Auteur : Centre de documentation et de recherches (Cedoca)
Organisation affiliée : Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides
Type de publication : Rapport
Date de publication : 20 juin 2019
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Bref historique
Le 18 février 2010, le président Mamadou Tandja est renversé par un coup d’état militaire après qu’il a tenté de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite de deux mandats fixée par la constitution. Des élections législatives et présidentielles ont lieu le 31 janvier 2011. Mahamadou Issoufou, du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), opposant historique de Mamadou Tandja, est élu président de la République le 12 mars 2011.
Dans une note d’analyse d’avril 2015, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) rappelle que le gouvernement d’Issoufou à peine installé a dû faire face à la dégradation de la situation sécuritaire dans trois pays voisins résultant de la guerre civile en Lybie fin 2011, du conflit au Mali en 2012, de la présence d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) au Mali et de Boko Haram au nord du Nigéria. Le Niger est par ailleurs confronté au développement de l’économie criminelle, en particulier dans la zone saharienne. En septembre 2011 déjà, après le renversement du chef de l’Etat libyen Mouammar Khadafi, le président Issoufou avait attiré l’attention internationale sur le risque de déstabilisation des Etats sahéliens causé par l’« open bar dans l’arsenal libyen ». Le GRIP rapporte qu’au prix d’importants efforts sécuritaires, le Niger a résisté au risque de propagation du conflit sur son territoire.
Le gouvernement d’Issoufou à peine installé a dû faire face à la dégradation de la situation sécuritaire dans trois pays voisins résultant de la guerre civile en Lybie fin 2011, du conflit au Mali en 2012, de la présence d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) au Mali et de Boko Haram au nord du Nigéria
En février 2015, le sud-est du Niger est visé par des attaques du groupe djihadiste nigérian Boko Haram. Le 9 février 2015, le Parlement autorise à l’unanimité l’envoi de troupes au Nigéria pour participer à une Force multinationale mixte (FMM) composée des pays du bassin du lac Tchad (Nigéria, Niger, Tchad et Cameroun) chargée de combattre les islamistes. Depuis 2017, le Niger fait par ailleurs partie avec le Tchad, la Mauritanie, le Mali et le Burkina Faso du G5 Sahel.
Etat du conflit
Mahamadou Issoufou a été réélu pour un second mandat au terme d’élections présidentielles couplées à des législatives qui se sont tenues en février et mars 2016. Un rapport du International Security Sector Advisory Team (ISSAT) d’octobre 2018 souligne que le secteur de la sécurité est une des priorités de l’administration Issoufou. Dans son programme politique intitulé Renaissance acte 2 qui couvre la période 2016-2022, le gouvernement a mis l’accent sur la lutte contre le terrorisme et le contrôle des flux migratoires.
Depuis 2015, le Niger est confronté à l’insécurité et à des incursions de groupes armés djihadistes sur son territoire. Selon un rapport de juin 2017 sur la situation sécuritaire au Niger publié par l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), une organisation américaine à but non lucratif qui collecte, analyse et répertorie les informations concernant les conflits, deux zones sont particulièrement touchées par les incidents sécuritaires : les régions de Diffa et de Bosso (sud-est), à proximité du Nigéria, visées par des attaques de Boko Haram, et les régions de Tahoua et de Tillaberi (ouest), proches du Burkina Faso et du Mali, où divers groupes terroristes sont actifs. Dans la région de Diffa, l’état d’urgence est en vigueur depuis février 2015.
A Tahoua et Tillaberi, il est régulièrement prorogé dans plusieurs départements depuis mars 2017. Invoquant une situation sécuritaire « fragile » en raison de la persistance de la menace terroriste, le gouvernement a décidé en mars 2019 de reconduire l’état d’urgence pour trois mois dans les régions de Diffa, Tillaberi et Tahoua. Il a à nouveau été prorogé pour trois mois à compter du 18 juin 2019.
