Auteur : Comité de suivi de l’appel à la paix et à la réconciliation (CSAPR)
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2017
Après la proclamation de la République, les élections de 1959 furent remportées par le Parti Progressiste Tchadien (PTT), une branche locale du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Son leader François TOMBALBAYE fut désigné Premier ministre , puis Président de la République à l’indépendance en 1960 .
Mais la gestion du pouvoir du Président TOMBALBAYE va très vite être critiquée. Ces critiques vont conduire une partie importante des populations du Nord et du Centre à se révolter. Cette révolte est à l’origine de la création du premier mouvement rebelle au Tchad, le Front de Libération Nationale du Tchad, (FROLINAT).
Au niveau politique, le climat s’est dégradé avec une succession de boycott du processus électoral par une partie importante de la classe politique : celui du recensement électoral de 2005, du référendum constitutionnel de juin 2005, puis des élections présidentielles de mai 2006 et 2011)
Depuis 1963, le pays est entré dans un cercle infernal de guerres qui a fragilisé les bases des institutions étatiques. Les coups d’Etat se succèdent avec leur lot de violence. C’est une vie politique fortement militarisée. Marielle DEBOS pense que « la guerre et la paix forment un continuum : des périodes d’une paix fragiles alternent avec des éruptions soudaines de violence».
Cette situation de guerre a eu de sérieuses conséquences sur le développement, l’organisation administrative et institutionnelle. Après la chute de TOMBALBAYE le 13 avril 1975 et la prise du pouvoir par le général Félix MALLOUM en avril 1975, le pouvoir passe aux mains des leaders de FROLINAT Goukouni WEDDEY en 1978 puis Hissein HABRE le 07 Jun 1982.
Une période de transition a été observée jusqu’à l’adoption de la loi fondamentale du 31 Mars 1996. Elle prit fin avec les premières élections de la même année. La vie politique semble retrouver alors une relative tranquillité mais qui ne sera que de courte durée. Car dés 2005, une reforme constitutionnelle est intervenue et a fait sauté le verrou constitutionnel de limitation du nombre de mandat présidentiel.
Le Tchad renoue avec ses démons d’instabilités politiques tant sur le plan des rebellions que celui des acteurs des partis politiques légalement constitués. Sur le plan militaire, le Tchad avait connu pendant la période 2005- 2009 une vague de mouvements de rebellions qui ont tenté de renverser le règne de Idriss Deby Itno.
Ils ont réussi à attaquer la ville de N’Djamena par deux fois. En 2006, ce sont les éléments du Front Uni pour le Changement (FUC) de Mahamat Nour Abdelkerim qui se sont confrontés à la résistance du pouvoir de N’Djamena.
En 2008, la bataille mémorable du 2 février a été l’œuvre de la coalition des forces des rebelles de l’Union des Forces pour la Démocratie et le Développement (UFDD) de Mahamat Nouri, de Union des Forces pour la Démocratie et le Développement Fondamental de d’Abdelwahid AbouMakaye et d’Acheik Ibn Oumar et du Rassemblement des Forces Démocratiques de Timan Erdimi .
Au niveau politique, le climat s’est dégradé avec une succession de boycott du processus électoral par une partie importante de la classe politique : celui du recensement électoral de 2005, du référendum constitutionnel de juin 2005, puis des élections présidentielles de mai 2006 et 2011).
La crise née du boycott de l’élection présidentielle de 2006 va conduire les acteurs politiques à entamer des négociations qui vont déboucher sur la signature de l’Accord Politique en vue du renforcement du processus électoral et la consolidation de la démocratie au Tchad le 13 août 2007. C’est dans ce contexte de monopolisation du pouvoir politique par le MPS d’Idriss Deby Itno que se tiennent les élections de Mai 2016.
L’élection présidentielle de 2016 voit le retour des partis politiques dits traditionnels de la scène politique tchadienne UNDR et FAR qui avaient boycotté les élections de 2006 et 2011. Mais la victoire de candidat Deby à l’élection présidentielle a été contestée. Cette contestation est l’origine de la crise politique actuelle.
