Auteur : Ligue tchadienne des droits de l’homme(LTDH)
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2020
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Le Contexte
La pandémie du Covid-19 au Tchad est apparue officiellement le 19 mars 2020. Il s’agissait d’un citoyen marocain, résidant à N’Djaména, arrivé le 15 mars 2020 par le vol TCHADIA Airlines de retour d’un voyage à Douala (Cameroun). Le 23 mars, deux autres cas ont été signalés par les autorités sanitaires.
Il s’agit d’un citoyen français qui est proche du premier cas enregistré et d’un individu de nationalité indienne. Le 26 mars, le Tchad a enregistré deux autres cas de Covid-19. Il s’agit d’un individu de nationalité tchadienne de retour de Dubaï et d’un autre individu de nationalité camerounaise de retour de Bruxelles.
Le 30 mars, deux autres cas de Covid-19 sont signalés. Il s’agit d’un citoyen tchadien en provenance de Douala et d’un citoyen suisse en provenance de Bruxelles. Le 2 avril, le Tchad a enregistré un nouveau cas de Covid-19. Il s’agit d’un Tchadien en provenance de Dubaï via Abuja (Nigeria). Le 3 avril, un nouveau cas de Covid-19 est enregistré au Tchad. Il s’agit d’un citoyen français en provenance de Bruxelles via Paris. Le 6 avril, le Tchad enregistre son premier cas de contamination locale.
Il s’agit d’un Tchadien de 31 ans qui a été en contact avec un autre Tchadien diagnostiqué positif. Le 9 avril, les autorités sanitaires ont signalé un nouveau cas d’infection au virus détecté le 8 avril. Il s’agit d’un Tchadien de 59 ans arrivé le 25 mars à N’Djaména. L’homme est un religieux de retour du Pakistan, via le Cameroun, ayant atteint N’Djaména par la voie terrestre. L’homme a continué son voyage à Abéché où il est finalement mis en quarantaine le 4 avril.
Le 12 avril, le Tchad a enregistré 7 nouveaux cas de contamination au Covid-19. Sur les 7 cas enregistrés, 4 personnes sont les proches du 11e cas détecté à Abéché. 2 cas sont les contacts d’un patient rentré du Cameroun. Le dernier cas est un étudiant tchadien rentré du Cameroun (communiqué N°12 du Gouvernement, signé du Ministre de la santé).
Cadre juridique
Normes internationales applicables
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que la plupart des pays ont adopté, souligne que toute personne a droit au « meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ».
Les gouvernements sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour « prévenir, traiter et maîtriser les maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres ». Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, qui contrôle le respect du pacte par les États, a déclaré que : « Le droit à la santé est étroitement lié à d’autres droits de l’homme et dépend de leur réalisation : il s’agit des droits énoncés dans la Charte internationale des droits de l’homme, à savoir les droits à l’alimentation, au logement, au travail, à l’éducation, à la dignité humaine, à la vie, à la non-discrimination et à l’égalité, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit au respect de la vie privée, le droit d’accès à l’information et les droits à la liberté d’association, de réunion et de mouvement.
Ces droits et libertés, notamment, sont des composantes intrinsèques du droit à la santé. » Le droit à la santé prévoit que les installations, biens et services de santé doivent être : « a) La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant; b) L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle; c) La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies; d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie » article 12 DESC.
Les Principes de Syracuse, adoptés par le Conseil économique et social des Nations Unies en 1984, et les observations générales du Comité des droits de l’homme des Nations Unies sur les états d’urgence et la liberté de circulation donnent des orientations qui font autorité sur les réponses des gouvernement qui limitent les droits humains pour des raisons de santé publique ou d’urgence nationale.
Toute mesure prise pour protéger la population qui restreint les droits et libertés des personnes doit être prévue par la loi, nécessaire et proportionnée. Les états d’urgence doivent être limités dans le temps et toute restriction des droits doit tenir compte de l’impact disproportionné de cette dernière sur des populations spécifiques ou des groupes marginalisés.
Le 16 mars 2020, un groupe d’experts des droits humains des Nations Unies a déclaré que « les déclarations d’urgence basées sur l’épidémie de Covid-19 ne doivent pas servir de base pour cibler des groupes, des minorités ou des individus particuliers. Elles ne doivent pas servir de couverture à des actions répressives sous le couvert de la protection de la santé … ni être utilisées pour étouffer les dissidences ».
Instruments juridiques et politiques nationaux
Le droit à la santé est inscrit dans plusieurs textes et lois du pays. Comme étroitement lié à d’autres droits de l’homme, les instruments juridiques et politiques importants applicables sont la Constitution de la 4e République, l’ordonnance N°044/INT/SUR du 27 octobre 1962 relative à l’Etat d’urgence. v La politique Nationale de Santé La Politique Nationale de Santé s’inscrit dans la vision globale du Tchad à l’Horizon 2030 et le Plan National de Développement (PND).
