Auteur : Antoine Doudjidingao
Organisation affiliée : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)
Date de publication : 2017
Type de publication : Rapport
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Pétrole et cadrage de politique économique au Tchad
L’économie tchadienne a été portée essentiellement, avant l’exploitation du pétrole, par le secteur primaire lui-même dominé par l’élevage et l’agriculture (coton, céréales, sésame, gomme arabique) et dont l’évolution suit trois périodes. Sur la période allant de 1960 à 1979 le secteur représentait 40% le PIB. Dans les années 80 ce poids s’est établi à une moyenne de 35,3% avant de connaitre une légère hausse entre 1991 et 2000 avec 38,2% du PIB.
La tendance haussière s’est poursuivie sous l’ère pétrolière avec 55,75% du PIB entre 2001 et 2009. On notera qu’au début de l’exploitation du pétrole, l’agriculture a contribué à hauteur de 42% à la croissance du secteur primaire en 2003 contre 19% de contribution du secteur pétrolier.
La construction des infrastructures pétrolières en début 2000 et l’entrée des premiers revenus pétroliers dans le budget de l’Etat en 2003-2004 ont changé la donne. Le pétrole est devenu ainsi la locomotive principale de l’économie tchadienne dont elle représentait une moyenne de 70% des recettes budgétaires entre 2004 et 2014 et 80% des exportations en produits de base.
Après l’ouverture des premières vannes en 2003, le pétrole a pris une place de plus en plus importante dans la politique gouvernementale de développement et en particulier, dans la lutte contre la pauvreté. Le budget de l’Etat qui était de 484,247 milliards de FCFA en 2003 a atteint rapidement 1 857,741 milliards de FCFA en 2014 avant de dégringoler jusqu’à 1 506,744 milliards en 2015.
Les impôts et taxes liés au projet pétrole représentent 75,16% des recettes pétrolières globales perçues sur la période 2003-2015
Après l’ouverture officielle de la première vanne le 10 octobre 2003, le pétrole a généré des ressources estimées à plus de 8 000 milliards de FCFA au trésor public tchadien. Ces dernières sont constituées de 6 000 milliards d’impôts et de diverses taxes (revenus indirects) et 2 000 milliards de revenus directs (royalties et dividendes). Les recettes pétrolières représentent ainsi 70% en moyenne des recettes budgétaires sur la période.
Il ressort que les redevances pétrolières (2003-2015) avoisinaient 2 071 milliards de FCFA tandis que les dividendes issus de la participation du Tchad dans les deux sociétés de transport (TOTCO et COTCO) et au capital de la SRN à travers la SHT sont estimées à 45,5 milliards de FCFA. De même, l’impôt sur les sociétés pétrolières et autres taxes perçues directement par le Trésor public se montent à 5 601 milliards de FCFA. Les autres paiements significatifs effectués au profit du Trésor public se chiffrent à 333 milliards de FCFA. En gros, les impôts et taxes liés au projet pétrole représentent 75,16% des recettes pétrolières globales perçues sur la période 2003-2015.
Le pétrole et l’évolution socio-économique du Tchad
Le pétrole a contribué à l’amélioration significative des indicateurs macroéconomiques bien que l’impact réel de ces indicateurs sur le niveau de vie des populations reste ambigu.
En effet, ayant accédé à l’indépendance en 1960, le Tchad a connu plusieurs conflits sociopolitiques et militaires qui ont empêché son décollage économique. Le lancement du projet pétrolier de Doba (Logone Oriental) en 2000 avec l’entrée des premiers revenus dans le budget de l’Etat en 2004, a offert une réelle chance de développement au Tchad.
Alors qu’elle était de 2,7% en moyenne annuelle au cours de la période 1990-2000, le taux de croissance de l’économie tchadienne s’est amélioré à partir de 1991 en s’établissant à 8,5%. La croissance économique a connu une reprise qui a atteindra un 33,7% en 2004, niveau le plus élevé, depuis des années et, ceci grâce à l’éclosion des contrats de sous-traitance liés à l’exploitation du pétrole.