Durant l’année 2018, les autorités nigériennes ont participé à des campagnes contre les groupes terroristes aux frontières avec le Mali, le Nigéria, le Cameroun et le Tchad. Le Niger a signé en mai 2018 un accord de coopération sécuritaire avec la Libye, le Tchad et le Soudan pour lutter contre le terrorisme et les réseaux criminels. Les pays signataires s’engagent à coopérer dans le partage d’informations et autorisent les forces de chaque Etat à user du droit de poursuite permettant de pénétrer à l’intérieur du territoire d’un pays partenaire pour y pourchasser les groupes terroristes et criminels. Confronté à des enlèvements, le Niger a renforcé à partir de juin 2018 ses patrouilles le long de la frontière avec le Nigéria. Les deux pays ont également signé un accord de coopération afin de mutualiser leurs efforts pour réduire le terrorisme et les crimes transfrontaliers.
Suite à une augmentation du nombre d’attaques terroristes dans la région de Tillaberi, l’armée nigérienne a mené en novembre 2018 plusieurs opérations qui ont permis la destruction de camps djihadistes dans la zone de Torodi (sud-ouest). Le Niger a également déployé à la frontière burkinabè un bataillon tactique fort de 200 hommes. Une autre offensive de l’armée nigérienne a permis de repousser hors de la région de Tillaberi les groupes djihadistes maliens qui s’y étaient installés.
Les présidents du Niger, du Nigéria et du Tchad et le Premier ministre camerounais se sont réunis à N’Djamena (Tchad) le 15 décembre 2018 pour un sommet consacré à la lutte contre Boko Haram. Ils ont notamment demandé à leurs partenaires internationaux une augmentation de l’aide financière accordée à la force régionale qui combat Boko Haram.
Un bilan réalisé par l’OCHA et commenté par la presse nigérienne indique que, durant l’année 2018, 107 personnes ont été tuées, 97 autres blessées et 131 enlevées dans 206 incidents sécuritaires. Il s’agit principalement d’attaques perpétrées par des groupes armés non étatiques (GANE) (184 incidents) et de conflits intercommunautaires (22 incidents). Par ordre d’importance, les régions impactées sont celles de Diffa (frontière avec le Nigéria) ciblée par 156 incidents dont 137 attaques de GANE et dix-neuf incidents communautaires, celle de Tillaberi (frontière avec le Mali et le Burkina Faso), touchée par 46 incidents dont 44 attaques de GANE et deux incidents communautaires, et de Tahoua (frontière avec le Mali), visée par quatre incidents dont trois attaques de GANE et un incident communautaire.
A Diffa, les attaques du groupe Boko Haram ont visé les civils et les forces de défense et de sécurité. Dans la zone frontalière avec le Burkina Faso, les incidents de sécurité ont surtout consisté en assassinats, enlèvements, menaces contre certains villages et conflits intercommunautaires. La zone nord, frontalière avec le Mali, a surtout été affectée par des incursions de groupes armés djihadistes, des enlèvements et des violences communautaires.
Parties en présence
Forces internationales
Un rapport du GRIP de novembre 2016 indique que la France dispose de bases militaires au Niger faisant partie de l’opération française Barkhane. Le dispositif Barkhane dont la mission est de lutter contre le terrorisme et les groupes djihadistes dans le Sahel a été lancé en août 2014 et couvre cinq pays (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad). En janvier 2019, il est fort de 4.500 militaires, selon des chiffres du ministère français de la Défense repris par la presse. Le Niger fait partie du G5 Sahel, avec le Mali, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie. Au milieu de l’année 2018, les forces du G5 Sahel appuyées par Barkhane avaient mené trois opérations dans la zone des trois frontières, entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Le G5 Sahel a suspendu ses activités après une attaque djihadiste contre son quartier général de Sévaré (Mali), le 29 juin 2018.
