Auteur : Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB)
Type de Publication : Rapport
Date de publication : Février 2018
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Le terme «industries extractives» désigne de manière générale les opérations d’exploitation minière ou d’extraction de ressources naturelles menées par des acteurs privés ou étatiques, généralement à l’échelle commerciale et à des fins économiques. Il se réfère à l’uranium, au pétrole, au gaz, au fer, à l’or, au diamant et à d’autres industries minières.
Le contexte géologique du Niger est caractérisé par le socle du Liptako à l’Ouest, de l’Aïr au Nord, du Damagram-Mounio et du Sud Maradi dans la partie médiane, le bassin sédimentaire occidental du Niger (Bassin des Iuillemmeden) dans la partie Nord-Ouest et à l’Est par le bassin sédimentaire oriental (Bassin du Tchad). Plusieurs travaux de recherches géologiques et minières ont mis en évidence des indices dont certains ont été développés et constituent des gisements. La carte des indices miniers du Niger a répertorié tous les indices découverts par les travaux de recherche.
Une trentaine de substances minières, hors hydrocarbures, minéraux industriels et matériaux de construction, ont été répertoriés au Niger, réparties en 247 gisements et indices figurant sur la carte des gîtes minéraux. Elles ont suscité l’intérêt des compagnies minières et l’Etat a signé des contrats de recherche et d’exploitation dont 100 en vigueur en 2013. Les principaux minerais exploités sont l’uranium, l’or et le charbon et le ciment.
Le terme «industries extractives» désigne de manière générale les opérations d’exploitation minière ou d’extraction de ressources naturelles menées par des acteurs privés ou étatiques, généralement à l’échelle commerciale et à des fins économiques
Le droit à l’eau est un droit fondamental à un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable, pour les usages personnels et domestiques de chacun. Pays désertique, le Niger est confronté à un véritable problème d’eau. Cette situation est aggravée par l’exploitation intensive de cette denrée par les compagnies minières et pétrolières. En effet, l’exploitation des minerais et du pétrole nécessite une grande quantité d’eau, le plus souvent pompée dans des nappes fossiles ou dans les eaux de surface.
A titre illustratif, selon une étude menée par Greenpeace et CRIIRAD en novembre 2009, la COMINAK et la SOMAIR ont, en quarante ans d’activité, utilisé plus de 270 milliards de litres dans la région d’Agadez, vidant ainsi les réserves d’eau dans l’aquifère qui ne seront pas reconstituées avant des millions d’années. De l’avis du responsable de l’ONG Aghir-In-Man, ces deux compagnies consommeraient chacune 90 m3 d’eau par heure, soit dix (10) millions de m3 d’eau par an.
Cette forte consommation a amené les populations d’Arlit à rationner la consommation d’eau et d’après les informations recueillies, des recherches seraient en cours par La Direction Départementale de l’Hydraulique afin de localiser une autre nappe à vingt-cinq km de la ville. Toujours dans la région d’Agadez, les jardiniers et les éleveurs ont constaté un assèchement progressif des puits à Tifiyagh dans la zone de Tchirozérine où le charbon est exploité par la société d’Etat SONICHAR.
Afin de garantir une gestion rationnelle des ressources en eau, le Code de l’Eau en son article 12 dispose que : « Ceux qui de par leurs activités utilisent la ressource en eau, doivent contribuer au financement de la gestion de l’eau, selon leur usage, en vertu du principe du «préleveur-payeur» ». La protection de ces ressources est assurée par ce même Code qui précise que « lorsque l’activité des personnes physiques ou morales est de nature à provoquer ou à aggraver la pollution de l’eau ou la dégradation du milieu aquatique, les promoteurs de ladite activité supportent et/ou contribuent au financement des mesures que l’État et les collectivités territoriales doivent prendre contre cette pollution, en vue de compenser les effets, et pour assurer la conservation de la ressource en eau, selon le principe de « pollueur payeur » (article 13).
En milieu rural, la gestion des Adductions d’Eau Potable (AEP) est de plus en plus confiée à des délégataires privés qui exploitent les ouvrages à eux confiées par les maîtres d’ouvrage que sont les communes. Le contrôle de la qualité de l’eau est assuré par les techniciens du ministère en charge de l’Hydraulique. La qualité de la prestation et de la gestion est assurée par un Service d’Appui Conseil.