Il est en rapport avec les Objectifs du Développement Durable. La vision de la Politique Nationale de Santé est que d’ici 2030, le système de santé du Tchad soit un système intégré, performant et résilient, centré sur la personne.
La vision du développement sanitaire du Tchad à l’horizon 2030 est soutenue par des valeurs et des principes directeurs. Les valeurs qui sous-tendent la politique nationale de santé sont les droits de l’homme en particulier les droits humains dont le droit à la santé, la solidarité nationale entre citoyens, l’équité dans l’accès aux soins, l’éthique dans les pratiques professionnelles, la prise en compte de l’approche genre, l’intégration et la continuité des activités de soins, la décentralisation du système, la justice sociale et la transparence (redevabilité)
Il sera accès en particulier sur les groupes vulnérables, pour permettre à tous un accès équitable aux soins globaux de qualité, dans le cadre de la couverture sanitaire universelle mise en œuvre par le Gouvernement avec l’appui des partenaires et l’adhésion des populations. Cette vision consacre l’adhésion du Gouvernement au processus de réforme du secteur de la santé et son engagement en faveur de la mobilisation des ressources au bénéfice de ce secteur.
La vision du développement sanitaire du Tchad à l’horizon 2030 est soutenue par des valeurs et des principes directeurs. Les valeurs qui sous-tendent la politique nationale de santé sont les droits de l’homme en particulier les droits humains dont le droit à la santé, la solidarité nationale entre citoyens, l’équité dans l’accès aux soins, l’éthique dans les pratiques professionnelles, la prise en compte de l’approche genre, l’intégration et la continuité des activités de soins, la décentralisation du système, la justice sociale et la transparence (redevabilité).
Les atteintes et violations des droits de l’homme
Après les décisions et mesures gouvernementales, les forces de l’ordre sont mobilisées sur le terrain pour assurer le respect de ces mesures. Dans la plus part de localités concernées par ce rapport, les autorités administratives et militaires ont été responsables de violation des droits civils et politiques, des droits économiques sociaux et culturels et des autres violations contre les populations civiles dans le cadre de l’application des mesures contre la propagation du Covid-19. VI.1 Droits civils et politiques
De la liberté d’expression et l’accès aux informations
Depuis l’apparition de la maladie du Covid-19 au Tchad, la population n’a pas pris au sérieux la pandémie car l’approche adoptée par le gouvernement pour informer la population n’était pas convenable.
Certains citoyens voulant s’exprimer sur la manière par laquelle la crise est gérée se sont vus menacés, intimidés et traqués devant les instances judiciaires. C’est le cas de Mr Yaya Djillo Djerou Betchi, représentant pays de la Commission de la CEMAC en République du Tchad, qui a déploré à travers une vidéo l’ingérence intempestive de la Fondation Grand Cœur dirigée par la Première Dame.
Il a été d’abord suspendu de son poste de Représentant pays par une décision du président de la commission de la CEMAC du 11 mai 2020 puis une plainte a été déposée contre lui par la première dame malgré qu’il bénéficie d’une immunité diplomatique. Certains médecins qui ont déploré l’absence des moyens de préventions adéquats (Sarh), la flambée de contamination des médecins et infirmiers à l’hôpital général de Référence Nationale de N’djaména se sont vus menacés et intimidés.
Pourtant la Constitution tchadienne garantit, en son article 28, les libertés d’opinion et d’expression, de communication, de conscience. Dans les provinces, les populations ne sont pas bien informées sur la maladie du fait du manque des moyens de communications décentralisés. Tout de même le ministère de la santé publie un rapport sur la situation épidémiologique journalière. Malheureusement, ces informations ne sont pas convaincantes du fait que le nombre de contaminations, de personnes mises en quarantaine, de personnes confinées, de personnes suspectes qui ne sont pas maîtrisées.
En plus, le rapport du ministère ne ventile pas le nombre de personnes guéries, décédées, mises en quarantaine par sexe.
Des arrestations et amendes arbitraires, détentions illégales et de l’arnaque des agents de sécurité
En application des mesures relatives au couvre-feu, au confinement des villes et au port obligatoire des masques, les arrestations arbitraires et détentions illégales ont été enregistrées. Dans certaines provinces, les paysans ont été empêchés d’aller au champ et ont été arbitrairement arrêtés et détenus. Or l’article 22 de la Constitution stipule que « les arrestations et détentions illégales et arbitraires sont interdites ».
D’autres 19 ont été arrêtés avant l’heure légale d’entrée en vigueur du couvre-feu dans leur domicile en violation de l’article 45 de la Constitution qui stipule : « la propriété privée est inviolable et sacrée ».
De la torture, traitements cruels, inhumains et dégradants
Dans la plupart des cas, les personnes arrêtées ont subis des sévices corporels et des traitements dégradants (coup des matraques, humiliations, punitions, torture). Pourtant les articles 17 et 18 de la Constitution garantissent respectivement, d’une part, le caractère sacré de la personne humaine et, d’autre part, l’interdiction de la torture, des sévices ou traitements dégradants et humiliants.
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.