Auteur : M. Youssouf Abdelkrim et Dr. Sougnabé Pabamé, ministère de l’Education de base au Tchad
Type de publication : Article scientifique
La scolarisation des enfants en milieu nomade se heurte à plusieurs contraintes mais le rôle économique joué par les enfants au sein de l’unité de production pastorale semble être l’entrave principale. Filles et garçons ont des taches bien délimitées dans lesquelles les enfants ne peuvent pas être facilement remplacés par d’autres membres de la famille. Mais la question n’est pas uniquement économique. Les parents nomades doivent également faire un choix entre l’école formelle, avec tout ce que cela implique pour l’avenir de l’enfant, et une socialisation dans la culture dite traditionnelle.
Les problèmes ressentis par les éleveurs également en matière d’éducation sont en partie dus aux facteurs liés à l’environnement économique et écologique, et en partie dus au travail que fait l’enfant, et les conséquences que cela a sur la scolarisation de l’enfant.
De ces faits, qu’elle est le type d’école qu’il faut pour les enfants des pasteurs nomades ?Cette communication tirée de l’étude réalisée en 2010 sur l’éducation en milieu pastoral au Tchad (Swift, 2010), se propose de décrire les entraves à l’éducation des jeunes éleveurs nomades au Tchad et d’en proposer des pistes pour le développement de l’éducation en milieu nomade.
1-Les facteurs entravant la scolarisation des enfants en milieu nomade
Les enfants nomades ont beaucoup de difficultés à aller en école. Selon la Direction de l’Enseignement Primaire du Ministère de l’Education seulement 2 % des enfants scolarisés en cycle primaire sont inscrit dans les écoles communautaires en milieu nomade.
Les facteurs de l’environnement écologique et social, et les problèmes associés à la gestion de l’école en milieu pastoral, qui rendent difficiles la participation des enfants nomades à l’école, sont multiples et bien connus. Parmi d’autres, il y a :
- Facteurs liés à l’environnement et au rôle économique des enfants
La faible densité de population en milieu pastoral rend impossible la création d’une classe de taille adéquate. Cette situation se complexifie par les mobilités des campements qui, dans le cas du Tchad, peut amener les campements à parcourir plusieurs centaines de kilomètres au cours de l’année. Si les enfants se déplacent avec leur famille, ils ne sont pas disponibles pour aller à l’école.
Si les déplacements sont à petite échelle, il peut être possible que l’enfant continue à se présenter à l’école, mais quand la distance entre le campement et l’école dépasse de 5 à 10 km ceci devient impossible. Si les déplacements sont très organisés et stables, c’est-à-dire tous les ménages qui forment un grand campement se déplacent en même temps et vers les mêmes endroits, une école mobile pourrait se déplacer avec eux.
Les enfants nomades ont beaucoup de difficultés à aller en école. Selon la Direction de l’Enseignement Primaire du Ministère de l’Education seulement 2 % des enfants scolarisés en cycle primaire sont inscrit dans les écoles communautaires en milieu nomade
Mais si les déplacements sont décidés par chaque ménage, et en conséquence les campements ont peu de stabilité, il n’y a pas de population fixe d’enfants pour alimenter une classe stable. Dans certains systèmes de production, pendant une certaine période de l’année, le troupeau (moins quelques laitières, qui restent avec la famille) s’éloigne du campement avec seulement quelques bergers.
Ces derniers sont souvent des jeunes d’âge scolaire, mais ne sont pas disponibles pour l’école. En plus du rôle économique des enfants en milieu pastoral, le refus de certains enfants nomades scolarisés de retourner derrière les troupeaux n’excite pas leurs parents à opter pour l’envoi de leurs enfants à l’école même si celle est à leur portée.
- Facteurs liés à la qualité de l’enseignement
Plusieurs facteurs ne militent pas pour au bon fonctionnement des écoles en milieu nomade notamment l’inadaptation des curricula : les calendriers scolaires ne sont pas adaptés par rapport au calendrier de la production animale, limite d’âge scolaire officielle non adaptée, enseignants mal payés, mal équipés et peu motivés. A cela s’ajoute la faiblesse du suivi pédagogique des écoles en milieu pastoral par les inspecteurs à cause du manque de moyens de déplacement et de l’éloignement de ces écoles
- Facteurs liés à la gestion des écoles
La problématique de la scolarisation en milieu nomade s’inscrit dans un contexte d’insuffisance globale de moyens et de résultats de l’Education Nationale mais également de problèmes d’équipement, de matériel didactique adéquat. L’autre problème qui se pose avec des écoles en milieu nomade, est celui des enseignants.
Ce genre d’école de première ligne a besoin d’être tenue par un enseignant issue de la même société que les pasteurs nomades. Sinon il lui sera très difficile de vivre et de travailler pendant de longues périodes dans ces conditions.
Il y a peu de gens qui ont ces qualités en milieu nomades car tous les jeunes qui ont fait l’école sont partis en ville ; aucun n’est revenu pour enseigner aux enfants de sa communauté. Notons aussi le rejet par certains parents d’élèves de la prise en charge des maîtres communautaires.
- Facteurs liés aux genres
Les filles sont particulièrement vulnérables à ces facteurs de l’environnement. Elles ont des travaux domestiques non négligeables à partir d’un jeune âge. La distance parfois considérable entre le ferik et l’école, et l’insécurité pour une fille d’y aller toute seule, n’est pas encourageante.
Les parents refusent parfois les écoles mixtes pour les filles, surtout s’il y a des problèmes d’hygiène en l’absence de latrines. De manière plus générale, il manque de femmes modèles issues du milieu nomade, femmes qui ont fait l’école et qui peuvent témoigner de l’importance d’une éducation formelle.
Recherches urgentes
La connaissance détaillée des déplacements des éleveurs nomades tchadiens et de leurs modes de vie de tous les jours, sont limitées. Sans information sur la structure des familles et des campements aux différents moments de l’année, l’organisation de la main d’œuvre aux différentes saisons, les déplacements en année normale et en année exceptionnelle (par exemple de sécheresse), il est difficile, voire impossible, de planifier en détail comment créer des systèmes d’éducation adaptés. Des recherches urgentes doivent être entreprises afin de fournir des données fiables aux responsables de la stratégie proposée d’éducation des éleveurs nomades.
Création de quelques projets pilotes dans les différents groupes d’éleveurs pour expérimenter des méthodes appropriées
Il y a actuellement peu d’expériences en cours d’éducation des nomades. Il serait souhaitable de mettre en œuvre le plus vite possible quelques projets pilotes à petite échelle pour acquérir l’expérience dans la planification et l’exécution de telles activités. Par exemple, quelques écoles vraiment mobiles dans des groupes de nomades différents apporteraient des leçons valables.
Suivi détaillé et évaluation de ces projets
Il est essentiel que tous les projets actuels d’éducation des éleveurs nomades soient soumis à une évaluation détaillé pour en apprendre les leçons. Ceci implique un système de suivi de ces projets pour créer les informations nécessaires à une telle évaluation.
L’évaluation est souvent vue par ceux qui sont évalués comme un processus hostile, la recherche des erreurs. Mais ceci ne doit pas être le cas. L’évaluation est une manière importante de comprendre ce qui se passe, quelles sont les options, et pourquoi certaines actions ont du succès et d’autres n’ont pas. Sans évaluation les projets ne sont pas cumulatifs, et on risque de répéter les mêmes erreurs.
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