Organisation affiliée : Inter-Réseaux Développement rural
Type de Publication : Revue
Date de publication : Juillet 2019
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L’ouvrage Ghana’s Agricultural and Economic Transformation: Past Performance and Future Prospects s’appuie sur l’exemple du Ghana pour examiner pourquoi les pays d’Afrique suivent une telle trajectoire de développement. Les auteurs expliquent que, contraire- ment aux attentes, la croissance économique du Ghana n’a pas poussé le pays à délaisser l’agriculture traditionnelle à faible productivité au profit de secteurs à plus forte productivité, comme l’industrie. Ainsi, si les autres pays africains veulent enregistrer une croissance économique suffisamment solide pour permettre la création rapide d’emplois décents, il faut qu’ils encouragent le développement des secteurs à forte productivité, tels que l’agriculture moderne, l’industrie ou les services formels.
Lorsque le retard accusé par le Ghana dans sa transformation économique est analysé du point de vue de l’économie politique, la façon la plus prometteuse de créer de l’emploi productif semble résider dans l’intensification de l’agriculture et le développement des industries modernes, comme l’agro-industrie.
Jusqu’ici, l’agriculture a joué un rôle décisif dans la transformation économique du Ghana. En revanche, le secteur n’a pas encore réalisé tout son potentiel, puisque la croissance a été davantage portée par l’expansion des terres que par le recours aux technologies permettant d’accroître le rendement. Dans l’ensemble, le secteur agricole se porte bien et enregistre un taux de croissance annuel de 4,5 % en termes réels. Cependant, outre le cacao, peu de produits agricoles sont exportés (p. 25) et le Ghana dépend de plus en plus des denrées alimentaires importées. La transformation agricole qui s’est produite au Ghana peut s’expliquer par la hausse de la production de cacao, mais également de racines, de tubercules, d’autres cultures et de bétail. La croissance démographique annuelle de 2,5 % et l’augmentation annuelle des revenus par tête de 2,9 % ont été assorties d’une hausse de la production de denrées alimentaires de base. Il existe plusieurs façons de poursuivre la croissance dans le secteur agricole, en accélérant par exemple la production de bétail, de riz, de volaille et d’autres cultures, non seulement pour en li- miter l’importation, mais également pour en exporter davantage.
Le Ghana investit-il suffisamment dans l’agriculture ? Quel rôle les modèles d’investissement dans le secteur jouent-ils dans la hausse de la productivité ? Il semblerait que depuis 1961, en général, moins de 10 % des dépenses publiques sont consacrées à l’agriculture. Dernièrement, cette part n’a été en moyenne que de 2 à 3%, ce qui est peu, même dans le contexte africain. En outre, relativement peu d’argent a été investi dans le réseau routier ou dans d’autres infrastructures rurales fondamentales.
Les interventions publiques dans la filière du cacao se révèlent être concluantes. Cette réussite sert de base à l’évaluation des interventions publiques dans trois autres filières, qui sont l’ananas, le riz et la tomate. Il a été établi que ces cultures présentaient un potentiel sous-exploité, car les agriculteurs ne sont pas en mesure de produire suffisamment de produits d’assez bonne qualité pour répondre à la demande du marché urbain, des entreprises agro-alimentaires et des acheteurs extérieurs, et cela en raison du manque de meilleures variétés de semences, de l’absence de contrôle de la qualité au travers de l’évaluation et de la tarification dans les filières et de la mauvaise gestion des produits une fois récoltés (notamment le trans- port, l’entreposage frigorifique et les ateliers de transformation modernes).
Il semblerait que la mécanisation agricole au Ghana soit largement sous-exploitée. Le gouvernement pourrait donc collaborer plus étroitement avec le secteur privé afin de renforcer le développement de la mécanisation agricole.
Conclusions principales
L’ouvrage insiste sur le fait que si le Ghana veut parvenir à entretenir, ou même accélérer, le rythme de croissance de son PIB par habitant, il faut absolument qu’il élargisse son éventail d’activités agricoles et industrielles à forte productivité. Le secteur agricole offre un certain nombre de possibilités, comme celle de répondre à la hausse rapide de la demande nationale en denrées alimentaires de plus grande valeur, telles que les fruits, les légumes et les produits animaux, ainsi qu’à celle en aliments transformés et précuits. Il existe également des solutions de substitution aux produits importés comme le riz, la volaille et la tomate, et des moyens d’étendre les exportations agricoles non traditionnelles aux marchés régionaux d’Afrique de l’Ouest et d’ailleurs.
