Auteur : Alliance globale pour la résilience (AGIR)
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2016
Analyse des causes profondes (structurelles et conjoncturelles) des crises alimentaires et nutritionnelles
La vulnérabilité des populations à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle
Le Tchad est l’un des pays les plus pauvres au monde. Il est classé au 185 ème rang sur 188 selon l’Indice de Développement Humain en 2015 (Rapport PNUD, 2015). La pauvreté et l’insécurité alimentaire vont ensemble et touchent en premier lieu les populations rurales et les couches sociales les plus démunies des grandes villes.
Elles sont multidimensionnelles et tirent leurs racines dans les déficits céréalier et fourrager, les effets cumulatifs des crises et catastrophes successives, la pauvreté généralisée chez une frange Priorités résilience pays (PRP) Alliance globale pour la résilience (AGIR) Tchad 18 importante de la population, les répercussions de l’enclavement, les difficultés d’accès aux services sociaux de base, etc.
Selon les résultats de l’ECOSIT 2011, malgré les efforts du Gouvernement et de ses partenaires, la pauvreté touche encore près de la moitié (46,7%) de la population tchadienne contre 55% en 2003, avec des taux de pauvreté dans les zones rurales (52,5%) nettement plus élevés que dans les zones urbaines (25%).
La pauvreté a reculé dans toutes les régions à l’exception du Logone Occidental où elle passe de 57,6 % à 66,4 % et de la Tandjilé où elle passe de 62,4 % à 65,3 %. Elle est moins répandue dans la capitale (11,0 % à N’djamena) que dans les autres villes.
L’analyse de l’insécurité alimentaire réalisée globalement chaque année au niveau des régions cache des disparités importantes. En effet, à l’analyse des résultats de l’ENSA 2015, on constate un taux de malnutrition les plus élevé dans les régions suivantes: le Bahr El Gazal (85%); Dar Sila (54,8%) ; Guéra (54%), Batha (51,63%) et Wadi Fira (46,49%).
L’enquête de Sécurité Alimentaire et de Vulnérabilité Structurelle (EVST-2009) a mis en évidence que plusieurs variables ont une influence sur le niveau d’insécurité alimentaire, notamment : (i) la pauvreté, (ii) les sources des aliments consommés, (iii) la région de résidence – les ménages ruraux des régions de Batha, Biltine, du Mayo- Kebbi, du Ouaddaï, du Moyen-Chari, du Chari-Baguirmi, et du Kanem semblent être les plus enclins à l’insécurité alimentaire, (iv) le caractère déficitaire de la production céréalière du ménage, (v) le nombre des membres du ménage exerçant une activité génératrice de revenus, (vi) la pratique de l’agriculture, (vii) la stratégie de survie, (viii) le niveau d’éducation du chef de ménage.
Les résultats de l’enquête nationale de sécurité alimentaire (ENSA) d’octobre 2015 indiquent que 3.094.741 millions de personnes sont en insécurité alimentaire globale soit 1/4 de la population totale, dont 706.831 en situation d’insécurité alimentaire sévère (soit 6% de la population totale).
L’analyse de l’insécurité alimentaire réalisée globalement chaque année au niveau des régions cache des disparités importantes. En effet, à l’analyse des résultats de l’ENSA 2015, on constate un taux de malnutrition les plus élevé dans les régions suivantes: le Bahr El Gazal (85%); Dar Sila (54,8%) ; Guéra (54%), Batha (51,63%) et Wadi Fira (46,49%). Le fait nouveau et remarquable en 2015 est la hausse significative de l’insécurité alimentaire globale dans certaines régions du sud du pays, notamment dans le Logone oriental et la Mayo-Kebbi. Des hausses atteignant parfois celles observées dans la bande sahélienne.
D’une manière générale, la situation est particulièrement grave dans la bande sahélienne qui renferme les zones les plus touchées. La situation dans ces zones est aggravée par l’insuffisance des capacités de stockage et de conservation ainsi que l’enclavement qui rend les coûts de transfert des denrées à partir des zones excédentaires très élevés.
