Auteur : Banque mondiale
Date de publication : 2019
Type de publication : Rapport
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Ressources en eau et développement
Potentialités et utilisation
Le Tchad dispose globalement de ressources en eau renouvelables considérables par rapport à ses besoins. Cependant, ces ressources ne sont pas réparties sur tout le territoire et sont hautement variables et fragiles.Les eaux de surface comprennent le bassin du Chari et du Logone, seuls fleuves pérennes, alimentant le Lac Tchad, les bassins du Mayo-Kebbi (faisant partie du bassin du Niger), du Salamat et du Batha.
Ces hydrosystèmes alimentent temporairement des plaines d’inondation, dues aux crues et au faible relief dans la partie méridionale du pays, dont la superficie actuelle, autrefois estimée à 95 000 km2 , est mal connue, faute de données hydrologiques récentes. À ces grands ensembles, il faut ajouter des bassins à écoulement temporaire et des masses d’eau plus réduites, parfois assez nombreuses et localement importantes pour les populations : les ouaddis du Kanem et de l’Ouaddaï, les mares naturelles et artificielles, quelques retenues artificielles, et les oasis et les lacs de l’Ennedi, du Borkou et du Tibesti.
Les ressources en eau souterraines sont abondantes et présentes sur pratiquement tout le territoire, mais leur renouvellement et leur exploitabilité est très variable. Les trois quarts de la superficie du pays sont constitués de formations sédimentaires, sièges d’aquifères continus sous forme de nappes libres ou profondes, répartis dans les trois zones géo-climatiques, mais principalement rencontrés au nord, à l’ouest et au sud du Tchad.
Le reste du pays est constitué de formations de socle cristallin, qui peuvent être le siège d’aquifères discontinus dans les altérations. Bien que des réserves d’eau considérables existent dans les aquifères continus de la zone saharienne, ces derniers sont des nappes fossiles et susceptibles uniquement d’une exploitation « minière ». Les ressources renouvelables se trouvent en majorité en zone soudanienne. Les eaux souterraines sont généralement peu minéralisées, avec quelques exceptions : teneurs excessives de sulfates, chlorures et magnésium provenant de couches d’évaporites dans certaines nappes de la zone sahélienne, et eaux ferrugineuses dans certaines nappes de la zone soudanienne.
L’agriculture est de loin le plus gros utilisateur des ressources en eau
L’information quantitative détaillée sur les ressources en eau, leur suivi et leur utilisation demeure limitée, ce qui constitue une entrave majeure à leur gestion intégrée. Des efforts notables sont accomplis avec le programme ResEau appuyé par la Coopération Suisse pour la cartographie et le développement de base de données. Cependant, la dernière revue exhaustive des ressources en eau et de leur mobilisation remonte aux analyses effectuées dans le cadre de la préparation du Schéma Directeur de l’Eau et de l’Assainissement (SDEA) 2003-2020.
Selon les données du SDEA, l’agriculture est de loin le plus gros utilisateur des ressources en eau. L’hydraulique rurale et l’hydraulique urbaine sont alimentées quasi-totalement par les eaux souterraines. Les prélèvements totaux d’eau de surface ou souterraines représentent une fraction minime du volume annuel de ressources renouvelables. Bien que ces données soient anciennes (2000), elles donnent un ordre de grandeur de la situation actuelle.
Changement climatique et vulnérabilité des ressources en eau
L’impact du changement climatique sur le Tchad est manifeste. Le diagnostic systématique du pays(DSP) par la Banque mondiale note que depuis 1975 le pays est devenu plus sec et plus chaud, avec une augmentation sans précédent de 0,8° des températures moyennes, plus du double du rythme du réchauffement à l’échelle mondiale. L’asséchement constaté dans la partie orientale du Tchad est associé au réchauffement de l’Océan Indien − contrairement aux autres pays du Sahel qui sont davantage sous l’influence du réchauffement de l’Atlantique Nord, plus propice à l’accroissement des pluies −, et le pays est susceptible de connaître un déclin persistant de la pluviométrie. De plus, l’irrégularité des pluies en cours d’année est de plus en plus prononcée dans l’ensemble du pays, rendant les décisions de culture plus problématiques.
Les épisodes climatiques extrêmes tels que les sécheresses constatées en 2009 et 2010 et les inondations de 2012 sont plus fréquents et plus sévères. Le changement climatique a également un impact sensible sur les modalités de la transhumance du bétail, qui doit être conduite plus au Sud et plus tôt dans l’année pour trouver des pâturages et de l’eau, pouvant entraîner des tensions entre pasteurs nomades et agriculteurs sédentaires.
Il ne fait pas de doute que le changement climatique aura à terme un impact important sur les ressources en eau, qui a été observé depuis longtemps pour les eaux de surface du Lac Tchad. Un autre effet anthropique majeur provient de l’urbanisation, notamment de l’absence d’assainissement adéquat, qui a un impact notable sur la qualité de l’eau. Une campagne de prélèvements dans les quartiers périphériques de N’Djamena a ainsi constaté que l’eau de plus de la moitié des puits et forages privés ne répond pas aux normes de conformité bactériologique de l’OMS et n’est donc pas potable. Compte tenu de la situation actuelle de l’assainissement urbain, ce constat est extrapolable aux ouvrages situés dans les zones urbaines similaires (densité d’habitat et sols permettant l’infiltration).