Les Etats-Unis et la France sont militairement présents au Niger. Un article de La Libre Afrique de janvier 2018 indique que les deux puissances possèdent une base sur l’aéroport de Niamey d’où des avions de chasse et des drones opèrent. Outre celle de Niamey, la France possède aussi une base aérienne à Madama, dans le nord du pays, selon un article paru dans Les Echos du 3 janvier 2019.
Début février 2019, le site The Defense Post mentionne l’inauguration d’un centre de communication et d’opérations destiné à l’armée nigérienne entièrement financé par les Etats-Unis. La source ajoute que ces derniers ont déjà fourni au Niger des avions de surveillance Cessna C-208, des véhicules blindés et autres équipements. Les États-Unis construisent également une base aérienne dans les environs d’Agadez (coût estimé : 110 millions de dollars) qui devrait être opérationnelle dans le courant de l’année 2019. Elle abritera des drones et des avions de combat et sera à même de lancer des missions de frappe et de surveillance en Afrique de l’Ouest.
La source estime que le dispositif militaire américain au Niger est constitué de 800 hommes. La presse mentionne encore l’inauguration et l’ouverture d’un camp militaire allemand au Niger en novembre 2018. Elle précise à cette occasion que près de 900 soldats allemands sont déployés dans la région du Sahel dont 40 au Niger afin de participer à la lutte contre le terrorisme et les migrations illégales.
La présence de bases militaires étrangères sur le sol nigérien a été remise en cause lors de manifestations organisées dans la capitale en février 2018 et en mars 2019, à l’appel de l’opposition politique, d’organisations de la société civile et de syndicats.
Forces de sécurité intérieure (FSI)
Le Niger dispose de trois forces de sécurité principales : la police nationale, la gendarmerie nationale et la garde nationale du Niger, selon le rapport de l’ISSAT d’octobre 2018.
La police dépend du ministère de l’Intérieur. Elle est notamment responsable de la sécurité dans les centres urbains, de la protection des bâtiments gouvernementaux et des institutions ainsi que de la sécurité des membres du gouvernement. En 2017, ses effectifs étaient de 8.540 policiers, tous grades confondus.
La gendarmerie dépend du ministère de la Défense. Sa mission est d’assurer la défense territoriale et le maintien de l’ordre tout en assurant des activités policières. En 2017, ses effectifs étaient de 7.200 personnes, tous grades confondus. La présence de la gendarmerie aux frontières a été renforcée en raison de l’augmentation des activités criminelles. Un document officiel de la présidence nigérienne de 2018 mentionne la création de postes frontaliers de sécurité et d’unités de protection civile dans les régions de Maradi, Agadez, Tillabéry, Diffa et Zinder.
La garde nationale dépend du ministère de l’Intérieur. Elle est responsable de la sécurité dans les zones rurales ainsi que de la surveillance des prisons. En 2017, ses effectifs étaient de 9.000 agents.
Forces armées nigériennes (FAN)
Les FAN dépendent du ministère de la Défense. L’effectif des FAN est estimé entre 15.000 et 20.000 hommes. Le rapport de l’ISSAT indique que pour faire face à la menace terroriste, le Niger n’a cessé d’augmenter son budget défense depuis plusieurs années. Selon un article de septembre 2018 rédigé par l’Institut méditerranéen des hautes études stratégiques (FMES), le pays consacre 14,8 % de son budget à la sécurité et à la défense ce qui, dans un contexte sécuritaire qui ne cesse de se dégrader, est insuffisant.
Le Niger a donc besoin d’une aide extérieure. La source rappelle que le Niger est le pays le plus pauvre du monde derrière la République centrafricaine, selon une évaluation du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) en 2017.
Le président Issoufou a annoncé début janvier 2018 le « […] renforcement de l’armée et la création d’infrastructures militaires pour améliorer la lutte contre les organisations terroristes et criminelles, notamment les groupes djihadistes sahéliens et Boko Haram » . L’armée nigérienne mène également des opérations militaires d’envergure. En décembre 2018, une offensive aérienne et terrestre dans la région du lac Tchad a permis de neutraliser près de 300 éléments de Boko Haram.