C’est donc dans un contexte difficile que le Président Idriss DEBY ITNO décide de traduire en acte le volet institutionnel de ses promesses électorales. Pendant la campagne électorale de l’élection présidentielle de 2016, le candidat président IDRISS DEBY ITNO avait en effet fait des promesses aux rangs desquelles figurent l’annonce des profondes réformes institutionnelles.
Parmi les multiples réformes qui ont été annoncées, l’une d’elles retient particulièrement l’attention des Tchadiens et Tchadiennes c’est l’option fédérale de la forme de l’Etat. Lors de son discours d’investiture le 08 aout 2016, IDRISS DEBY ITNO a réitéré sa volonté de reformer les institutions de la République.
Cette volonté s’est traduite en acte le 26 octobre par le décret n°681/PR/PM/2016, instituant un Haut Comité chargé des réformes institutionnelles. Le Haut Comité bénéficie de l’appui d’un Comité Technique crée par l’Arrêté n°188/PR/PM/2017 du 18 Janvier 2017. Le 09 Février 2017, le Haut Comité fût installé solennellement par le Chef de l’Etat.
Ainsi par cet acte du chef de l’Etat, le projet de réformes institutionnelles a été lancé. Mais ce processus politique se met en route dans un climat de tension entre le Parti au pouvoir et les partis de l’opposition regroupés dans la Coordination pour la Défense de la Constitution (CPDC) et le Front de l’opposition nouvelle pour l’alternance et le changement (FONAC).
Ces derniers continuent de contester la réélection du Président Idriss Déby Itno et réclament un dialogue inclusif pour discuter de la situation du pays en générale. Dans ce contexte de crise sociale, économique et politique que traverse le pays, suffit-il de reformer pour aboutir à de profondes mutations de la vie publique tchadienne ? Quelles sont les conditions optimales à remplir pour opérer une réforme consensuelle ? Sur quoi porteront précisément les réformes ?
C’est pour tenter de répondre à ces interrogations, qu’est née l’initiative du rapport alternatif de la société civile tchadienne. Portée par le Comité de Suivi de l’Appel à la Paix et à la Réconciliation (CSAPR), cette initiative s’inscrit en effet dans une démarche de contribution au processus de réformes lancé par le gouvernement tchadien, mais aussi et surtout elle met en valeur la participation de la société civile à la consolidation de la démocratie et de la paix au Tchad.
UNE REFORME MENEE DANS L’OPACITE ?
- Cadre général de la réforme
Comme dans toute compétition électorale, chaque candidat fait des promesses à l’endroit des électeurs. C’est ainsi qu’en 2016, lors de la campagne pour la présidentielle, le Candidat président Idriss DEBY ITNO qui briguait un 5eme mandat, a pris l’engagement, si les Tchadiens lui renouvelaient leur confiance, de faire des réformes importantes pour renforcer l’Etat de droit et la démocratie au Tchad.
Les contours de ce projet de réformes se sont précisés progressivement après la réélection du Président. Il convient de remarquer que, de la déclaration de campagne électorale à l’allocution présidentielle à l’occasion de l’installation du Haut Comité Chargé des Réformes Institutionnelles, le contenu du projet a considérablement évolué. D’abord, l’intention était de faire de simples réajustements de quelques institutions pour permettre l’instauration de l’option fédérale de L’Etat.
Ensuite on est passé à une relecture totale des institutions existantes avec, en particulier l’idée d’introduire un poste de vice présidence. Suivant la feuille de pilotage des réformes institutionnelles issue du décret n°681/PR/PM/2016 en date du 25 Octobre 2016 signé par le Président de la République Idriss Deby Itno, les réformes opéreront de profondes mutations dans l’organisation administrative et institutionnelle de l’Etat, si elles advenaient à prendre forme.