Situation de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement
La desserte en eau potable des populations par des ouvrages publics a enregistré des progrès sensibles depuis 2000, grâce à l’impulsion donnée par le SDEA, qui avait dynamisé l’appui des partenaires financiers. Ces progrès ont été davantage marqués dans le milieu rural, alors qu’ils ont été ralentis dans le milieu urbain par la faiblesse des entités chargées de la distribution d’eau. Cependant, le Tchad n’a pas été en mesure d’atteindre en 2015 les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et les systèmes de suivi et d’évaluation de l’accès demeurent très perfectibles.
L’assainissement n’a pas reçu le même soutien financier et les progrès en termes d’accès à un assainissement amélioré se situaient en 2015 nettement au-dessous des OMD. Le développement de ce sous-secteur reste embryonnaire et limité à l’assainissement autonome, qui consiste pour une large partie en latrines familiales non améliorées ou partagées. La défécation à l’air libre (DAL) demeure la règle dans le milieu rural.
Accès à l’eau potable
La source primordiale de données sur l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène (Water, Sanitation and Hygiene, WASH) retenue dans ce rapport est le Programme conjoint de suivi (Joint Monitoring Program, JMP) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), qui s’appuie sur une méthodologie reconnue et permet d’évaluer et de comparer les progrès réalisés à l’échelle mondiale, dans le temps et entre les différents pays.
Le taux d’accès à un service d’eau élémentaire a stagné en pourcentage (autour de 40%) et reste en 2017
Le taux d’accès à un service d’eau élémentaire a stagné en pourcentage (autour de 40%) et reste, en 2017, nettement au-dessous de l’objectif 2015 qui était fixé à 60,5%. En tenant compte de la définition élargie de l’accès à des services de base ou améliorés, l’indicateur ODD a progressé de cinq points sur la même période. Les progrès en valeur absolue sont beaucoup plus sensibles car la population ayant un accès à une source améliorée est passée de 4,2 millions en 2000 à 8,3 millions en 2017. Cela démontre l’impact de la forte croissance démographique sur l’évolution du taux d’accès et l’enjeu pour le développement des services dans un pays où la natalité reste très élevée (5,8 enfants par femme en 2017).
Assainissement
Le développement de l’assainissement au Tchad est embryonnaire. Selon le JMP, seule une minorité de la population (15,3%) a accès à un assainissement de base (amélioré ou non, selon que la toilette ou latrine est privative [8,3%] ou partagée [7,0%]). Avec une prévalence de la défécation à l’air libre (DAL) de 67,0%, qui concerne 9,9 millions de personnes en 2017, le Tchad est parmi les pays où cette pratique reste la plus élevée au monde, en particulier pour le milieu rural (82,0%). Les installations d’assainissement autonome, lorsqu’elles existent, répondent rarement aux critères de l’assainissement amélioré et l’évacuation des boues de vidange s’effectue dans le milieu naturel, de même que celle des eaux usées (domestiques et industrielles).
Il n’existe aucun réseau collectif d’assainissement, et les latrines publiques sont rares. Le progrès du taux d’accès à un assainissement amélioré en milieu urbain entre 2000 et 2017 (de 25,5% à 30,1%), mais une régression sévère dans le milieu rural (de 7,7% à 1,9%), la population concernée diminuant de plus de 500 000 à moins de 220 000. Dans la même période, la DAL a faiblement décru de 85,3% à 82,0% en milieu rural (de 70,8% à 67,0% au niveau national), mais en valeur absolue elle a singulièrement progressé, la population rurale pratiquant la DAL passant de 5,58 millions à 9,42 millions de personnes.
La détérioration des installations préexistantes conduisant à leur abandon progressif n’est vraisemblablement qu’une explication mineure de cette situation, principalement liée à la croissance de la population et l’absence durant cette période de priorisation et d’incitations à investir dans l’assainissement. Le JMP note encore les retards en matière d’hygiène. Seulement 6% de la population (moins de 1 million de personnes) possède un dispositif élémentaire de lavage des mains avec de l’eau et du savon.
Dans un rapport plus récent, il indique aussi que 78% des établissements scolaires primaires n’ont aucune installation d’assainissement, ni d’accès amélioré à l’eau. Il manque encore de données consolidées sur l’ensemble des établissements scolaires. Toutes les études s’accordent également sur une situation alarmante dans l’équipement en installations sanitaires des centres de santé.
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
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Merci pour cet article très pertinent. Dans le cadre du projet ResEau, nous travaillons actuellement à l’amélioration sur les ressources en eau et une couverture nationale en cartographie hydrogéologique. Le projet développe de nombreux outils et produits de qualité, mais le défi principal reste celui de leur utilisation. La troisième phase du projet, qui commencera bientôt, considère donc ce point comme prioritaire. Le Centre de Documentation et d’information Géographique, dont la création a été impulsée par le projet, sera renforcé à cet effet dans le but d’en faire une interface avec les utilisateurs. Le Master HydroSIG est également appuyé pour la formation en Hydrogéologie et SIG”