Certaines opérations sont conjointes avec la force française Barkhane. Ainsi, fin décembre 2018, une action commune a permis de neutraliser une quinzaine de terroristes de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) à l’ouest du pays. Le rapport de 2018 de la présidence nigérienne mentionne le redéploiement des FAN et de la garde nationale dans les zones considérées comme sensibles, notamment les régions de Tillaberi et de Diffa et à proximité des sites pétroliers.
Groupes terroristes
Boko Haram Boko Haram a été créé en 2002 dans le nord du Nigéria. Le groupe est présent au Nigéria, mais aussi dans le nord du Cameroun, au Niger et au Tchad. Boko Haram a prêté allégeance à l’Etat islamique (EI) en 2015. La première attaque d’envergure du groupe sur le territoire nigérien a eu lieu en février 2015.
Le rapport de l’institut Small Arms Survey publié en janvier 2018 mentionne que plusieurs milliers de Nigériens ont rallié Boko Haram, séduits par les discours de son fondateur, Mohamed Yusuf. Le mouvement a incité les jeunes Nigériens de Diffa à s’enrôler en leur versant une allocation substantielle (jusqu’à 300.000 francs CFA par mois, soit 450 euros), selon le journal français Le Figaro dans un article de juillet 2018. La localité de Diffa se situe à environ cinq kilomètres de la frontière nigériane. La chercheuse Savannah de Tessières explique, dans le rapport de Small Arms Survey, que le soutien d’une partie de la population nigérienne au mouvement nigérian Boko Haram est dû au fait que, de part et d’autre de la frontière, les personnes appartiennent aux mêmes familles et aux mêmes tribus.
Les sources consultées parlent d’une scission du groupe en 2016, à la suite de divergences sur la question de son commandement. Le site d’informations militaires Opex360, dans un article de juillet 2018, mentionne l’existence de deux factions de Boko Haram : le « canal historique » incarné par Abubacar Shekau, chef de Boko Haram depuis 2009 et une faction soutenue par Daesh, appelée Etat islamique en Afrique de l’Ouest.
Dans un article publié en juin 2018, RFI explique que, depuis un an, le mode opératoire de Boko Haram a évolué et que l’usage des kamikazes s’est généralisé. La source relève aussi que les cibles de Boko Haram ont changé, le groupe s’en prenant davantage aux civils et moins aux forces de défense et de sécurité. Selon l’analyse faite par certains spécialistes, il s’agit là d’une preuve de l’affaiblissement du mouvement.
Vincent Foucher, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français, interrogé par RFI, observe quant à lui que si Boko Haram montre des signes d’essoufflement suite aux attaques menées par les forces armées de la région du lac Tchad, cela ne signifie pas pour autant la disparition du mouvement. Celui-ci a en effet déjà été dispersé à plusieurs reprises par le passé avant de se reconstituer. Début janvier 2019, l’armée nigérienne a annoncé la neutralisation de plusieurs centaines d’éléments du groupe dans la région de Diffa au cours d’opérations menées entre le 28 décembre 2018 et le 2 janvier 2019.
Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS)
L’EIGS a été créé en 2015 par le porte-parole du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Adnane Abu Walid Al-Sahrawi qui a fait allégeance à l’EI la même année . Son ralliement a officiellement été acté en octobre 2016. Un article de Huffpost de janvier 2018 mentionne que le groupe est actif dans une région située aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, couramment appelée la « zone des trois frontières ». The Humanitarian relève, dans son rapport de février 2018, que l’EIGS compte dans ses rangs bon nombre de Peuls nigériens qui sont depuis longtemps en conflit avec les Touaregs maliens.
