Auteur : Abdel Aziz Nabaloum
Organisation : SciDev.Net
Type de document : Article
Date de publication : 02 Mai 2019
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Au Burkina Faso, la culture de l’or blanc ne fait plus l’unanimité, depuis la suspension de la culture du coton Bt. Aux problèmes de la baisse de la production et de la diminution des superficies, se greffe désormais la « guerre » entre pro et anti OGM.
Présentée comme une solution aux attaques de ravageurs, la nouvelle variété de coton introduite en 2009 dans les champs a en fait porté un coup sévère à la réputation du coton burkinabè.
En 1998, toute la filière coton en Afrique de l’Ouest était confrontée aux aléas d’un ravageur, la mouche blanche, qui détruisait les récoltes.
Devant le désarroi général, le gouvernement a dû recourir à la science, pour faire face.
Les scientifiques burkinabè ont recommandé les services de la multinationale américaine, Monsanto, pour faire pièce aux attaques récurrentes des ravageurs. Mais le coton OGM présentait un inconvénient : au fil des ans, il provoque une réduction progressive de la taille de la fibre.
Fiasco
Or, précisément, cette caractéristique fait partie des raisons du succès commercial du coton burkinabè. En effet, plus la fibre de coton est longue, plus le travail sur les machines de tissage est efficace.
Face au fiasco, depuis 2016, la culture du coton Bt a été suspendue par l’Agence interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB).
Depuis, le débat fait rage entre pro et anti Bt. Des milliers de producteurs d’or blanc ont ainsi basculé dans la culture du coton conventionnel.
Mais pour les pro Bt, les mauvaises performances du Burkina dans la production de coton sont dues à l’abandon de la culture du coton OGM.
« On ne peut pas dire que c’est parce que le coton Bt n’est pas cultivé que la filière est en berne. Mais son abandon y a contribué à 80% », estime Edgard Traoré, le coordonnateur du Forum ouvert sur les biotechnologies agricoles au Burkina (OFAB).
Le généticien et spécialiste en amélioration variétale des plantes, estime que le retour au coton conventionnel a été un total désarroi pour la filière.
De ses enquêtes de terrain, ajoute-t-il, il ressort que les producteurs sont déçus de se retrouver avec une « vieille » technologie qui requiert plusieurs traitements aux insecticides.
On ne peut pas dire que c’est parce que le coton Bt n’est pas cultivé que la filière est en berne. Mais son abandon y a contribué à 80%
Or, le Bt ne recommandait que deux traitements et réduisait la pénibilité du travail. Des producteurs qui exploitaient entre 30 à 40 hectares ont réduit leur superficie de moitié.
Ali Tapsoba, porte-parole du collectif citoyen pour l’agroécologie, un anti OGM convaincu, entend les choses d’une autre oreille.
Selon lui, au Burkina, la manipulation génétique du coton « Bt » a eu plus d’inconvénients que d’avantages pour les cotonculteurs.
« Avec le Bt, il y avait de la mévente au plan international, à cause de la longueur de la fibre et les producteurs se sont endettés à coups de milliards de Francs CFA. C’est pourquoi l’interprofessionnelle du coton a accepté de suspendre la production du Bt et a annoncé le divorce d’avec Monsanto, l’entreprise américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles. Avant la suspension, l’interprofessionnelle réclamait 48 milliards de F CFA à Monsanto comme dette », explique Ali Tapsoba.
Pour lui, le retour au coton conventionnel a redonné confiance aux producteurs qui ont accepté de se relancer dans la filière et de remettre le Burkina sur le marché du coton.
La campagne cotonnière précédente (2017-2018) n’avait pas été reluisante. La suspension a gravement affecté la production du coton.
Cela s’est traduit par une baisse de rendement et des superficies emblavées. Le pays a aussi perdu sa place de leader de la production de coton en Afrique.
Cette baisse de la production a été imputée à certains facteurs tels que la pluviométrie, la qualité des engrais.
« Nous avons pu le vérifier avec une année de faible pluviométrie, suivie d’une année de forte pluviométrie, mais cela n’a pas changé. Le rendement est mauvais », explique Edgard Traoré.
Membre du collectif Herédougou, Moussa Sanou, est cotonculteur depuis des décennies dans le village de Marbagasso, dans la commune rurale de Péni.
