Organisation affiliée : Banque Mondiale
Type de Publication : Article
Date de publication : 25 Juin 2020
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Comme la plupart des femmes nigériennes, Alimatou Idrissa est mère d’une famille nombreuse. Elle a cinq enfants, quand la moyenne nationale est de sept enfants par femme, soit l’un des taux de fécondité les plus élevés d’Afrique subsaharienne. Alimatou Idrissa est la deuxième épouse de son mari. Elle vit à Birni, la plus grande ville du district de Boboye, à une centaine de kilomètres au sud-est de la capitale, Niamey. Alors que la famille continue de s’agrandir, Alimatou Idrissa peut désormais mieux prendre soin d’elle-même et de ses enfants.
« Avant, j’accouchais à la maison. S’il y avait un problème, il n’y avait personne pour m’aider. Depuis que le projet a été lancé, je préfère accoucher à la clinique, car je sais que si j’ai besoin d’assistance, on s’occupera de moi », explique la mère de famille.
Le projet d’appui à la population et à la santé s’emploie à stimuler l’offre et la demande en services de santé reproductive, maternelle, infantile et adolescente de qualité, ainsi qu’en conseils nutritionnels dans cinq régions vulnérables du Niger.
Lancé en 2015 sous les auspices du ministère de la Santé publique et avec un financement de 103 millions de dollars de la Banque mondiale, ce projet cible 15 millions de personnes, dont 60 % de femmes.
Il vise à abaisser les taux de mortalité maternelle et infantile et à améliorer la planification familiale au profit du développement des enfants, de l’émancipation des femmes et de la réduction de la pauvreté.
Au total, 10 % de nourrissons supplémentaires ont été vaccinés contre la rougeole et le nombre de nouveau-nés dont la courbe de croissance fait l’objet d’un suivi et de conseils nutritionnels est passé de 1 300 en 2014 à plus de 360 000 en 2018
Outre la hausse du nombre de femmes enceintes se tournant, à l’instar d’Alimatou Idrissa, vers des professionnels de santé qualifiés, le projet a permis en trois ans de multiplier par trois le nombre de femmes âgées de 15 à 49 ans qui utilisent des moyens de contraception modernes.
Au total, 10 % de nourrissons supplémentaires ont été vaccinés contre la rougeole et le nombre de nouveau-nés dont la courbe de croissance fait l’objet d’un suivi et de conseils nutritionnels est passé de 1 300 en 2014 à plus de 360 000 en 2018.
Ces chiffres sont encourageants, sachant que 83 % des habitants du pays vivent en zone rurale et que 49 % seulement peuvent accéder à un établissement de santé dans un rayon de cinq kilomètres de leur domicile. Une femme nigérienne sur sept décède à la suite de complications liées à la grossesse et des milliers d’autres souffrent de traumatismes, d’infections, de maladies ou de handicaps évitables qui risquent de les accabler pour le restant de leur vie. De mauvaises habitudes alimentaires participent aussi de la forte prévalence des retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans, en particulier ceux qui vivent dans des villages isolés et mal desservis. Et à ces difficultés s’ajoutent de puissants obstacles socioculturels qui freinent le recours aux services de santé reproductive, même lorsqu’ils sont disponibles.
« La croissance et la prospérité du Niger reposent sur une population en bonne santé, à savoir sur des enfants en mesure d’apprendre et sur des hommes et des femmes capables de contribuer à une économie productive », souligne Cédric Ndizeye, spécialiste senior de la santé à la Banque mondiale. « Nous mobilisons tout un réseau de parties prenantes et de communautés pour accroître la sensibilisation et favoriser l’accès et la demande de services de santé qui peuvent sauver des vies, assurer aux enfants un bon départ dans la vie et permettre aux femmes de faire leurs propres choix reproductifs et socio-économiques. »
« Parce qu’elles sont ancrées dans la communauté, ces équipes aident le responsable du centre de santé local à accélérer les résultats », explique Adamou Djibo
La réussite du projet repose sur des initiatives à résultats rapides, une approche novatrice de résolution des problèmes qui favorise une réflexion, des expérimentations et des modes de collaboration originaux. Chaque RRI se focalise sur un objectif unique et concret, et rassemble diverses parties prenantes pour le réaliser dans un délai de 100 jours.
Ces initiatives se déroulent plusieurs fois par an dans les centres de santé de proximité et réunissent autorités locales, soignants et membres de la communauté. Médecins, sages-femmes, villageoises à l’autorité reconnue ou chefs religieux, tous unissent leurs forces pour imaginer et tester de nouvelles façons d’améliorer l’efficacité des services de santé.