Le rapport de Small Arms Survey de janvier 2018 mentionne que depuis le début de la crise malienne (2012), des Nigériens et surtout des jeunes Peuls ont été recrutés par des groupes terroristes actifs au Mali, comme AQMI, le MUJAO et Al-Murabitoune. Les tensions communautaires et les frustrations, ajoutées à la pauvreté et au sous-développement sont exploitées par les groupes djihadistes. Selon la source, les jeunes Peuls ne rejoignent pas ces groupes pour faire le djihad mais pour se protéger des Touaregs avec lesquels ils sont en conflit sur la question des ressources.
Groupes djihadistes actifs à la frontière burkinabè
Un article signé par le journaliste français Michel Lachkar pour France Info en novembre 2018 rapporte que le Niger subit également depuis quelques mois les attaques répétées de groupes venus du Burkina Faso. Selon les propos du ministre de l’Intérieur nigérien repris par la source, l’armée nigérienne a détruit, fin octobre-début novembre 2018, plusieurs camps de djihadistes dans le sud-ouest du pays, à la frontière burkinabè.
Les groupes terroristes qui ont comme point d’ancrage la préfecture de Torodi, le long de la frontière avec le Burkina Faso, ont la même filiation idéologique que les groupes actifs dans le nord du Burkina Faso, notamment Ansarul Islam créé par le prêcheur burkinabè Ibrahim Dicko, lui-même proche du prédicateur malien Hamadoun Koufa, fondateur de la Katibat djihadiste Macina.
Groupes armés sur base communautaire
Dans un rapport de juin 2018 sur la situation sécuritaire à la frontière entre le Niger et le Mali, ICG écrit : « [l]e recours à des groupes armés à base communautaire a accru les violences entre communautés et sans doute fait le jeu des jihadistes ». Dans son rapport, ICG explique la genèse de ces groupes armés à la frontière entre le Niger et le Mali :
« Au cours des deux dernières décennies, les violences en zone rurale se sont aggravées à la frontière entre le Mali et le Niger, sur fond de rivalités entre communautés pour le contrôle de l’espace et de difficulté des Etats à réguler les conflits locaux. Dans le sillage des rébellions arabotouareg des années 1990 et 2000, l’accès aux armes de guerre a changé la nature de la violence et l’a rendue beaucoup plus meurtrière.
Peu à peu, une génération de jeunes hommes vivant du métier des armes s’est constituée dans cette région. Ces derniers sont principalement issus des communautés nomades (notamment touareg, dossaak et peul). Des entrepreneurs politiques les ont utilisés pour constituer des milices communautaires, essentiellement au Mali mais aussi au Niger, avec la milice peul du Nord-Tillaberi, une région frontalière du Nord-Ouest du Niger particulièrement affectée par la violence. Ces groupes disent défendre les intérêts de populations nomades marginalisées, mais ils ont souvent un comportement prédateur et font pression sur l’Etat pour obtenir des prébendes ».
Typologie de la violence
Attaques terroristes
Dans son rapport périodique sur les activités du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel pour la période de janvier à juin 2018, le Secrétaire général de l’ONU indique que dans plusieurs pays de la zone sahélienne (au Niger, mais aussi au Burkina Faso, au Mali et au Nigéria), « [..] des groupes armés extrémistes et violents […] » ont perpétré « […] des attaques terroristes asymétriques » contre les forces de sécurité nationales et internationales, les autorités locales et la population civile […] ». Concernant plus particulièrement le Niger, la source précise que « […] la présence de groupes armés non étatiques s’est renforcée dans la région occidentale de Tillaberi, où des activistes affiliés à l’Etat islamique du Grand Sahara s’en sont pris aux services de sécurité et d’autres cibles. […] Dans la région de Diffa, les attaques menées par la faction ‘Province d’Afrique de l’Ouest de l’Etat islamique’ du groupe Boko Haram ont été signalées en moins grand nombre […] ». La source ajoute que les groupes terroristes ont de plus en plus souvent recours à des engins explosifs improvisés.
