Auteur : Perspective Monde
Site de publication : Perspective Monde
Type de publication : Article
Date de publication : 22 novembre 2022
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La Sierra Leone, pays d’Afrique de l’Ouest d’un peu plus de huit millions d’habitants, est particulièrement vulnérable aux changements climatiques. L’augmentation du niveau de la mer menace spécialement le pays, et pourrait, entre autres effets, augmenter le nombre d’inondations, réduire l’accès à l’eau potable et déplacer de nombreuses personnes. Affaibli par une guerre civile et une épidémie d’Ebola, le pays est particulièrement vulnérable aux changements à venir.
Des événements dévastateurs
Pour faire face à des changements majeurs engendrés par le réchauffement planétaire, il faut un pays en bonne santé. Or, la Sierra Leone a connu plusieurs épisodes dévastateurs pour sa population. Entre 1991 et 2002, une guerre civile a tué entre 50 000 et 200 000 personnes. Ce conflit a laissé un pays divisé, même si la jeunesse se dit prête à travailler pour rebâtir l’avenir.
La guerre civile n’est pas la seule épreuve qu’ont dû affronter les Sierra-Léonais. Le 24 mai 2014, les premiers cas d’Ebola, une maladie mortelle, sont déclarés en Sierra Leone. La fin de l’épidémie dans le pays ne sera déclarée que 18 mois plus tard, en novembre 2015, après que le virus ait touché 14 000 personnes et tué presque 4000 Sierre-Léonais.
Cette épidémie a laissé des traces, et a eu un impact socio-économique important. Pendant l’épidémie, un sondage de la Banque mondiale a révélé que deux tiers des ménages ayant répondu connaissaient de l’insécurité alimentaire. Aussi, si au moment de l’étude 87 % des ménages affirmaient que leurs enfants allaient à l’école, beaucoup d’enfants ont manqué une année complète d’éducation. Enfin, cette étude de la Banque mondiale stipule aussi que l’économie, notamment le taux d’emploi et le temps travaillé, ont beaucoup souffert pendant l’épidémie d’Ebola.
Entre 1991 et 2002, une guerre civile a tué entre 50 000 et 200 000 personnes
Les impacts n’épargnent aucun domaine
On comprend que la Sierra Leone a du mal à se relever après ces deux événements ravageurs. Pourtant, le pays doit déjà se préparer à d’autres changements majeurs. S’il ne représente que 0,02 % de la production mondiale de gaz à effet de serre, sa vulnérabilité aux changements climatiques est parmi les plus élevées sur la planète. L’Université Notre-Dame classe la Sierra Leone en 163ème position sur les 182 pays ayant suffisamment de données pour établir un profil de vulnérabilité.
Les impacts des changements climatiques n’épargnent rien au pays. D’ailleurs, le directeur-général adjoint à l’agence météorologique de la Sierra Leone, Gabriel Kpaka, soutient que les résidents de la capitale, Freetown, constatent depuis une quinzaine d’années « l’escalade de la destruction qui a suivi les inondations, l’augmentation du niveau de la mer, les glissements de terrain et plus encore ».
Plusieurs secteurs vitaux sont ainsi touchés, notamment l’agriculture, en raison de sécheresses plus fréquentes et plus longues. « Et quand la pluie arrive, elle est torrentielle », affirme le météorologue Gabriel Kpaka.
L’accès à l’eau est aussi une tâche qui pourrait être difficile dans les années à venir, l’eau peut notamment être contaminée en raison des inondations, et favoriser la propagation de certaines maladies, comme le choléra ou la typhoïde.
S’il ne représente que 0,02 % de la production mondiale de gaz à effet de serre, sa vulnérabilité aux changements climatiques est parmi les plus élevées sur la planète
D’autres problèmes existent aussi sans qu’ils soient forcément mis de l’avant lors de la lutte aux changements climatiques. C’est par exemple le cas de la gestion des déchets à Freetown. En effet, le réchauffement fait en sorte qu’il devient plus difficile de gérer les urgences dans les décharges et les lieux de collecte des déchets. Ce n’est pas un problème que l’on peut penser important, mais le risque de feu en est grandement augmenté.
Se préparer au pire
Dans un contexte de pauvreté, comment se préparer à de tels changements ?
Le météorologue Kpaka croit que « dans le cas des vies perdues et des blessures graves, les dommages sont irremplaçables ». Par contre, il soutient que la population de Freetown fait ce qu’elle peut pour s’adapter, utilisant par exemple des sacs de sable pour créer des digues et protéger les côtes, ou encore que les agriculteurs utilisent des techniques différentes pour maximiser leur production. Ce qu’il soutient, c’est que les pays comme la Sierra Leone ont besoin d’aide des pays développés pour faire face à ces changements.
Ultimement, les populations sur place souhaitent survivre. Elles vont donc s’adapter, mais souvent avec une vision à court terme, de survie. Aux yeux de plusieurs chercheurs, « le gouvernement […] doit servir de pont entre la gestion à court-terme d’un filet de sécurité et l’élaboration d’une stratégie à long terme pour la sécurité alimentaire et les enjeux liés aux changements climatiques ».
L’eau peut notamment être contaminée en raison des inondations, et favoriser la propagation de certaines maladies, comme le choléra ou la typhoïde
Cette volonté politique est personnifiée en Sierra Leone par la mairesse de Freetown, Yvonne Aki-Sawyer. Elle est vice-présidente du C40 Cities, un regroupement de villes souhaitant œuvrer pour la transition écologique. Elle a aussi participé à la création de Transform Freetown, un mouvement qui a pour but de transformer la ville pour le mieux, dans plusieurs domaines, comme l’éducation, la planification urbaine et la santé.
Aussi, depuis sa sortie de la guerre civile, la Sierra Leone connaît une bonne stabilité politique, avec des dirigeants luttant pour l’équité et l’inclusion. Cela ne signifie pas que le pays est parfait sur le plan politique, mais bien que des efforts sont faits.
Besoin de leadership politique
La Sierra Leone est un pays avec de grandes difficultés socio-économiques, résultat de crises majeures au début du millénaire, et doit déjà faire face à des changements climatiques importants, générés principalement par les pays développés. Pour cela, la population change d’habitat et adapte ses techniques, mais il faut un leadership politique pour agréger toutes ces initiatives et en faire un plan à long terme qui assurera la sécurité du peuple sierra-léonais. Sur le plan politique, la mairesse de Freetown, Yvonne Aki-Sawyer, est déjà en action. Elle était à la COP27 pour continuer d’appeler les pays riches à financer la transition des pays comme le sien.
Ultimement, les populations sur place souhaitent survivre. Elles vont donc s’adapter, mais souvent avec une vision à court terme, de survie
Des institutions internationales comme l’Organisation mondiale pour les migrations travaille aussi de concert avec le gouvernement local pour gérer la mobilité humaine, et limiter les risques liés à l’adaptation aux changements climatiques. Le ministre des Affaires intérieures de la Sierra Leone y a mentionné que cette table ronde était très pertinente pour aider le pays à répondre aux questions relatives à la migration environnementale.
On voit donc que le gouvernement semble s’intéresser de près aux enjeux des changements climatiques, et est conscient de la réalité qui touche déjà sa population. Cela sera-t-il suffisant pour éviter une autre catastrophe humaine au pays ?