies infectieuses telles que le choléra, le paludisme, la fièvre de Lassa, la fièvre à virus Ebola et même l’actuelle pandémie de coronavirus.
La pandémie du COVID-19 pourrait avoir des conséquences importantes sur la santé et la sécurité des femmes et des enfants. Un pourcentage considérable de micro- entreprises essentielles, telles que les marchés alimentaires dans les grandes villes d’Afrique de l’Ouest, sont gérées et exploitées par des femmes qui ne sont pas suffisamment équipées pour répondre aux normes de santé publique et de sécurité requises. Par conséquent, le taux d’infection chez ces femmes est plus élevé car elles sont plus exposées aux contacts sociaux dans leurs activités quotidiennes. Au niveau domestique, elles sont également les principales dispensatrices de soins à leurs enfants et peuvent donc, par inadvertance, accélérer la propagation du virus.
En outre, des rapports de l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) estiment que plus de 70 % de l’alimentation en Afrique est produite par les femmes. En Afrique de l’Ouest, les femmes rurales sont principalement impliquées dans l’agriculture de subsistance et sont souvent responsables des enfants, des malades et des personnes âgées. Le risque potentiel auquel cette population est confrontée va intensifier la propagation au sein des communautés et avoir un impact négatif sur la sécurité alimentaire dans toute la région.
Les communautés touchées des conflits pourraient connaître une insécurité alimentaire encore plus grande, avec le risque associé de tensions et de violence en raison de la lutte pour la nourriture, l’eau et d’autres ressources limitées. Les leçons tirées de l’épidémie d’Ebola dans les pays d’Afrique de l’Ouest tels que la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia, indiquent des cas élevés de violence sexuelle et sexiste pendant les périodes de confinement et de quarantaine.
La fermeture des frontières et les autres mesures de confinement n’ont aucunement réduit la migration clandestine à travers les frontières de la région. De tels points de passage clandestins existent déjà aux frontières du Nigeria avec le Niger, le Bénin, le Tchad et le Cameroun. Ils existent également aux frontières du Togo, du Ghana, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. Ce phénomène pourrait accroître les risques d’exposition et compliquer les dépistages sanitaires, les tests et la recherche des contacts. Avec l’interconnexion des États de la région grâce au protocole existant de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes, il est probable qu’il y aura des hausses de transmission interétatique de la maladie. Par exemple, le Ghana a signalé 10 nouveaux cas confirmés du COVID-19 le 29 mars, impliquant dix Nigériens qui sont passé par le Burkina Faso et le Togo avant d’atteindre Tamale, au nord du Ghana. De même, le cas index du Togo est entré dans le pays par la frontière terrestre avec le Bénin. Il en va de même pour le cas index signalé au Bénin.
L’état d’urgence sanitaire et le confinement ont des répercussions socio-économiques sur les pays de la région. Déjà, la pandémie a un effet dévastateur sur les vies, perturbant les petites et grandes entreprises, l’agriculture de subsistance ainsi que d’autres activités économiques. Les calendriers scolaires à tous les niveaux de l’enseignement ont été perturbés par la fermeture des écoles. La fermeture des petites et moyennes entreprises a accentué le risque de réduction et de perte d’emplois, d’inflation, de ralentissement des investissements étrangers directs, de déclin du tourisme, et d’augmentation involontaire des dépenses liées à la santé et à la sécurité dans les États membres de la région.
Des institutions financières mondiales telles que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ont indiqué que l’économie mondiale est entrée en récession, avec une croissance prévue inférieure à 2,5 % en 2020 dans toutes les régions.
L’analyse révèle également que le PIB de l’Afrique serait touché par un déficit d’au moins 25 milliards de dollars. Un tel déficit affectera probablement le secteur informel ainsi que les petites et moyennes entreprises des économies d’Afrique de l’Ouest.
Au Ghana, la pandémie a entrainé une baisse du Produit Intérieur Brutprévu pour 2020, qui est pas de 6,8% à 2,6%. L’impact de la pandémie sur les économies de ces pays compromettra davantage les échanges transfrontaliers consacrés par le traité de la CEDEAO sur la libre circulation des biens et des services. Il limitera également, chez les pays les plus pauvres ayant les économies les plus faibles de la région, la possibilité économique d’actualiser leurs projections de recettes pour l’année 2020. De plus, la Commission de la CEDEAO se verra incapable d’accéder pleinement au prélèvement communautaire de 0,5 % issu de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) applicable à tous les États membres pour l’année 2020. En conséquence, la Commission pourrait avoir du mal à actualiser ses objectifs régionaux prévus pour 2020/2021.
La propagation de la pandémie et la nature de son infection ont également perturbé les préparatifs des élections prévues entre octobre et décembre 2020 au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Ghana et au Niger. Avec les déclarations d’urgence sanitaire et les mesures de confinement, les organes de gestion des élections dans les différents pays touchés sont mis au défi de déployer leurs plans d’action préélectoraux. La Commission Électorale (EC) et l’Autorité Nationale d’Identification (ANI) du Ghana, par exemple, ont été contraintes d’interrompre les processus d’inscription en raison d’une possible propagation de la maladie. De même, le Burkina Faso continue de subir des attaques quotidiennes de la part de groupes extrémistes dans le nord et le nord-est du pays malgré les menaces du COVID-19 à l’échelle nationale.
Les frontières ont été fermées et la délivrance des cartes d’électeurs a été suspendue. L’incertitude politique s’est également accentuée en Guinée, où un référendum et des élections parlementaires ont été organisés sur fond de manifestations mortelles de l’opposition et de pandémie du COVID-19. Si cette tendance se poursuit, elle pourrait affecter l’ensemble du calendrier électoral dans les pays touchés ainsi qu’une éventuelle escalade des tensions et de la violence à caractère politique immédiatement après la pandémie.
Plus important encore, les mesures instaurées par les gouvernements pour freiner la propagation de la pandémie peuvent également inhiber la participation électorale aux prochaines élections au Ghana, au Burkina Faso, au Niger et en Côte d’Ivoire si la pandémie persiste. Les parties prenantes s’inquiètent également de la possibilité de reporter les élections si la pandémie continue de s’aggraver. Au Ghana, les experts ont entamé des discussions autour de dispositions constitutionnelles visant à soutenir un réajustement du calendrier électoral et une préparation au cas où le scénario serait plus défavorable.
Un nouveau défi qui pourrait saper l’ensemble des efforts de riposte contre la pandémie du COVID-19 est la peur, la stigmatisation et la discrimination accrues dont font l’objet les victimes, les survivants et les familles touchées, les agents de santé et autres personnels de première ligne. En effet, certains individus, survivants et agents de santé ont été victimes d’atteintes à la vie privée perpétrées par les membres de leurs communautés. Cette nouvelle vague de réaction communautaire risque de dégénérer en violence et en désordre public. Elle pourrait également constituer un obstacle majeur qui empêchera l’accès rapide aux centres de dépistage et de traitement ainsi qu’à d’autres services de soutien, portant donc préjudice aux efforts consentis pour limiter la transmission du virus.
La propagande des réseaux sociaux, les fausses informations à connotation religieuse et les conspirations ont suscité diverses réactions négatives et des actes de violence de la part des communautés vulnérables qui se sont opposées aux efforts des gouvernements visant à contenir la propagation du virus. Le non-respect des protocoles de prévention annoncés a été considéré par les experts comme la plus grande menace favorisant la propagation et l’impact de la pandémie en Afrique de l’Ouest et sur le continent.
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.