Quant à la situation nutritionnelle des enfants de moins de 5 ans, elle demeure très critique et est presque endémique au Tchad. Ainsi, entre 2000 et 2010, le taux d’insuffisance pondérale globale est passé de 28 à 30%, la malnutrition chronique globale de 28 à 39% et la malnutrition aigüe globale de 14,6% (au-dessus du seuil d’alerte de l’OMS qui est de 10%) à plus de 16% (au-dessus du seuil critique supérieur à 15%).
Les pics sont enregistrés dans toutes les régions en période de soudure. Les résultats des enquêtes SMART ces dernières années, ont montré que la malnutrition aiguë globale (MAG) chez les enfants de moins cinq ans est préoccupante et quasi systématiquement au dessus du seuil d’alerte de 10%. Les résultats de SMART 2014 indiquent que les taux de MAG sont même supérieurs à 15% (seuil d’urgence) dans dix départements de la zone sahélienne et avec une moyenne de 12 ,4% sur la zone d’enquête. Ces résultats confirment une situation nutritionnelle précaire, notamment dans la zone sahélienne du pays.
Enfin, il faut noter que les troubles nutritionnels ne résultent pas seulement d’une insuffisance en termes d’accès physique à l’alimentation puisque même des enfants vivant dans de bonnes conditions sont sujets à l’anémie carentielle, à l’insuffisance ou à la surcharge pondérale voire au retard de croissance.
Ils résultent également de l’association de mauvaises pratiques en matière d’alimentation, d’allaitement maternel, de soins inadéquats et de l’inaccessibilité aux services de santé et des mauvaises conditions d’hygiène.
Causes structurelles
Malgré les importantes potentialités agro-sylvo-pastorales et halieutiques que renferme le Tchad, le pays reste confronté de façon presque récurrente à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. Cette situation est à imputer à la grande dépendance aux aléas climatiques et à la faible performance des exploitations agricoles, à la pauvreté généralisée d’une franche importante de la population, à la croissance démographique insuffisamment maîtrisée, à l’insuffisance de la disponibilité et de l’accessibilité des services sociaux de base, au niveau élevé de pauvreté, au chômage et sous emplois ambiants, à l’insuffisance des infrastructures économiques, à la faiblesse des capacités de gouvernance de sécurité alimentaire et nutritionnelle, etc.
Insuffisance de l’accès aux services sociaux de base
Dépenses en éducation, santé, action sociale en dents de scie : selon les résultats d’ECOSIT 3 de 2011, 39% des hommes sont alphabétisés contre 16,6% des femmes. Au niveau de l’enseignement fondamental, le taux brut de scolarisation au primaire (français et arabe) a connu une nette progression pour culminer à 74,3% au cours de l’année scolaire 2003/2004. Depuis, il est resté stable jusqu’en 2011 (74,9%). Ce taux de scolarisation est inégalement réparti entre le milieu urbain (93,9%) et le milieu rural (71%) et entre les sexes (79,4% pour les garçons et 69,9% pour les filles).
Les taux d’achèvement au primaire (47,8 %) et au secondaire (41,7%) restent très faibles. Seuls12,% des enfants accèdent au collège d’enseignement général, 5% au lycée d’enseignement général et 0,5% des personnes accède à un niveau d’étude supérieur. En réalité, au Tchad, c’est la qualité de l’enseignement et son adaptation aux besoins du marché qui posent problème. Ainsi, parmi les causes de la faible fréquentation il y a les difficultés financières (26,3%), le mariage (19,4%), la demande d’aide pour les travaux domestiques à la maison (10%), le manque d’intérêt pour l’école (9,7%), l’échec scolaire (5,8%).
Incidence du niveau de pauvreté
Parmi les 10 pays les plus pauvres au monde : la pauvreté au Tchad a des aspects aussi bien monétaires que non monétaires, avec sa nature multidimensionnelle évidente et le grave manque d’accès aux services sociaux de base ; ceci entraîne, entre autres, de mauvais indicateurs en matière de santé, éducation et bienêtre général.