L’ouvrage dont il est question ici est très bien écrit et fournit de bons conseils pour résoudre beaucoup des difficultés que rencontre le secteur agricole du Ghana. Il comporte des enseignements utiles dont peuvent bénéficier les autres pays d’Afrique et les conclusions et les recommandations qu’il émet reposent sur un travail d’analyse solide. Toutefois, deux aspects d’importance ne sont pas traités.
Premièrement, puisque le Ghana et la plupart des autres pays d’Afrique dépendent économiquement de l’agriculture comme source de revenus, il aurait été pertinent d’aborder les dangers associés au changement climatique et les mesures qui doivent être prises pour y faire face. L’ouvrage fait référence aux perspectives d’avenir en matière d’agriculture ; or, les petits agriculteurs subissent déjà les effets du changement climatique. Il est donc impossible de parler de perspectives d’avenir si la question climatique n’est pas sérieusement abordée.
Deuxièmement, la seconde partie de l’ouvrage omet de mentionner un aspect important, qui est la manière dont la technologie et l’innovation peuvent servir à accroître la productivité agricole et à faciliter l’adaptation des agriculteurs au changement climatique. Aujourd’hui, plus de 40 millions de téléphones portables sont en service au Ghana, alors que le pays compte à peine plus de 30 millions d’habitants. Les technologies mobiles et numériques peuvent être mises à pro- fit pour améliorer l’accès au crédit et proposer des produits d’assurance abordables. Les TIC peuvent également servir à fournir des renseignements relatifs au marché et au climat.
Le brassage culturel et socio-économique du Ghana a suscité de nouvelles demandes en produits agroalimentaires importés des pays voisins, d’Europe et d’Afrique du Sud. Le Burkina Faso est le partenaire commercial privilégié du Ghana pour les fruits, les légumes et le maïs. Selon l’Atlas de l’Observatoire des Complexités Économiques, 94 % de la tomate consommée au Ghana est importée du Burki- na Faso, pour une part de marché équivalent à 1,2 million d’euros. Au total, le Ghana im- porte pour un total de 4,7 millions d’euros de produits agricoles burkinabé.
Les grandes chaînes hôtelières, les super- marchés (Shop rite, Mariana Mall, Koala, MaxMart) importent des fruits et légumes pour satisfaire la demande du marché. Néanmoins, les commerçants enregistrent un déficit d’approvisionnement en produits de qualité, faute de logistique et de transport adaptés. Ces contraintes engendrent des pertes importantes pour un marché de produits à forte valeur ajoutée.
Le programme “Un département, une usine” vise à implanter des usines privées de trans- formation sur l’ensemble du territoire. Directement en lien, le second pilier du plan est le développement et la modernisation de l’agriculture. Deux programmes majeurs en font partie : “Un village, un barrage”, qui pré- voit la construction de plusieurs dizaines de barrages au Nord pour développer l’irrigation et “Planter pour la nourriture et l’emploi” qui, au moyen de subventions aux semences, aux engrais et aux technologies agricoles (p. 15) vise à soutenir les producteurs et les entre- preneurs.
Ghana beyond aid : un horizon mobilisateur
De manière structurelle, le gouvernement ghanéen dispose de très peu de marge de manœuvre budgétaire pour financer sans aide les projets d’envergure du GhBA. Michael Owusu, chargé de projet au Ministère de l’alimentation et de l’agriculture du Ghana, rappelle que le GhBA reste une perspective pleine d’espoir pour l’Afrique, même si dans l’immédiat, les financements extérieurs restent une nécessité : “Nous continuerons d’avoir besoin d’aide et de soutien, mais sans ce soutien, nous devrions à terme être en me- sure de tenir debout”.
Planifier l’utilisation des terres consiste à établir des communautés saines pour assurer le développement socio-économique efficace d’une région. Il s’agit donc de définir des politiques et des activités qui garantissent une utilisation plus économique des terres afin d’assurer un développement durable. Les demandes en terres à différentes fins (agriculture, industrie, pâturage, foresterie, tourisme, immobilier, loisirs, etc.) sont considérables et exigent un aménagement du territoire efficace.
Le Ghana compte 260 assemblées de district, mais leurs pouvoirs, ressources et fonctions sont essentiellement centralisés. Le régime foncier ghanéen est complexe. Près de 80 % des terres sont gérées par les autorités coutumières, qui décident à qui les attribuer sans tenir compte de l’utilisation visée. Ces assemblées sont reconnues comme étant en charge de l’aménagement au niveau local par la Local Governance Act, 2016 (loi 936) et la Land Use and Spatial Planning Act, 2016 (loi 925) et doivent s’occuper de l’élaboration des plans de développement et du zonage des districts afin de prévoir l’utilisation des terres et d’identifier les zones propices à l’agriculture, la foresterie, l’industrie et la commercialisation. Elles n’ont cependant ni le pouvoir, ni la volonté politique d’approuver et réguler l’utilisation des terres au niveau local. Au vu de la pression croissante, le gouvernement local doit imaginer et planifier le développe- ment territorial du pays.