Le bilan de l’OCHA pour l’année 2018 mentionne que sur un total de 206 incidents sécuritaires, 184 ont été constitués par des attaques de groupes armés non étatiques.
Le 17 novembre 2018, des djihadistes attaquent un détachement de la gendarmerie positionné au poste frontalier de Makalondi (frontière avec le Burkina Faso). Deux gendarmes sont tués, un autre blessé, tandis qu’un dernier est porté disparu. Le 30 novembre 2018, des hommes armés soupçonnés d’être des terroristes attaquent le poste de police de la localité de Téra (sud-ouest), près de la frontière burkinabè, tuant un douanier.
Le bilan de l’OCHA pour l’année 2018 mentionne que sur un total de 206 incidents sécuritaires, 184 ont été constitués par des attaques de groupes armés non étatiques
Le site d’informations Voice of America (VOA) qui rapporte l’information précise que cette attaque est survenue le jour même de l’instauration par le gouvernement de l’état d’urgence dans trois départements du sud-ouest du Niger voisins du Burkina Faso dont celui de Téra, dans une zone souvent confrontée à des attaques de groupes djihadistes.
Le 8 mars 2019, une position militaire à Gueskérou, commune située au nord-est de Diffa, à la frontière avec le Nigéria, est attaquée par des soldats de Boko Haram. Des renforts militaires réussissent à faire fuir les assaillants qui se replient vers le Nigéria. Le bilan est de sept gendarmes tués. Le 26 mars 2019, la localité de N’Guigmi, dans la région de Diffa, est la cible d’un attentat suicide et d’une attaque de Boko Haram. Des assaillants investissent la localité et tirent sur des civils avant de s’enfuir. Dans le même temps, deux femmes kamikazes se font exploser, l’une sur une route entre un camp de gendarmerie, les bâtiments de la mairie et de la préfecture, l’autre à l’intérieur du camp de gendarmerie, dans la maison du gendarme où elle a pris en otage toute une famille. Le bilan est d’une dizaine de civils tués.
Violences intercommunautaires
Le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur les activités du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, couvrant la période du 1er janvier au 30 juin 2018, note que tout le Sahel a été affecté par des conflits violents entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires. Ces conflits « […] ont gagné en fréquence, en intensité, en complexité […] ». Suite à une succession de violences à la frontière entre le Mali et le Niger début mai 2018, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), par la voix de son chef de mission au Niger, a qualifié la situation d’ « explosive » et indiqué qu’il était nécessaire de différencier les violences intercommunautaires des violences terroristes. Selon ses propos repris par RFI : « […] le terrorisme dans ce contexte n’est pas le prisme le plus utile pour voir les choses. Il s’agit de communautés qui ont eu des problèmes dans le passé, qui continuent d’avoir des problèmes ». Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Danish Refugee Council (DRC), dans un rapport périodique de mai 2018 sur la situation sécuritaire et humanitaire dans la région de Tillaberi, indique : « [e]n dépit des efforts de pacifications déployées par l’Etat et ses partenaires, les rivalités qui existent depuis plusieurs années entre ces deux communautés (peulhs et touaregs) donnent très souvent lieu à des exactions et des vols de bétails de part et d’autre ».
Le 18 mai 2018, dix-sept civils appartenant à la communauté peule sont tués dans le hameau de Hagaye, commune d’Inatès (région de Tillaberi) à deux kilomètres de la frontière malienne. Les assaillants sont décrits comme faisant partie d’un groupe de Touaregs. Selon les propos du ministre de l’Intérieur repris par le GRIP, cette attaque constitue vraisemblablement un acte de représailles suite à une tuerie commise contre des Touaregs au Mali plus tôt dans le même mois.
Le président du conseil des éleveurs du nord-Tillaberi accuse quant à lui deux groupes armés maliens progouvernementaux, le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et le Groupe d’autodéfense touareg Imghads et alliés (GATIA) qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, se livreraient à des règlements de compte.