Le Tchad se classe parmi les 10 pays les plus pauvres en termes de développement humain. Il se situe au 185ème rang sur 188 pays avec un Indice de développement humain de 0,392 (PNUD, Rapport Mondial sur le Développement Humain, 2015). Le PIB par habitant et par an est estimé en 2013 à 682 dollars US. Malgré une croissance économique satisfaisante durant la dernière décennie, soutenue par les revenus tirés de la production pétrolière, la pauvreté touche 46,7% de la population totale (ECOSIT 3, 2011).
En terme de consommation alimentaire, il est à rappeler que les résultats de l’Enquête de vulnérabilité structurelle au Priorités résilience pays (PRP) Alliance globale pour la résilience (AGIR) Tchad 27 Tchad (EVST 2009) ont montré que par rapport à la vulnérabilité aux différents chocs, les ménages les plus pauvres et pauvres ont d’importantes difficultés à couvrir leurs besoins essentiels, et que ce phénomène est lié au niveau de leurs revenus. Cette situation traduit en réalité que plus de la moitié de la population tchadienne est vulnérable aux différents chocs en terme de consommation alimentaire, car plus de 52,5% de la population vivant en milieu rural est pauvre.
Chômage et sous emplois ambiants
Absence de données fiables sur le chômage et sous emplois : selon la Stratégie nationale de protection sociale, la situation de l’emploi est caractérisée par un manque de données fiables et actualisées permettant de mesurer sa dynamique. Néanmoins, l’évolution de certains de ses déterminants que sont la démographie, le potentiel du marché du travail et les opportunités qu’il offre, permettent de l’appréhender.
La population en âge de travailler (identifiée entre 15-65 ans) représente 46,2% de la population (5.288.000 personnes) en 2012. Le taux de chômage n’est pas connu avec certitude : les données de 2003, qui estiment à 22% la population économiquement active sont sans aucun doute une sous-estimation.
Par contre, il ressort de l’Enquête sur la Consommation et le Secteur Informel au Tchad (ECOSIT 3) que le chômage touche la population active (au sens du BIT)8 Le taux d’activité de la population en âge de travailler est estimé à 51%. Il est de 61,3% chez les hommes et 41,3% chez les femmes.
Le secteur primaire (agriculture, cueillette, chasse, sylviculture, pêche et élevage) occupe 75,4% des actifs. Cela s’explique par le fait que la majorité de la population active (soit 78%) réside en milieu rural et pratique l’agriculture de rente ou celle de subsistance en complément d’autres activités telles que l’élevage ou la pêche. Le petit commerce, l’artisanat et la transformation des produits agro-pastoraux et halieutiques constituent également des sources d’emploi non négligeable.
La pauvreté est significativement liée à la situation d’emploi et aux moyens de subsistance. Plus de la moitié (54,1%) des ménages dont le chef de famille est au chômage, contre 47,1% des ménages dont le chef est économiquement actif. Les ménages dont le chef est un salarié sont nettement moins pauvres (21%) que ceux dont le chef est un travailleur indépendant (48,5%) ou «assistant familial» ou apprenti (61%) (ECOSIT3).
Au problème de chômage ambiant se greffe celui du sous-emploi, c’est-à-dire la sous-utilisassions des capacités productives des individus occupés qui touche plus de 10,5% de la population active. Ce sous emploi concerne les personnes exerçant un emploi dont la durée du travail est inférieure à la norme.
Le sous emploi touche pratiquement autant d’hommes (9,9%) que de femmes (14,4%). Phénomène d’exode rural et conséquences : le manque de perspectives, pour les jeunes en particulier, poussent les bras valides à quitter le milieu rural pour les grands centres urbains occasionnant un déficit de main d’œuvre agricole et, partant, une aggravation de la pauvreté urbaine et des phénomène d’enfants des rues.
Le chômage et le sous-emploi exposent donc les groupes concernés en particulier les jeunes à la mésaventure. L’absence de perspective pour ces jeunes contribue également potentiellement aux activités illicites et criminelles voir même au ralliement de certains à des groupes extrémistes et violents.
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