L’arrêt de la culture du coton Bt a paupérisé tous les membres de la coopérative, s’indigne-t-il. « Avec la culture du coton Bt, notre coopérative de 37 membres avait un revenu de 40 millions de F CFA par an. En ce qui me concerne, je cultivais 7 hectares pour avoir 10 ou 11 tonnes de coton, mais de nos jours, je cultive 11 hectares pour n’avoir que 4 ou 5 tonnes.
L’année dernière, nous avons chuté à 11 millions de F CFA de revenus, avec 6 millions de crédit pour notre groupement », a déploré Moussa Sanou.
L’idée d’abandonner la culture du coton conventionnel a, à maintes reprises, effleuré son esprit. Pro coton OGM, il souhaite un retour rapide à la culture du Bt.
« Voilà deux ans que nous sommes endettés. Pour éponger nos dettes, nous sommes obligés de poursuivre la culture du coton conventionnel.
Si nous continuons la culture du coton conventionnel, nous ne savons pas à l’avenir à combien seront estimées nos dettes », affirme-t-il, circonspect.
Producteur de coton et ancien président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), François Traoré est parmi les défenseurs du retour au coton Bt.
Selon lui, pour compenser les énormes pertes financières, l’unique solution est le retour du coton Bt dans les champs.
« Depuis deux ans, la production a drastiquement baissé, et il n’y a plus de solution », soutient le chef de file du collectif citoyen pour la science et le développement durable (CSDD), qui lutte pour le retour du coton Bt.
« Nous sommes partis de la place de 11e producteur à celle de premier producteur africain, c’est-à-dire que le revenu des producteurs avait augmenté. Si nous sommes désormais à la 3e ou à la 4e place, cela veut dire que le revenu des producteurs a aussi baissé », argumente François Traoré.
Enjeux scientifiques
OGM ou pas, il faut que le gouvernement trouve une solution, dit-il. A l’entendre, si, ce sont les OGM qui doivent résoudre le problème, les producteurs le réclameront.
Dans le Kénédougou, selon le technicien de l’Union provinciale des producteurs de coton du Kénédougou, Olivier Sanon, au début de la campagne agricole, la production était estimée à 90 mille tonnes de coton, avec un rendement de moins d’une tonne à l’hectare, « puisque nous avions une prévision de 105 mille hectares à emblaver ».
« Avec la crise, nous l’estimons à 9 mille tonnes, puisque ce sont seulement 13 mille hectares de terre qui ont été emblavées », analyse le technicien.
La question de la gestion de la résistance des insectes au coton Bt qui augmente de génération en génération et celle de la dégradation de la qualité de la fibre du coton Bt ne sont pas scientifiquement résolues
Le deuxième producteur d’or blanc en Afrique a enregistré une production prévisionnelle de 603.090 tonnes de coton, soit une baisse de 28,57% par rapport à la campagne précédente, selon les responsables du ministère de l’agriculture. Ces derniers assurent que des initiatives sont prises pour régler la crise.
« Nous serions étonnés que les pro OGM qui chantent le retour du Bt puissent convaincre les autres producteurs d’y revenir », a lancé Ali Tapsoba.
Pour trancher définitivement la question, tous les regards sont tournés vers l’AICB. Mais en attendant une éventuelle décision, le généticien est convaincu que « nous avons un ravageur qui est extrêmement puissant, et si le Burkina Faso veut cultiver du coton, les producteurs seront obligés de passer par cette technologie ».
Selon Ousséni Ouédraogo, ingénieur et chargé de programmes en gestion des ressources naturelles à l’Institut africain pour le développement économique et social (INADES-Burkina), la question de la gestion de la résistance des insectes au coton Bt qui augmente de génération en génération et celle de la dégradation de la qualité de la fibre du coton Bt ne sont pas scientifiquement résolues.
Elles sont complexes et soulèvent des inquiétudes tant au niveau des producteurs qu’à celui des autres acteurs de la filière cotonnière.
Malgré les multiples avantages brandis par les promoteurs des OGM, cette technologie semble cacher des problèmes réels qui ne sont pas encore résolus (le brevetage de la semence qui coûte cher, la contamination de l’environnement, la résistance des ravageurs, la qualité douteuse de la fibre), a-t-il expliqué.
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