Avec l’adoption en 2014 de la Stratégie Opérationnelle pour la Promotion de l’Hygiène et de l’Assainissement (SOPHAB), l’État a, avec l’appui des partenaires, intensifié la réalisation des ouvrages d’assainissement de base. En 2014, l’Etat s’est doté d’une stratégie nationale de l’hydraulique pastorale.
Les populations riveraines de la zone d’Agadem dans la région de Diffa se plaignent de la gestion déficiente des déchets issus des puits de pétrole comme la « boue toxique » qui, quand elle est consommée par les animaux peut les rendre malades voire les tuer
Il y a lieu aussi de remarquer que les services de l’Etat mis en place pour contrôler la qualité de l’eau manquent de moyens. A la direction régionale de l’hydraulique de Tillabéri, zone d’exploitation de l’or, les services techniques ont affirmé, à une équipe du ROTAB en mission en septembre 2013, ne pas disposer de matériels adéquats pour effectuer des analyses sur le taux de concentration du cyanure dans l’eau.
Les mêmes services ont expliqué que dans cette zone, l’eau de la nappe souterraine n’est pas toujours propre à la consommation humaine et serait la cause de certains problèmes sanitaires.
Par exemple, ils avaient eu à fermer des puits forés pour l’alimentation en eau de la population parce que l’eau était impropre à la consommation humaine. Selon une enquête menée par le GREN en
2014 , les habitants d’Arlit et d’Azélik craignent que la consommation de l’eau présente de grands risques pour la santé. Sur certains sites artisanaux, les orpailleurs et leurs familles consomment l’eau pompée de la carrière d’extraction.
Recommandations à l’Etat
o Réaliser des études indépendantes et approfondies sur l’eau et mettre en place des mécanismes de contrôle réguliers et effectifs de la qualité de l’eau pour une meilleure information des populations afin de minimiser les risques de maladies liées à l’eau;
o Protéger le droit à l’eau en s’assurant que les entreprises prennent des dispositions adéquates pour protéger les populations et les animaux de la consommation des eaux usées des industries extractives ;
o S’assurer que les entreprises mettent en place un système de gestion rationnelle de l’eau et adopter des mesures de nature à prévenir l’altération de la qualité de l’eau ;
oAmenerlesentreprisesàcontribueraufinancementdelaPolitiqueNationaledel’Eau (PNE) afin de faciliter la prise en charge et l’atténuation des impacts négatifs de leurs activités sur le secteur de l’eau.
Les populations riveraines de la zone d’Agadem dans la région de Diffa se plaignent de la gestion déficiente des déchets issus des puits de pétrole comme la « boue toxique » qui, quand elle est consommée par les animaux peut les rendre malades voire les tuer.
Il a également été rapporté des conséquences négatives sur le cheptel et les animaux sauvages liés notamment aux opérations de prospection des sociétés pétrolières et des sous-traitants opérant dans la même région. Les vibrations sismiques ont entrainé la fuite d’animaux. Des animaux seraient morts du fait d’accidents avec des engins et de la consommation de substances toxiques à Melek. Une mission effectuée en novembre 2016 par des agents du Ministère du Pétrole et de celui de l’Agriculture a confirmé la mort de chameaux qui ont léchés des produits toxiques mal enfouis par la société CNPC à N’Gourti.
La perte des terres agricoles entraine du coup celle des moyens de subsistance. En effet, un cultivateur cultive chaque année son champ pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais une fois exproprié, il reste sans champ cultivable. En conséquence de la perte des moyens de subsistance, beaucoup d’hommes partent en exode laissant derrière eux les femmes et les enfants.
Les pasteurs perdent leurs cheptels et par la force des choses beaucoup de nomades se sont sédentarisés. Ils sont sans emploi et parfois sans qualification pour même espérer un emploi. Leurs habitudes socioculturelles et économiques en sont bouleversées
Dans certains foyers, la culture pratiquée par les femmes représente d’énormes revenus pour les familles. En cas d’expropriation, les femmes sont doublement perdantes. Elles perdent leurs moyens de subsistance et leur mode de vie. Les femmes des villages de Bakin Birgi et de Tarka Dan Kora (Olléléwa) qui cultivaient les champs de leurs maris, pères ou frères ont perdu ces lopins de terre suite à l’expropriation les privant ainsi de leurs principales activités économiques.