La commercialisation abusive des terres au profit de l’urbanisation et de l’industrie affectera le développement agricole rural et la sécurité alimentaire, mais aussi les ressources naturelles et l’écosystème (déforestation, perte de biodiversité). Beaucoup de terres perdront de leur valeur si le gouvernement local et l’autorité chargée de l’aménagement du territoire n’en contrôlent pas la vente et l’utilisation. Il faut donc que les autorités traditionnelles et le gouvernement local coopèrent pour l’attribution des terres : les responsables et les propriétaires ne devraient pas vendre leurs terres sans tenir compte du plan d’aménagement établi par le gouverne- ment local.
La planification de l’utilisation des terres doit intégrer le fait que certaines zones ne sont pas propices à l’agriculture et les réserver au logement, aux infrastructures, au transport ou aux usines. L’agriculture doit être prise en compte : le processus d’urbanisation ne pouvant être inversé, le gouvernement local doit assigner des terres à l’activité agricole urbaine. Si celle-ci venait à disparaître, il sera impossible d’assurer la sécurité alimentaire et d’éradiquer la faim d’ici 2030.
“Nnoboa” : une forme d’association traditionnelle qui sert d’exemple Au Ghana, les activités collectives, qui se pré- sentent sous la forme d’échanges réciproques de travail ou d’entraide entre agriculteurs, reposent sur des accords coutumiers fondés sur les liens sociaux, ethniques ou familiaux. Les Akan du sud du Ghana utilisent le terme « nnoboa » pour décrire ce type d’accord volontaire et officieux, mais également tempo- raire : une fois la tâche accomplie, le groupe se dissout. À la fin des années 20, l’administration coloniale britannique lançait les premières coopératives visant à améliorer la qualité et la commercialisation du cacao et à faciliter l’accès aux prêts des agriculteurs. Elles étaient considérées comme essentielles au développement agricole et rural ; le De- partment of Cooperatives (DoC) a donc été créé en 1944 pour superviser leur développement. Fort d’un succès rapide, les coopératives se sont vite multipliées, d’abord dans la filière du cacao, puis dans d’autres filières, jusqu’à devenir éminentes au lendemain de l’indépendance en 1957. Elles étaient alors à l’origine de la commercialisation de près de 40 % du cacao produit dans le pays. Dans les années 90, les petits producteurs de riz ont commencé eux aussi à s’associer afin de se répartir le travail commun et de participer à des événements sociaux, ce qui leur a permis de tisser des liens forts et d’améliorer la productivité et l’efficacité de la production rizicole.
Néanmoins, suite au coup d’État militaire de 1966, le nouveau gouvernement craignait que ce mouvement coopératif ne devienne une arme économique et politique pour les zones rurales et a exigé son abolition : le DoC a été dissous. La pression exercée dans le monde à la fin des années 80 en faveur de réformes structurelles et de la libéralisation du marché a mis fin aux coopératives gérées par l’État. Depuis, les gouvernements ont adopté une approche libérale et autorisent la création d’un autre genre d’associations, plus connues sous le nom d’organisations de producteurs ou organisations paysannes (OP), afin de promouvoir les activités lucratives. Aujourd’hui, les coopératives et les OP sont les deux principales formes d’association de petits producteurs au Ghana. Dans les années 70, le gouvernement a choisi le « nnoboa », qui est le modèle traditionnel, comme exemple pour son développement rural, ce qui a accéléré la création d’OP dans le pays.
Les organisations de producteurs comme moyen de fournir des services collectifs
Les OP rassemblent des agriculteurs qui partagent les mêmes difficultés et les mêmes besoins. Elles répartissent les ressources locales, comme la terre, la main-d’œuvre, l’eau et l’accès aux marchés, au profit de leurs membres. Elles s’occupent, entre autres, de lutter pour la baisse des prix des engrais, de commercialiser les récoltes, de négocier un meilleur accès au crédit et d’améliorer le transport des produits. Elles tentent de gagner en autonomie en s’employant active- ment, d’après Van der Ploeg (2008), à dresser des barrières afin de préserver l’indépendance de leurs membres et de réduire la dépendance, la pauvreté et la marginalisation dans le contexte actuel de mondialisation.
