Auteur : Ligue Tchadienne Des Droits De L’homme(LTDH)
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2018
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Introduction
L’année 2018 a été marquée sur le plan social par une série de grèves des fonctionnaires qui a paralysé l’administration publique. La première séquence, débutée en fin janvier 2018, a abouti à l’accord du 14 mars 2018 qui promet le reversement des indemnités et salaires amputés par échelonnement, le moratoire auprès des banques pour la suspension du remboursement des crédits durant 04 mois.
La deuxième, déclenchée en juin 2018 suite à l’annonce de report du moratoire par le Chef de l’Etat, a duré cinq mois avant de déboucher sur l’accord du 26 octobre 2018 qui promet le reversement par échelonnement de 15%.
En ce qui concerne l’accord du 26 octobre 2018, entre le Gouvernement et les syndicats, selon le porte-parole de la plateforme syndicale, le reversement par échelonnement de 15%, l’annulation du Décret n° 687 portant réduction des indemnités et avantages des fonctionnaires de 50%, du projet de loi n° 032 restreignant le droit de grève, la levée de gèle des avancements et reclassements et le toilettage du fichier du personnel et l’association de la plateforme syndicale à l’audit de diplômes.
Malheureusement, cette situation est venue accentuer les conditions déjà précaires des populations. Ecoles, hôpitaux, justice, tous ont cessé de fonctionner, compromettant ainsi dangereusement les droits sociaux et économiques des citoyens prévus dans les différents instruments juridiques nationaux et internationaux.
Les manifestations et marches pacifiques ont été systématiquement interdites, voire violemment réprimées. Les libertés fondamentales ont été mises à rude épreuve durant toute l’année 2018.
Sur le plan politique, les séquelles de l’élection présidentielle d’avril 2016 et les contestations qui en ont suivi, ont conduit à une crise institutionnelle qui a obligé le pouvoir en place dont la légitimité est contestée, à organiser un forum dit « inclusif » ayant abouti à l’adoption d’une nouvelle constitution et la naissance de la IVème République par l’Assemblée Nationale, dont la légitimité est également contestée.
Les manifestations et marches pacifiques ont été systématiquement interdites, voire violemment réprimées. Les libertés fondamentales ont été mises à rude épreuve durant toute l’année 2018
La nouvelle constitution a concentré tous les pouvoirs entre les mains du Président de la République qui a reçu mandat de l’Assemblée nationale de légiférer par ordonnance dont plusieurs réputées liberticides font l’objet de contestations. Sur les plans sécuritaire et judiciaire, en dépit de tous les efforts fournis par le gouvernement pour contrecarrer les actions de la secte Boko Haram, le phénomène est loin d’être maitrisé et la capacité de nuisance de ce groupe est encore présente.
Plusieurs sessions criminelles ont été ouvertes sur l’étendue du territoire national. Ces sessions ont permis aux différentes Cours de se prononcer sur les dossiers phares tels que l’assassinat des prisonniers en transfèrement à Korotoro dans la nuit du 11 au 12 avril 2017 sur l’axe N’Djaména/ Massaguet, l’assassinat de la femme d’affaires chinoise survenu le 14 juin 2018 à N’Djaména. En plus, l’année 2018 a aussi été marquée par des violences sur le personnel judiciaire. Un avocat et deux procureurs ont été violentés.
Ces incidents a conduit tous les professionnels de la justice à déclencher une grève qui a paralysé la justice pendant un mois. 3 On note par ailleurs que dans le cadre de l’application de l’ordonnance n°019/PR.2018, portant amnistie des atteintes à l’intégrité de l’Etat, plusieurs personnes ont été mises en liberté durant l’année 2018.
La LTDH a répertorié durant la période en revue 28 cas d’assassinats dont, 11 ont commis par des hommes en treillis ou détenant des armes à feu, soit un taux de 39,2 %. 17 cas d’assassinat ont été commis par armes blanches. On note également des cas d’infanticide soit un taux de 60,8%
Sur le plan législatif, au sortir du forum national inclusif (FNI), mandat a été donné au Président de la République de légiférer par Ordonnances afin de mettre en œuvre les résolutions issues dudit Forum.
C’est dans ce cadre que plusieurs ordonnances ont été prises par le Chef de l’Etat, parmi lesquelles les très controversées ordonnances : • N°016/PR/2018 du 31 mai 2018, portant attributions, organisation et fonctionnement de la HAMA qui a remplacé le HCC ; • N°023/PR/2018 du 27 juin 2018, portant régime des associations au Tchad ; • N° 20/PR/2018 du 07 Juin 2018, portant Charte des Partis politiques ; • Le décret N°1918/PR/MEPD/2018 portant statut des organisations non gouvernementales en République du Tchad ; et • Le décret N°1918/PR/MEPD/2018 portant institution d’un protocole d’accord standard d’établissement des organisations non gouvernementales, en décembre 2018.