Le PIB par tête est passé de 645,93 en 2006 à 788,19 en 2014
Malgré l’importance des efforts accomplis par le gouvernement pour répondre à cette augmentation exponentielle de la demande sociale, l’évolution des indicateurs sociaux ne suit pas. Pourtant, la production nationale a connu une bonne progression dans le temps. Le PIB courant est passé de 1 004 milliards de CFA en 2000 à 4 239 milliards en 2011 (en moyenne annuelle de 15%). Le PIB par tête est passé de 645,93 en 2006 à 788,19 en 2014, tandis que le PIB réel hors pétrole s’est accru de 6,8% et le taux d’inflation de 2,6%, avec une pression fiscale de 7,5% en 2015.
Pendant ce temps, l’indice des prix à la consommation (IPC) a suivi une courbe croissante durant toute la période 1990-2015. En ce qui concerne la croissance annuelle du PIB par habitant, on observe que, mis à part les périodes d’investissement pétroliers massifs liés à la construction des infrastructures pétrolières et de l’injection des premiers revenus dans le budget de l’État (2001-2005), la tendance n’est pas favorable.
De même, la balance commerciale est restée déficitaire durant toute la période 1990-2004. Elle n’a pris des valeurs positives qu’en 2005, 2007 et 2008. Cette tendance montre la faiblesse de l’économie nationale et sa vulnérabilité face aux chocs extérieurs. Compte tenu de l’insuffisance de l’offre locale, l’essentiel des biens et services est importé, ce qui cause comme le démontre la courbe, une hausse des importations.
Durant la période sous exploitation pétrolière, le ratio investissement/PIB a légèrement augmenté à 19,5% du PIB en 2009 soit 5,7% pour le secteur public et 13,8% pour le secteur privé, dont 8,4% pour le secteur pétrolier. Cette évolution est liée à l’augmentation des investissements dans le secteur pétrolier dont plus de 90% sont des investissements directs étrangers (IDE). La nouvelle situation économique a favorisé l’éclosion du secteur privé et de l’entreprenariat au Tchad. Aussi, l’embellie économique enregistrée a induit l’augmentation de la capacité financière des banques (le total du bilan des banques est passé de 355 milliards de FCFA en 2007 à 497,9 milliards en 2010).
On dénombre 85% de chômeurs dont la majorité est constituée des jeunes
Entre temps, la croissance de la demande reste croissante tandis que l’offre d’emplois et surtout d’emplois des jeunes, en dehors du secteur pétrolier est restée relativement faible. En effet, pour une population active totale de 46,2% soit, 5 288 000 personnes en 2012 on dénombre 85% de chômeurs dont la majorité est constituée des jeunes. La population active salariée est estimée à seulement 5%. Parmi les personnes faisant partie de la population en activité, plus de 54% sont des jeunes âgés de 15-30 dont 80% sont des jeunes hommes vivant dans les zones urbaines.
On notera par ailleurs que les entreprises situées à N’Djaména emploient plus de personnes (44 318 individus) que celles installées dans les autres villes du pays (30 621 individus) soit 3 personnes et 2 personnes en moyenne par entreprises situées à N’Djaména et en province, respectivement. Les plus grands pourvoyeurs d’emplois sont les entreprises extractives (72,5 personnes par unité économique), les entreprises de la branche de construction (38,8 personnes par unité économique) celles exerçant dans le secteur financier (banques et compagnies d’assurances) 13,9 personnes par unité ainsi que l’enseignement (11 personnes par unité).
Ces entreprises font face à autant de contraintes que d’opportunités. Selon les données disponibles, le projet pétrole à lui seul a généré environ 5 000 emplois avec un versement total de 120 millions de dollars de revenus aux travailleurs locaux. Les achats locaux et les investissements privés 120 millions de dollars ont également généré des emplois supplémentaires indirects en plus de la raffinerie de Djarmaya.
Malgré ce progrès, le besoin en nouveaux emplois à créer a été estimé à 1,7 millions pour la période 2010-202026 . Dans les zones urbaines, plus de 70% d’emplois sont pourvus par les PMI/PME opérant du secteur informel. Toutefois, on notera que le pétrole a offert des perspectives de décollage pour l’économie tchadienne malgré les contraintes externes.
Pour beaucoup de Tchadiens, il a été perçu comme une opportunité de développement, a permis de doubler le revenu national entre 2003 et 2011 avec toutefois, des impacts locaux limités. Le projet a généré environ 5 000 emplois avec un versement total de 120 millions de dollars de revenus aux travailleurs locaux. Les achats locaux et les investissements privés n’ont représenté que 120 millions de dollars.
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