Banditisme
Le document officiel de la présidence nigérienne de 2018 parle de « […] l’émergence de groupes narcoterroristes extrêmement bien organisés, possédant de très grandes capacités de nuisance, tantôt liés à AQMI, tantôt liés à d’autres organisations terroristes ». Ces groupes tirent leurs revenus du trafic d’armes, de drogues, de véhicules et d’êtres humains. La conséquence en est l’instauration d’une économie criminelle à travers toute la bande sahélo-saharienne. Le Secrétaire général de l’ONU, dans son rapport de juin 2018 sur la sécurité dans le bassin sahélien mentionne une recrudescence des activités criminelles violentes dans la région de Diffa. Dans les régions d’Agadez et de Maradi, le banditisme armé a sévi1.
Les sources consultées font régulièrement état d’enlèvements par les groupes djihadistes. En avril 2018, un travailleur humanitaire allemand est enlevé à 30 kilomètres d’Ayorou, une préfecture de la région de Tillaberi (ouest), par des hommes armés circulant à moto. En septembre 2018, un prêtre italien est enlevé dans le village de Bamoanga, dans la région de Tillaberi. Les assaillants, des hommes circulant à moto, se sont repliés vers le Burkina Faso, selon les déclarations du porte-parole du gouvernement nigérien repris par le journal Le Monde.
Cibles de la violence
Civils
Plusieurs sources mentionnent que les attaques de Boko Haram au Niger visent essentiellement les civils. Un article de RFI de juin 2018 indique que les cibles de Boko Haram ont changé depuis un an, la population étant davantage visée tandis que les forces de sécurité le sont moins. Certains analystes imputent ce changement à un affaiblissement du groupe. Après qu’une double attaque de Boko Haram a tué une dizaine de civils dans la région de Diffa en mars 2019, le gouverneur de Diffa a déclaré constater une résurgence des activités de Boko Haram contre les populations en raison de leur refus de collaborer avec le groupe.
Dans les régions de Tillaberi et de Tahoua, les groupes armés djihadistes tuent et enlèvent des civils, brûlent les écoles et pillent les maisons, les entreprises et le bétail, selon une déclaration du HCR faite en décembre 2018 et rapportée par VOA.
Plusieurs sources mentionnent que les attaques de Boko Haram au Niger visent essentiellement les civils. Un article de RFI de juin 2018 indique que les cibles de Boko Haram ont changé depuis un an, la population étant davantage visée tandis que les forces de sécurité le sont moins. Certains analystes imputent ce changement à un affaiblissement du groupe
Les enseignants sont visés par les groupes djihadistes selon le témoignage d’un responsable d’un syndicat d’enseignants rapporté par RFI dans un article de décembre 2018. Dans les régions de Tillaberi, Tahoua et Diffa, bon nombre d’écoles ont dû temporairement fermer leurs portes. Lorsque des djihadistes arrivent dans une zone, ils brûlent les écoles et menacent les enseignants. Certains ont été égorgés, selon ce témoignage.
Forces de défense et de sécurité
Les attaques de Boko Haram dans la région de Diffa visent les forces de défense et de sécurité, selon le rapport du département d’Etat américain de mars 2019 et celui de l’OCHA de décembre 2018. ICG relève, dans son rapport de juin 2018, que les groupes djihadistes présents à la frontière entre le Niger et le Mali visent essentiellement des cibles militaires. Un article de RFI de juin 2018 rapporte qu’initialement, Boko Haram menait des opérations « armes à la main » contre les postes militaires mais qu’à partir de 2017, l’usage de kamikazes s’est renforcé.