Ces cinq textes ont suscité la réaction des ADH , des médias et de la classe politique qui ont dénoncé, le caractère liberticide de ceux – ci à travers les analyses , points et communiqués de presse. La réforme du cadre juridique et institutionnel des organisations de la société civile et des partis politiques n’a jamais été abordée ni inscrite dans l’agenda du Forum National Inclusif. Elle résulte d’une initiative unilatérale.
La LTDH a répertorié durant la période en revue 28 cas d’assassinats dont, 11 ont commis par des hommes en treillis ou détenant des armes à feu, soit un taux de 39,2 %. 17 cas d’assassinat ont été commis par armes blanches. On note également des cas d’infanticide soit un taux de 60,8%.
Enlèvements et Séquestrations : Depuis 2016, une crise politique postélectorale, sans précédent s’est installée au Tchad, et s’est traduite par une très grande restriction, voire l’étouffement des libertés publiques, des enlèvements à répétition des leaders d’opinion, dans les rues et à domiciles. Si on doit convenir que dans tous les pays du monde, il est normal que l’Etat dispose de services de renseignements pour des raisons de sécurité, l’Agence Nationale de sécurité (ANS) semble être en déphasage avec cette noble mission.
Ce service rattaché à la Présidence de la République comme la DDS par le passé, s’érige en une justice parallèle, traque et réprime des tchadiens qui dénoncent les injustices du régime au mépris total des institutions compétentes et des lois de la République. Des atteintes aux libertés de la presse : des entraves à la liberté d’opinion, d’expression et à la liberté de la presse garantie par l’article 28 de la constitution sont devenues une pratique courante. Aucune démocratie au monde ne peut fonctionner sans une presse libre et indépendante.
En effet, au Tchad, les journalistes sont souvent victimes de séquestrations par les forces de sécurité, utilisées à outrance par des personnes influentes du pays, pour peu que les journalistes s’expriment sur des sujets qui fâchent. Cette confiscation de la liberté de la presse au Tchad prend une tournure où l’Agence Nationale de Sécurité (ANS) et la police s’illustrent dans des arrestations arbitraires, des enlèvements des séquestrations et tortures sur les journalistes et autres activistes.
Très souvent, cette persécution s’accompagne par la confiscation du matériel de travail des journalistes. Par ailleurs, les radios privées sont très souvent menacées de fermeture et mise en demeure par des personnes et institutions non 5 habilitées. Il s’agit de FM liberté, Radio Nada de Moundou et Radio Terre Nouvelle de Bongor etc.
Certains responsables des médias sont interpellés et détenus pendant des heures par les forces de sécurité. Les reporters nationaux et internationaux qui font circuler des informations critiquant le régime en place, sont systématiquement pris pour ennemis et traités comme tels.
Les forces de défense et de sécurité font preuve envers les journalistes d’une brutalité, d’abus de pouvoir et de tortures pour leur opinion. Imbus des valeurs traditionnelles qui exigent aux sujets les louanges obligatoires aux rois, les « princes » du Tchad préfèrent plutôt des thuriféraires aux dénonciateurs qui contribuent de manière non négligeable à l’ancrage de la démocratie dans le pays.
Ce qui contraint les journalistes à l’épreuve de l’autocensure, à devenir de véritables acrobates de plume et de la parole, pesant le moindre mot pour éviter de se voir traduire en justice et être emprisonnés. Certains jouent au chat et à la souris avec les agents des renseignements pour protéger leur tête. Au Tchad, être journaliste digne de ce nom, c’est épouser la diète, c’est faire preuve d’héroïsme pour résister à la ligne du pouvoir. Comme si opter pour le métier de journaliste, c’est opter pour un destin fatal.
L’insécurité et les conflits intercommunautaires sont très répandus et prennent une ampleur inquiétante. Le devoir régalien de l’Etat, c’est de veiller à la sécurité des biens et des personnes. Or les autorités administratives sont parfois indexées comme auteurs ou complices de ces conflits.
Des enlèvements et arrestations arbitraires, avec une prééminence de l’ANS et d’autres responsables des forces de sécurité dans la répression comme au temps de la DDS se multiplient.
Les difficultés de cohabitation entre les différentes communautés ont des conséquences très négatives sur l’unité nationale. A chaque fois que les forces de l’ordre et de sécurité interviennent dans les conflits intercommunautaires, elles font des victimes par balles réelles. Cette situation se développe dans un contexte où le pays doit chercher non seulement à juguler une crise sociale grave, mais opérer aussi des réformes institutionnelles en profondeur sur « le bon vivre ensemble ».
Très souvent, ou systématiquement, les autorités administratives et militaires sont parties prenantes et partiales dans le règlement de conflits qu’elles alimentent elles-mêmes, mettant à mal la cohésion nationale.
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