Elles concerneront la forme de l’Etat et l’introduction d’un poste de vice-président, le réaménagement des grandes institutions, la promotion de la femme et des jeunes, le future cadre des élections, les députés (mandat, nombre mode de scrutin la suppléance), la création d’une Cour Spéciale de Répression des Crimes Economiques et Financiers et la Réforme de la Haute Cour de Justice, l’impunité des ministres, les réformes judiciaires, l’armée et les forces de sécurité. Il apparait donc évident que le Président souhaite engager des réformes majeures qui vont au delà de simples réajustements. C’est pourquoi, il a proposé des larges consultations ainsi que l’organisation d’un Forum inclusif autour du projet des réformes.
- Monopolisation du processus de la réforme par le pouvoir ?
Deux instances sont chargées de porter le projet de la réforme des institutions une politique, le Haut Comité chargé des réformes Institutionnelles (HCRI) et l’autre technique, le Comité Technique Interministériel Chargé des réformes Institutionnelles, (CTI).
En regardant très attentivement les compositions des instances en charge de mener à bien le processus des réformes des institutions, on se rend très rapidement compte de plusieurs choses aux rangs desquelles figurent : – La monopolisation du processus de la réforme par l’unique parti au pouvoir et ses alliés est observable dès la lecture de la composition des instances chargées de mener le processus de la réforme.
Malheureusement, il apparait que les partis politiques de l’opposition sont peu représentés. Il en va de même pour les organisations de la société civile. On s’attendait, vu l’envergure du projet, à voir tous les partis politiques de l’opposition représentés à l’Assemblée nationale être dans les différents sous-comités. Ont-ils été conviés ? Ont-ils opposé un refus ? – La double représentation. Les compositions des instances font apparaitre qu’il y a une double représentation. Certaines personnes ou structures A titre d’exemples, on note que le Ministère en charge de la réforme se retrouve dans le bureau de HCRI comme dans celui de CTI. C’est à se demander s’il n’existe pas d’autres personnes ou structures à même de faire partie de ces instances.
- Un processus de réforme très mal connu des Tchadiens
D’une manière générale, les enquêtes menées laissent apparaitre une large méconnaissance du processus de réforme engagé. Ce processus de la réforme est méconnue par près de 75% de la population rencontrée.
Même dans les centres urbains, seul un quart des gens semble au courant de la réforme ; ce qui est également le cas des représentants des autorités traditionnelles. Un habitant du monde rural traduit le sentiment général en affirmant que « c’est l’histoire “des intellectuels de N’Djamena”, et que leurs vrais problèmes qui urgent non jamais trouver des solutions ». Finalement seules quelques élites (autorités administratives, certains membres des organisations de la société, cadres des services déconcentrés de l’Etat) disent être au courant du projet de la réforme des institutions mais sans en connaitre les contours.
C’est également le cas pour les membres des organisations de la société civile interrogés lors de l’enquête. De leurs côtés, les leaders des partis politiques sont très divisés sur le niveau d’informations donné à ce processus de réforme.
Pour les partis alliés au parti au pouvoir, l’information a été largement donnée par les autorités exécutives, ceux de l’opposition disent en revanche qu’ils ne sont pas informés et qu’ils sont soigneusement écartés du processus de la réforme. La composition de la Haut Comité Chargé des Réformes Institutionnel (HCRI) est parlante à plusieurs égards, soutiennent-ils (voir supra).
Cette situation laisse à penser que le processus de réforme est menée dans une certaine « opacité» qui n’est pas de nature à favoriser le dialogue ni faire émerger un consensus. Le consensus est en effet la forme d’accord général sur les principes, les fondations et les règles de dévolution du pouvoir et d’organisation de la société.
En démocratie, le consensus doit prévaloir pour consolider les acquis et pacifier la société politique. Les joutes verbales qui avaient caractérisé les débats lorsqu’il était question de la forme de l’Etat ou encore du caractère souveraine ou non de la conférence souveraine (CNS) de 1993 constituent des souvenirs éloquents de l’atmosphère de l’époque ; et dénotent la recherche du consensus.
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