Dans ces zones déjà affectées par la sécheresse, les aires pastorales deviennent de plus en plus rares. Les pasteurs perdent leurs cheptels et par la force des choses beaucoup de nomades se sont sédentarisés. Ils sont sans emploi et parfois sans qualification pour même espérer un emploi. Leurs habitudes socioculturelles et économiques en sont bouleversées.
Afin d’encourager la promotion immobilière, des autorisations ont été accordées à 5 promoteurs immobiliers privés nationaux pour la construction de cités et/ou la production de parcelles viabilisées à Niamey. Les mesures prises pour rendre les logements accessibles à tous sont d’ordre général et ne sont pas spécifiques aux familles avec enfants, aux personnes âgées et personnes handicapées.
En zone rurale, l’espace est souvent suffisant pour accueillir tout le monde, car, dès qu’un jeune atteint sa majorité, une portion de domicile familial lui est attribuée. Cependant, l’assainissement, l’eau potable, l’électricité ne sont pas toujours présentes dans toutes les habitations.
Recommandations à l’Etat
o Prendre un décret d’application de l’Ordonnance n° 2010-029 relative au pastoralisme, notamment en ce qui concerne l’indemnisation des pasteurs ;
o Rendre effective et adéquate la compensation des pasteurs, agriculteurs, pour la perte de terres agricoles, terres d’usage pastoral, animaux, puits endommagés ;
o Dédommager les pasteurs après la récupération des terres pastorales;
o Appuyer les initiatives d’autonomisation des femmes et renforcer les capacités des personnes expropriées à mieux gérer leurs revenus d’indemnisation.
L’utilisation du cyanure dans l’exploitation artisanale et industrielle peut impacter sans doute la qualité de l’eau si des précautions particulières ne sont pas prises par les exploitants de l’or. Il a été déjà rapporté à une mission du ROTAB un nombre élevé de décès dus aux diarrhées chaque année dans la région de Tillabéri. Les cas de choléra sont surtout relevés dans cette zone d’exploitation de l’or et une forte suspicion existe sans que le lien scientifique de cause à effet entre cette exploitation et la survenue de la maladie ne soit établie à ce jour, faute d’une étude épidémiologique pour confirmer ou infirmer les allégations.
Le constat sur le terrain révèle également que les utilisateurs des produits dangereux ne respectent pas les règles de stockage des déchets qui proviennent de l’exploitation de l’or aussi bien sur les sites d’orpaillage que sur celui industriel de Samira.
La réglementation prévoit:
o un plan de gestion des cyanures qui doit comprendre des mesures pour minimiser l’utilisation des cyanures et leurs concentrations dans les résidus en provenance de l’usine de traitement du minerai ;
o des mesures préventives de gestion des cyanures pour minimiser les risques de contamination ou de déversement dans l’environnement (eau de surface et eau souterraine) lors de bris de digues, de conduites, etc.;
o un programme de surveillance et d’inspection des conduites et des ouvrages ;
o la mise en œuvre d’un programme de protection des oiseaux et de toute vie animale pouvant être atteinte par les solutions cyanurées exposées à ciel ouvert.
Quant au mercure, c’est un produit blanc utilisé dans l’orpaillage où il sert à séparer le métal du minerai. Les effets du mercure sur l’environnement et la santé humaine notamment de l’exposition au mercure des mineurs artisanaux et de leurs familles sont bien documentés.
Le mercure est notamment à l’origine de problèmes neurologiques et de malformations fœtales. Une convention internationale sur le mercure a d’ailleurs été adoptée le 19 janvier 2013 à Genève.
Il s’agit de la convention de Minamata qui vise à protéger la santé humaine et l’environnement contre les émissions et rejets anthropiques de mercure. Les Parties à cette convention s’engagent à prendre des mesures pour réduire, et, si possible, éliminer l’utilisation du mercure dans le cadre de l’extraction artisanale de l’or ainsi que des émissions et rejets consécutifs de mercure dans l’environnement. Cette convention a été ratifiée par le Niger le 9 juin 2017.
Dans la région de Tillabéri, l’insuffisance d’infrastructures socio sanitaires bien équipées sur les sites d’exploitation de l’or affecte la santé de reproduction de la mère et de l’enfant. Les femmes des orpailleurs accouchent à la maison sans assistance des personnels de santé. Si des complications surviennent la femme est transportée sur une charrette au centre de santé le plus proche.
