Auteur : Mahamat-Ahmad ALHABO
Organisation affiliée : Fondation Jean Jaurés
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2016
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- I) LES PARTIS POLITIQUES
1.1) La marche vers le multipartisme
La fin de la deuxième guerre mondiale entama une amorce d’un mouvement de réforme du régime colonial instauré au Tchad depuis avril 1900. Pour compter de mars et avril 1946, la loi de 1901 sur la création des associations a été rendue applicable au Tchad et a permis plus tard la création des partis politiques.
Les premiers partis politiques furent crées fin 1946 et début 1947. Les plus importants d’entre eux étaient : le PPT – RDA et l’UDT.
D’autres nouveaux partis furent créés. Mais beaucoup de ces partis étaient les appendices des partis politiques de la métropole: SFIO, UDSR, RPF, PCF etc.. Le Président de la jeune république tchadienne montra très rapidement des tendances dictatoriales : il déclara persona non grata, expulsa et embastilla tous ceux qui seraient des adversaires, des rivaux, ou des prétendus comploteurs. A bout d’arguments, en janvier 1962, Tombalbaye dissout tous les autres partis politiques autres que le sien et instaure le Parti unique.
C’est par les ordonnances n°45 et 46 et les décrets n°193 et 207 de 1962 que le pouvoir liberticide de l’époque dissout les partis et assure le maintien de l’ordre. C’est sur la base de ces mêmes textes, qui sont toujours en vigueur au Tchad, que le Ministre de la Sécurité Publique et de l’Immigration a interdit les activités du Front de l’Opposition Nouvelle pour l’Alternance et le Changement (FONAC) mais qui ont été pour la première fois bravées. De décembre 1946 à janvier 1962, le multipartisme au Tchad a duré 15 ans et 2 mois.
De 1962 à 1990, le pays connut plusieurs régimes dictatoriaux, les révoltes des Frolinat, plusieurs interventions militaires étrangères, notamment françaises. C’est la période de parti unique, à l’exception de la période de guerre civile généralisée où plusieurs tendances politico-militaires se sont affrontées. A partir de juin 1982, les Forces Armées du Nord (FAN) de Hisseine Habré eurent le dessus et réinstaurèrent le Parti unique. Les FAN se muèrent en Union Nationale pour l’Indépendance et le Renouveau (UNIR).
La chute du régime de Hisseine Habré, en 1990, et le vent de la démocratie qui soufflait désormais sur le continent africain ont dû permettre aux tchadiens de reposer la question du multipartisme dans leur pays.
1.2) Le multipartisme de 1990 à 2016
Le 04 décembre 1990, après sa prise du pouvoir, Idriss Deby annonçait aux Tchadiens: «je ne vous apporte ni or, ni argent, mais la démocratie ». Vingt-cinq ans après, les Tchadiens n’ont eu ni or, ni argent et moins encore la démocratie.
Le Mouvement Patriotique du Salut (MPS, le parti au pouvoir) et Idriss Deby ont instauré un système politique incohérent et perfide. C’est tout sauf une démocratie. Le concept de démocratie a été vidé de ses valeurs intrinsèques que sont, entre autres, le respect du choix électoral du peuple, l’alternance politique et la bonne gouvernance. Depuis plus de 25 ans, c’est une seule personne qui se maintient au pouvoir sans alternance, par la menace, la répression, la corruption et l’assassinat de tous ceux qui s’opposent à sa politique.
La gouvernance de Deby se caractérise essentiellement par une gestion patrimoniale du pays en faisant main basse sur toutes les ressources nationales à son profit et celui de sa famille. Conséquence immédiate : la situation politique s’est grippée et ensuite complètement bloquée. Il a fallu la signature de l’accord du 13 aout 2007, pour relancer le processus démocratique au Tchad. Mais, malheureusement, la volonté manifeste de Idriss Deby Itno de s’éterniser au pouvoir l’a poussé, une fois de plus, à torpiller cet accord. Cela s’est traduit d’une part, par la non-application de la biométrie aux élections présidentielles de 2011 et 2016 et d’autre part, par les arrestations et disparition forcée des leaders des partis politiques de l’opposition.
Le 04 décembre 1990, après sa prise du pouvoir, Idriss Deby annonçait aux Tchadiens: «je ne vous apporte ni or, ni argent, mais la démocratie ». Vingt-cinq ans après, les Tchadiens n’ont eu ni or, ni argent et moins encore la démocratie
Dans le chapitre 4 de l’accord du 13 août 2007, les parties signataires ont convenu des mesures que le Gouvernement devait prendre pour assainir l’environnement démocratique et garantir la neutralité de l’Etat.
Il est triste de constater que le régime a fait exactement le contraire: l’administration territoriale a été politisée et militarisée; les Chefs de circonscriptions administratives et leurs collaborateurs (Sultans, Chefs de canton, de village, de quartier ou de carré), ainsi que les responsables et agents des forces de défense et de sécurité sont devenus des militants actifs du parti au pouvoir; aucune résolution des états généraux de l’armée n’a été mise en œuvre ; les journalistes des medias publics exercent leur profession sous la contrainte ; l’indépendance de la justice est bafouée.