Les organisations internationales de développement sont nombreuses à soutenir les OP, car elles permettent de fournir un éventail de services collectifs à leurs membres de façon bénévole ou gratuite. Les OP font partie des acteurs majeurs des services de soutien aux chaînes de valeur agricoles au Ghana et sont ainsi perçues comme un moyen précieux d’atteindre les objectifs de développement agro-industriel et de réussir le développement rural du pays. Les entreprises du secteur privé font appel à elles pour améliorer le développement de la chaîne de valeur de leurs activités agricoles. De même, les ONG encouragent les OP à améliorer la prestation de services en milieu rural, la croissance économique et la réduction de la pauvreté chez les agriculteurs et préfèrent passer par elles pour négocier avec eux.
Le nombre d’OP au Ghana ne cesse d’augmenter. Elles sont aujourd’hui près de 10 000, qu’elles soient déclarées, non déclarées ou inscrites comme entreprises coopératives.
Des associations de producteurs rattachées aux réseaux nationaux et régionaux
Les OP sont gérées par les agriculteurs, qui reçoivent parfois l’aide d’employés spécialisés. Elles sont généralement rattachées à des chaînes de valeur spécifiques et sont en voie de devenir des réseaux pour les ONG locales.
Au Ghana, la Peasant and Farmers’ Association of Ghana (PFAG), née en 2005 d’un groupe de petits agriculteurs, constitue désormais l’OP non gouvernementale faîtière. Elle entend militer pour la modification des politiques qui perpétuent la pauvreté des agriculteurs ruraux et d’autres difficultés qui les affectent. Elle compte actuelle- ment 1527 organisations membres déclarées et 39156 petits producteurs individuels membres déclarés dans plus de 70 districts du territoire national. Sa mission : que chaque agriculteur vive dignement. Elle plaide en faveur de politiques commerciales et agricoles nationales et internationales favorables aux plus démunis, sert de plateforme aux producteurs pour qu’ils puissent renforcer leurs capacités à défendre des politiques et leur propose des formations techniques en affaires et en entrepreneuriat. La PFAG fait partie de l’association Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA).
27 groupes de femmes réunissant 523 par- ticipantes établies aux alentours de Tamale (districts de Gonja, Savelugu, Nanton et Tolon) ont pris part à des discussions de groupe organisées selon un principe de récit collectif participatif afin de retracer visuellement les activités exercées par chacun des groupes au fil des années depuis leur création et d’imaginer ensemble leur orientation future. L’activité de transformation la plus citée par les femmes de cette région concernait le riz, suivi du beurre de karité.
L’étuvage du riz : une activité incontournable
Le riz sert à la confection de nombreux mets ghanéens, comme le fameux riz jollof. Il est produit dans la région du Nord. L’étuvage consiste à faire tremper le riz cru dans de l’eau et à le faire bouillir, puis sécher, afin d’en faciliter la décortication. Le riz étuvé se conserve plus longtemps, car l’étuvage per- met de diminuer le risque d’infestation par des insectes et évite aux grains de casser.
Le Ghana dispose d’un système de gouvernance solide au niveau local, notamment dans le secteur de l’agri- culture, qui vise à développer l’économie locale. Il met en place des politiques et des programmes afin de soutenir la population rurale, qui travaille en grande partie dans l’agriculture.
Sur le plan socio- économique, le Ghana sort véritablement du lot. Il s’est débrouillé pour réaliser à temps les objectifs de développement durable liés à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Des interventions sociales ont été menées
en complément des politiques agricoles et le pays a pu mettre en place des infrastructures pour faciliter l’accès des producteurs aux marchés.
Absolument. Le Ghana se distingue grâce au programme phare de son gouvernement, Planting for Food and Jobs (PFJ), qui a permis de créer de l’emploi, notamment pour les jeunes des zones rurales, et d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. D’autres programmes, comme Planting for Export and Rural Development (PERD) et Rearing for Food and Jobs (RFJ), ont également été bénéfiques. De plus, ces programmes sont supervisés par des organisations paysannes et des organismes inter- nationaux faîtiers.
Notre système de gouvernance et certains de nos organismes bien structurés sont issus du régime colonial.
Les spécificités de la gestion foncière au Ghana comportent une partie d’héritage de la période britannique. La structuration des filières agricoles au Ghana diffère aussi sensiblement de ce que l’on peut rencontrer dans les pays voisins : structuration paysanne moins développée ; importance des agro-industriels dans l’organisation des filières ; moins d’interprofession.
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