« Parce qu’elles sont ancrées dans la communauté, ces équipes aident le responsable du centre de santé local à accélérer les résultats », explique Adamou Djibo, animateur sanitaire qui fait partie du réseau d’encadrement formé par le projet pour soutenir les équipes des RRI.
Depuis le lancement du projet, lui et ses collègues ont aidé 944 équipes dans 53 districts et 836 centres de santé. Ils ont constaté que la collaboration systématique entre les acteurs, côté demande et côté offre, a permis de trouver des solutions créatives à de nombreux problèmes complexes, mais souvent de nature non technique.
Au Niger, les longues distances et le manque de moyens financiers sont parmi les principaux obstacles aux consultations prénatales et aux accouchements assistés. Dans les centres de santé qui sont parvenus à multiplier les accouchements médicalisés, les villageois ont organisé le transport (voitures, charrettes, motos) des femmes enceintes, une pratique qui s’est poursuivie des mois après la fin du cycle des RRI. Ils ont également mis de l’argent en commun pour améliorer les conditions d’accueil dans les centres de santé, en fournissant du savon, des lits et en créant des espaces dédiés aux maternités.
D’autres centres ont compris que, pour sensibiliser aux risques de l’accouchement à domicile et pour augmenter le nombre de naissances assistées par du personnel qualifié, ils devaient faire appel aux accoucheuses traditionnelles. Ils ont donc utilisé les RRI pour lancer des collaborations et des formations. Les accoucheuses accompagnent désormais les femmes enceintes dans les centres de santé et jouent un rôle essentiel de médiatrices pour renforcer le recours aux services de santé, les campagnes d’information et les efforts de sensibilisation.
Plusieurs chefs religieux ont d’ailleurs parlé de la planification familiale et de l’accouchement dans leurs prédications hebdomadaires. Ces évolutions contribuent à faire taire les rumeurs et à changer les normes sociales
Parmi les autres innovations des RRI, on peut citer la participation des membres de la communauté à la planification et à la mise en œuvre des services à domicile et mobiles organisés par les centres de santé, afin de les rendre plus réguliers et mieux adaptés aux besoins de la population, en particulier dans les zones isolées et mal desservies.
Certaines équipes ont animé des émissions sur des radios locales et invité des femmes ainsi que des chefs religieux et traditionnels pour sensibiliser les populations à l’utilité des services de santé.
Plusieurs chefs religieux ont d’ailleurs parlé de la planification familiale et de l’accouchement dans leurs prédications hebdomadaires. Ces évolutions contribuent à faire taire les rumeurs et à changer les normes sociales.
Dans les régions de Dosso et de Tillabéry, les centres de santé ont organisé des groupes de discussion avec des adolescentes sur l’utilisation des contraceptifs modernes. Ils ont aussi commencé à offrir des conseils de planification familiale le soir, de manière à préserver l’intimité des femmes et des adolescentes.
Les RRI ont créé une culture de l’apprentissage et de l’échange de connaissances axée sur les résultats qui se perpétue d’elle-même. Selon Nana Mariama Amadi, responsable du centre de santé intégré de Birni, « quand un centre de santé local a réussi, nous en tirons des enseignements, nous analysons les stratégies et les ressources mises en place et, ensuite, nous adaptons nos méthodes de travail pour obtenir les mêmes résultats ».
Renforcer et accompagner la réponse à la pandémie de COVID-19
L’adhésion et la participation des communautés ont montré que l’approche des RRI peut faire émerger un cadre et un angle d’attaque pour promouvoir l’amélioration des services de santé sur le terrain. Le gouvernement du Niger considère les RRI comme un levier du changement à l’appui de son plan national de santé, et le ministère de la Santé publique prévoit déjà d’appliquer cette démarche à un nouveau projet en préparation pour renforcer le capital humain au Niger.
Alors que la crise du coronavirus sévit depuis quelques mois, la dynamique des RRI a permis d’assurer la continuité de services de base essentiels.
Les animateurs et les membres des équipes RRI ont travaillé sans relâche avec les villageois et les communautés pour communiquer des informations précises, dissiper les rumeurs et apaiser les c raintes de la population à l’idée de se rendre dans les centres de santé locaux pendant l’épidémie. Les consultations dans les centres de santé se sont multipliées, et la région de Maradi indique même avoir atteint 93 % de son objectif en matière de vaccination contre la rougeole. Le projet se poursuivra jusqu’à fin 2021.
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.