En février 2017, une équipe tripartite ROTAB, Réseau parlementaire sur les industries extractives et National Democratic Institute (NDI) qui s’est rendue à Ingal dans le cadre des visites de terrains a enregistré les cris de population d’Ingal sur l’apparition des nouvelles maladies et la mort des animaux.
L’exploitation du charbon de Tchirozerine dans le nord du pays et du calcaire de Malbaza (usine de cimenterie) n’est pas en reste en matière de pollution de l’air. L’usine implantée à Tchirozérine émet du gaz qui pollue l’environnement, particulièrement les zones avoisinantes. De même, à Malbaza, la cimenterie émet beaucoup de poussière. Les autorités municipales de Malbaza ont mentionné l’installation d’un système de filtrage depuis le 06 juin 2014 à l’usine.
Ceci a freiné le dégagement permanent de poussière qui se répandait sur la ville et ses environs depuis plusieurs décennies. D’ailleurs, une plainte des populations des villages de la Commune de Malbaza contre la société de cimenterie pour pollution est pendante devant la Cour Suprême, aujourd’hui Cour de Cassation.
Les pathologies respiratoires, dermatologiques et l’hypertension artérielle sont élevées dans les zones où sont exploités le charbon et le ciment.
A Tchirozérine, des cas de malformation ont été rapportés dans le village de Tifiaghayaghe. Le cas de fièvre typhoïde est très élevé dans le même village.
L’exploitation du pétrole provoque des perturbations sur l’équilibre actuel des sols à travers les vibrations générées par l’engin vibrateur pour l’identification des réserves pétrolières et la pollution du sol par les huiles de vidange des engins de chantier, les déchets des « bases-vie » (eaux usées et déchets solides), le stockage et le déversement des matériaux de fonçage des puits pétroliers.
Les populations riveraines de la zone d’Agadem se plaignent de la gestion déficiente des déchets issus des puits de pétrole comme la « boue toxique.» Il a été également rapporté dans cette même zone que des produits chimiques toxiques auraient été jetés à l’air libre par les sociétés extractives. Selon le vice-maire de la commune rurale de N’gourti, deux enfants bergers ont ramassé et consommé un produit chimique bleu dans une bouteille jetée à l’air libre. Les deux en sont morts par la suite.
Il y a des fortes présomptions en ce qui concerne les travailleurs qui souffrent de maladies chroniques graves et qu’aucun centre de santé n’a pu établir de quelle maladie les intéressés souffrent.
Les populations riveraines de la zone d’Agadem se plaignent de la gestion déficiente des déchets issus des puits de pétrole comme la « boue toxique.»
Dans la plupart des centres de santé des sociétés extractives, il n’existe pas des médecins spécialistes des maladies causées par l’exploitation minière et pétrolière, encore moins des médicaments en quantité et en qualité.
Pourtant, le Niger a ratifié la convention 155 de l’OIT sur la santé et sécurité des travailleurs. La même convention fait obligation aux Etats d’adopter une politique nationale cohérente en matière de sécurité et santé au travail et pour promouvoir la connaissance des conventions qui existent déjà dans ce domaine. Elle a pour but d’établir et de mettre en œuvre des politiques nationales grâce à un dialogue entre gouvernement, employeurs et les travailleurs et d’encourager une culture de prévention nationale en matière de santé et sécurité au travail.
A ce sujet, une ordonnance a été prise pour répondre à toutes ces préoccupations car elle fait obligation à toute entreprise qui a un effectif de plus de (50) travailleurs à mettre un comité de santé et sécurité au travail en place. Mieux, le code du travail, la convention collective interprofessionnelle, les codes minier et pétrolier en font une obligation.
Recommandations à l’Etat
o Diligenter des études épidémiologiques indépendantes dans toutes les zones extractives pour mieux cerner les problèmes de santé et déterminer les causes réelles des maladies dans ces zones ;
o Mettre fin à l’utilisation des produits chimiques dangereux dans les activités d’orpaillage ;
o Faire cesser le stockage par les sociétés extractives des produits chimiques dans les villes ;
o Décontaminer les 50 sites contaminés recensés par Aghir-in’man.
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