Le gouvernement, qui n’est plus capable de faire face à ses obligations pour payer les dettes internes et externes, les salaires, les retraites et les bourses des étudiants, a dilapidé plus de 14 milliards de FCFA pour investir un individu mal élu, un putschiste électoral.
Malgré ce contexte difficile où toute opposition à la politique de Deby est considérée comme un acte de défiance gravissime, un délit majeur dont les auteurs sont estampillés ennemis dangereux et condamnés à la mort qu’on trouve dans le pays des hommes et des femmes qui luttent héroïquement au péril de leur vie pour que le Tchad devienne un pays normal.
C’est-àdire un pays où aucun opposant ne soit tué, un pays où les élections soient transparentes, libres et démocratique, un pays où l’alternance politique soit normale et banale, un pays où les ressources nationales ne soient pas la propriété d’un individu, d’une famille, d’un clan ethnique
- II) ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2016
Les conditions dans lesquelles l’élection présidentielle a été organisée, le 10 avril 2016, sont entachées de graves irrégularités, compromettant gravement le caractère démocratique, libre, crédible et transparent d’une élection souhaitée par l’ensemble du peuple. Les résultats issus de cette élection auxquelles ne se reconnait pas le peuple tchadien sont susceptibles d’engendrer des conflits post électoraux.
Des manœuvres de toutes sortes, destinées à confisquer le pouvoir au profit du Président sortant Idriss Deby Itno, ont été mises en place avant, pendant et après le scrutin du 10 avril 2016. 3.1) Les manœuvres avant l’élection Les manœuvres les plus évidentes sont, entre autres : a) En application des accords intervenus entre les acteurs politiques, le gouvernement a réalisé le recensement biométrique des électeurs qui a couté au trésor public 14 milliards de FCFA, soient un peu plus de 21 millions d’Euros.
Et la forte participation des électeurs au scrutin présidentiel est due en partie au recensement biométrique. Le gouvernement a obstinément refusé d’acheter les kits de reconnaissance et d’identification des électeurs lors de la distribution des cartes d’électeurs et le jour du scrutin présidentiel du 10 avril 2016, dans les bureaux de vote.
Que vaut un recensement biométrique sans kits de reconnaissance et d’identification ? On est tenté de répondre rien, absolument rien. Dans tous les cas, cette élection était une mise en scène grossière, une mascarade caractérisée par une fraude massive. b) Des leaders syndicaux et autres défenseurs des droits humains ont été incarcérés afin de les empêcher d’organiser des manifestations et protestations contre les conditions d’organisation de cette élection. Ils ne seront libérés qu’au lendemain du scrutin. c) Les communications téléphoniques ont été fortement perturbées pour manifestement empêcher la mobilisation populaire contre le pouvoir.
III) PERSPECTIVES
Les Tchadiens et le monde entier savent que Deby était élimé dès le premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2016. L’Internationale Socialiste a jugé non démocratique son élection. En 25 ans de gestion du Président Deby, le Tchad est en situation de décrépitude avancée. Il n’y a pas morale et encore moins d’éthique : on vole, on pille et on tue à ciel ouvert.
Le pilote du navire Tchad a conduit le pays dans un gouffre profond et à la banqueroute totale malgré les énormes rentrées financières que le Tchad n’a jamais connu depuis son existence. En dix ans (2004 – 2013) les recettes issues des revenus pétroliers se sont élevées à plusieurs dizaines de milliards d’euros.
A cause de Deby, le Tchadiens ont raté la chance historique d’éradiquer la misère et de sortir du sous-développement. Les 16 «mesurettes» du 1er août 2016 prises par le Gouvernement ne règleront rien du tout. Pour éventuellement trouver les solutions d’un problème, il faut préalablement le poser correctement.
Le Gouvernement a fait exactement ce que dit le proverbe tchadien : «Pour soigner le cheval malade, on saigne l’âne». Le système politique instauré par Deby n’est ni perfectible ni réformable. La seule solution c’est de mettre très rapidement fin à ce système mafieux. 3.1 Dialogue inclusif Aujourd’hui, force est de constater que notre pays est tombé dans un gouffre profond. Pour l’en sortir, nous faisons appel à notre patriotisme et invitons à la modestie et à l’humilité ceux qui ont organisé un coup d’état électoral en avril 2016.
Nous invitons le pouvoir de N’Djaména d’accepter, sans délai, un dialogue inclusif avec toutes les forces sociopolitiques du pays, sous les auspices des Nations unies et des partenaires du Tchad qui ont l’habitude de l’accompagner dans ce genre d’exercice. Et nous ne sommes pas les seuls à le demander.
Le Secrétaire Général Adjoint de l’ONU, M. Jeffrey FELTMAN, le 23 juillet 2016, à l’issue d’une audience avec Idriss Deby a demandé l’organisation d’un dialogue inclusif avant la tenue des élections législatives. Le FONAC, lors de sa conférence de presse du 19 septembre a appelé le Gouvernement à un dialogue inclusif. La Convention Tchadienne pour la défense des droits de l’homme (CTDDH) lors de son point de presse du 24 septembre 2016, après une analyse approfondie de la situation nationale est arrivée à la conclusion qu’il faut organiser de manière urgente un dialogue inclusif pour sortir le pays du pétrin.
Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
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Nous voulons comprendre le processus de la démocratique du Tchad.
Merci