Déplacements de population
En mars 2019, la région de Diffa comptait 104.288 personnes déplacées internes (PDI) et celles de Tillaberi et Tahoua 70.305, selon des chiffres de l’agence des Nations unies pour les réfugiés. Plus de 50.000 Nigériens ont été forcés de quitter leur foyer en 2018 en raison des violences à l’ouest du pays, plus particulièrement dans les zones frontalières avec le Mali et le Burkina Faso. Dans les régions de Tillaberi et de Tahoua, le nombre de PDI est passé de 540 à 48.732 entre janvier et octobre 2018. Dans la région de Diffa, 18.800 personnes se sont déplacées en mars 2019 en raison des attaques de Boko Haram.
Elles sont venues s’ajouter aux 104.300 PDI déjà présentes dans la région. Le Niger est par ailleurs un pays d’accueil pour des réfugiés provenant essentiellement du Nigéria et du Mali voisins. Selon des chiffres des Nations unies mis à jour fin mars 2019, il y a au Niger un total de 174.232 réfugiés parmi lesquels près de 119.000 proviennent du Nigéria et 55.000 du Mali. Début décembre 2018, le Niger a adopté une loi sur la protection des personnes déplacées. Il s’agit, selon un article de la British Broadcasting Corporation (BBC), de la « […] première loi sur la protection et l’assistance aux personnes fuyant la violence, les inondations et la sécheresse ». RFI précise que le Niger est le premier pays d’Afrique à se doter d’une loi accordant protection et assistance aux personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.
Ces dernières seront indemnisées grâce à la création d’un fonds d’assistance national en attendant l’intervention de l’aide humanitaire internationale. L’Etat a prévu de sanctionner les personnes ou les groupes coupables de restreindre le droit des PDI à se déplacer d’une région à une autre en raison de la violence ou encore, au terme de l’installation dans une région de refuge, d’accéder aux services sociaux de base et aux ressources naturelles.
Besoin d’assistance humanitaire
L’ONU estime, en février 2019, que plus de deux millions de personnes – soit plus de dix pour cent de la population dont la moitié vit dans les trois régions affectées par les activités djihadistes (Tillaberi, Tahoua et Diffa) – ont besoin d’une assistance humanitaire en raison de la crise alimentaire aggravée par les déplacements de populations.
La campagne agricole 2018 s’est terminée par un déficit céréalier, en raison des aléas climatiques et le pays connait des crises alimentaires récurrentes. Les menaces des groupes armés empêchent la distribution de l’aide humanitaire176 . Dans un état des lieux pour la période de janvier et février 2019, l’OCHA indique que le plan de réponse humanitaire pour 2018 n’a pu être financé qu’à 64 %, ce qui constitue une baisse significative par rapport à 2017 (81 %).
Ecoles
Un bilan de l’OCHA fait en décembre 2018 souligne qu’une centaine d’établissements scolaires ont dû fermer leurs portes depuis 2015. Dans la région de Tillaberi, 33 écoles ont suspendu temporairement leurs activités et 18 sont fermées. Dans la région de Diffa, 44 écoles sont provisoirement fermées. L’ACAPS, dans son rapport d’avril 2019, indique que 149.000 enfants ont besoin d’une assistance en terme d’accès à l’éducation dans la région de Diffa. La dégradation de la situation sécuritaire depuis quatre ans a aggravé un risque d’interruption scolaire préexistant lié aux mouvements de population causés par la sécheresse.
Liberté de mouvement
En raison de l’état d’urgence décrété par les autorités dans trois régions, un couvre-feu est d’application. Un article de Panapress d’avril 2019 en rapporte les modalités d’application pour la région de Diffa : interdiction de circuler entre 20 heures et 5 heures du matin pour les véhicules à moteur ; limitation des mouvements de personnes entre 22 heures et 4 heures du matin. Les véhicules des forces de défense et de sécurité, des autorités administratives et judiciaires et ceux de la santé ne sont pas concernés par le couvre-feu. Le journal français Le Point, dans un article publié en novembre 2018, mentionne que les motos sont interdites de circulation dans toute la région [la moto est un moyen de déplacement fréquemment utilisé par les groupes djihadistes].
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