Auteur : Groupe de la Banque mondiale
Date de publication : 2020
Type de publication : Rapport
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Situation de l’économie
Jusqu’en février 2020, l’économie tchadienne poursuivait sa reprise progressive, bien que modeste, soutenue par une augmentation significative de la production pétrolière et agricole. À la suite de la récession sévère de 2016-2017, la croissance s’est redressée à 2,4 % en 2018 et 3,2 % en 2019. Cette reprise a principalement été attribuée à l’accroissement de la production pétrolière et agricole (en particulier le coton en raison de la privatisation de CotonTchad ou Société cotonnière du Tchad société nouvelle). La croissance du Produit intérieur brut (PIB) non pétrolier est également passée de -0,9 % en 2017 à 2,2 % en 2019 avec la reprise du secteur des services.
Des programmes réussis d’assainissement des finances publiques ont contribué à l’amélioration de l’équilibre budgétaire et à la soutenabilité de la dette. Suite au choc pétrolier de 2014, la baisse des recettes pétrolières et des dépenses publiques a motivé la mise en place d’un programme d’assainissement budgétaire. Les autorités ont contenu la masse salariale et intensifié leurs efforts de mobilisation des recettes non pétrolières.
Le déficit budgétaire global a ainsi diminué de -5,8 % du PIB non pétrolier en 2015 à -0,8 % en 2019. L’État a également restructuré sa dette à l’égard de Glencore, ce qui a permis le rétablissement de la liquidité et la soutenabilité de la dette. La dette publique a diminué, passant du niveau record de 54,8 % du PIB atteint en 2016 à 44,3 % en 2019, même si le risque de surendettement reste élevé.
L’inflation est demeurée volatile, avec un durcissement de la politique monétaire. Le resserrement de la politique monétaire régionale, entrepris depuis 2018 pour soutenir l’accumulation de réserves régionales, a permis de contenir les pressions inflationnistes. Malgré le rétrécissement progressif du déficit de production, l’inflation enregistrait qu’une baisse de 1 % en 2019, reflétant les prix modérés des transports et de l’alimentation.
En dépit d’une légère amélioration de sa position de liquidité, le secteur bancaire présente encore d’importantes vulnérabilités en raison du volume élevé des prêts non performants. Le taux d’intérêt directeur s’est maintenu à 3,50 %, permettant aux réserves régionales officielles d’atteindre 3,3 mois d’importations en 2019.
Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a radicalement changé les perspectives macroéconomiques du Tchad, comme dans le reste du monde. Même si le nombre de cas de la COVID-19 était encore faible à la fin avril 2020, les effets néfastes de la pandémie ne concernent pas tant la contagion directe que la récession économique mondiale et l’effondrement des prix internationaux du pétrole qu’elle a déclenché.
Le secteur pétrolier du Tchad, qui représente 90 % des exportations et 40 % des recettes publiques, a été sévèrement touché. La baisse de la demande des exportations, la réduction des apports des IDE, la fermeture des frontières, et les mesures de distanciation sociale risquent de replonger le Tchad dans une récession en 2020, avec une contraction de l’économie projetée à 0,2 % (par rapport au taux de croissance de 4,8 % prévu avant la COVID-19).
Le déficit du compte courant se creusera, les recettes budgétaires et les dépenses publiques diminueront, alors que l’accumulation accrue des arriérés devrait se poursuivre. Si l’impact de la crise de la COVID-19 s’atténuait dans les mois à venir, un rebond de la croissance est prévu à hauteur de 4,7 % en 2021 avec l’accélération de la production dans les nouveaux champs pétrolifères, le rétablissement des prix du pétrole et si les mesures de fin de confinement étaient assouplies.
Les conflits régionaux peuvent mettre le budget de l’État à rude épreuve avec l’arrivée de nouveaux réfugiés des pays voisins
Les perspectives économiques du Tchad ont non seulement été assombries, mais elles présentent encore des risques importants de ralentissement. Tout d’abord, les conflits régionaux peuvent mettre le budget de l’État à rude épreuve avec l’arrivée de nouveaux réfugiés des pays voisins. Ensuite, les élections législatives et présidentielles provisoirement prévues au quatrième trimestre de 2020 et au deuxième trimestre de 2021 pourraient peser sur les finances publiques.
Enfin, la persistance de l’épidémie de COVID-19 et la chute des prix du pétrole pourraient provoquer une grave récession à moyen terme et creuser les déficits budgétaires et ceux du compte courant. Cela pourrait également entraîner une accumulation des arriérés intérieurs et accroître la vulnérabilité du secteur financier. La fermeture prolongée des frontières pourrait diminuer l’approvisionnement en biens essentiels et entraîner une hausse des prix, qui pourrait impacter les populations les plus pauvres et plus vulnérables.
Le Tchad pourrait atténuer ces risques en renforçant le secteur de la santé afin d’éviter une nouvelle vague de la COVID-19 et en améliorant la mobilisation des recettes non pétrolières. À moyen terme, le Gouvernement devrait mettre en œuvre des politiques favorables aux affaires afin d’encourager la diversification économique et une croissance durable.
Situation de la pauvreté
Bien que le taux de pauvreté a diminué au cours des quinze dernières années, il reste néanmoins élevé dans le pays. Environ 6,5 millions de Tchadiens (42 % de la population) vivent en dessous du seuil national de pauvreté. Les ménages pauvres ont davantage d’enfants, peu d’instruction, et travaillent dans le secteur agricole avec des conditions de production défavorables. Malgré une amélioration de la situation non monétaire des Tchadiens, les conditions de vie des pauvres continuent à se détériorer et sont exacerbées par un faible accès aux services de base tels que l’eau potable, l’assainissement et l’électricité, ainsi qu’un accès limité aux actifs.
Il existe une forte disparité dans la distribution de la pauvreté selon les régions, le nord étant moins confronté à la pauvreté que les autres régions, à l’exception de la capitale
En plus de la pauvreté, les Tchadiens souffrent de fortes inégalités dans la répartition du bien-être : les 20 % les plus riches représentent plus de 40 % de la consommation totale contre 8 % pour les 20 % les plus pauvres. Les politiques de lutte contre la pauvreté à mettre en œuvre devraient prévoir des investissements dans les services de base.
Elles devraient également cibler le secteur informel qui emploie la majeure partie des citadins pauvres, et s’attaquer aux différentes contraintes qui entravent la croissance des revenus ruraux, telles que le manque d’infrastructures, le faible capital humain, l’absence de services complémentaires, les disparités entre les sexes, les chocs et la fragilité.
À court terme, il est urgent de soutenir la population la plus pauvre et vulnérable qui pourrait être touchée de manière disproportionnée par la crise de la COVID-19, en particulier les personnes fortement tributaires des envois de fonds intérieurs. Afin d’atténuer les effets de cette crise, le Gouvernement est encouragé à renforcer la qualité et l’accès des services de santé, en particulier de la population pauvre.
Il est également recommandé de prévoir des systèmes de filets sociaux ciblant les plus pauvres et les personnes vulnérables pour atténuer l’impact des pertes de revenus d’emplois et d’autres sources de revenus et celui d’une potentielle inflation des prix des biens essentiels qui découlent des perturbations sur les marchés.
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