Auteur : Bassirou Bonfoh
Organisation : SciDev.Net
Type de publication : Article
Date de publication : Novembre 2016
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Le financement de la recherche en Afrique se rapporte très souvent au volume d’argent comptant “frais”. Cette définition limite la propension des chercheurs à identifier la diversité des ressources pour conduire leurs recherches.
En fait, les ressources sont multiples et trois principalement représentent la base pour l’attraction de fonds.
Il s’agit en premier de l’état de l’environnement institutionnel (universités, instituts et centres) et technique (laboratoires et autres espaces d’expérimentation) de la recherche ; la seconde ressource concerne le partenariat qui permet de mutualiser les ressources avec l’expression des avantages comparatifs. Elle permet de générer une valeur ajoutée si les principes sont bien respectés ; la troisième ressource représente les fonds de recherche pouvant émaner des fonds complétifs des coopérations bilatérales et multilatérales, des fondations, des entreprises, des privés, des philanthropes et très rarement des États en ce qui concerne l’Afrique.
L’Afrique représente 15% de la population mondiale et supporte 25% de la charge globale de morbidité. Pourtant, face à ces grands défis, elle ne concentre que 2 % des résultats de la recherche et seulement 1% de capacité au niveau mondial
La recherche coûte cher et les effets sont perceptibles à court, moyen et long termes pour la recherche fondamentale et ceci est rarement compris des politiques en Afrique. De plus, l’environnement actuel et les modes de financement ne permettent pas l’expression d’une recherche en réponse aux préoccupations sociales et environnementales et surtout à celle dite libre.
Mis à part l’effort de quelques pays comme l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Égypte et récemment la Tanzanie, le Nigéria et l’Éthiopie, l’objectif de 1% du PIB des pays africains consacré à la recherche est un boulet que traînent les décideurs politiques, malgré les stratégies adoptées.
Même si les critères sont parfois à questionner, les universités africaines et plus particulièrement les universités francophones sont mal classées au plan international. Il faut arriver à la centaine pour trouver une université africaine.
Ceci illustre un tableau peu reluisant pour certains facteurs de développement (santé, sécurité alimentaire). L’Afrique représente 15% de la population mondiale et supporte 25% de la charge globale de morbidité. Pourtant, face à ces grands défis, elle ne concentre que 2 % des résultats de la recherche et seulement 1% de capacité au niveau mondial.
Obstacles
En plus de leur faible proportion, les résultats de la recherche sont faibles et inégalement répartis et l’insuffisance de financement dilue la qualité scientifique.
Cela s’explique par une infrastructure insuffisante et une pénurie structurelle du personnel scientifique qualifié. Avec seulement environ 80 scientifiques et ingénieurs par million d’habitants contre près de 150, 2500 et 4000 respectivement au Brésil, en Europe et aux États-Unis, il est clairement admis que la recherche est le moteur du développement. Le principal obstacle perçu est l’insuffisance de financement.
L’Afrique regorge d’une multitude d’instituts et de centres de recherches mais rarement des universités de recherche ; car, l’enseignement qui se nourrit de la recherche prime dans les stratégies des institutions académiques et d’évaluation de la science.
Nous pouvons résumer les obstacles en Afrique en 3 points : (i) le manque d’expression d’une culture de la recherche, (ii) l’environnement de la recherche peu propice à l’expression des talents, et (iii) l’absence de mécanisme institutionnel d’accès aux fonds compétitifs de recherche et de la production scientifique.
Comme on le voit, les contraintes sont multiples et inégalement réparties. Ces obstacles sont aussi la résultante de la faiblesse des infrastructures et une stratégie de maintenance quasi inexistante. En outre, la formation à la recherche et la formation à la gouvernance et à l’administration de la recherche sont des limites à une vraie recherche.
En effet, la formation à la gouvernance, à l’administration et à la gestion de la recherche est la moins considérée dans les universités et centres de recherche en Afrique. Pour répondre à ce défi, le Centre suisse de recherche scientifique en Côte d’Ivoire (CSRS) a mis en place, depuis 2012, un module de formation sur la gouvernance, l’administration et la gestion de la recherche. Il s’agit du “Learning package” offert sous forme d’École d’été et qui pourrait être transformé en master d’administration de la recherche.
Modèles possibles
Lors d’une rencontre à l’université d’Oxford (UK) en marge de la réunion du Grand Challenge (Londres, octobre 2016), nous nous sommes exprimés à travers le professeur Abegaz (président de l’Académie africaine des Sciences) au sujet de l’alignement de nos recherches sur les Objectifs du développement durables (ODD) et l’Agenda 2063 de l’Union africaine qui fournissent un cadre et des lignes directrices sur les priorités de la recherche en Afrique.
Quatre piliers ont été définis : (i) la construction et / ou la modernisation des infrastructures de recherche, (ii) l’amélioration de l’excellence technique et professionnelle par la formation à la recherche, (iii) la promotion et la pertinence de l’l’innovation associée à l’entrepreneuriat, (iv) la création d’un environnement propice au développement de l’innovation, de la science et de la technologie sur le continent africain.
Le fait de profiter du dividende démographique dans la croissance de la population de l’Afrique et de donner la priorité aux besoins des universités africaines sera également essentiel. La principale recommandation était de se concentrer sur des partenariats de longue durée, de cibler les investissements dans les universités, d’accorder la priorité aux besoins de développement des pays africains et d’établir des programmes de tutorat solide avec des possibilités de soutien de carrière pour assurer la relève et une recherche soutenue.
Dans cette perspective, le transfert du centre de gravité de la recherche en Afrique est un impératif. Ainsi, la formation des alliances et réseaux africains autour des pôles de compétences peut permettre d’aborder les questions de divergences de capacité en Afrique.
Cependant, tout n’est pas sombre dans les stratégies de mobilisations des ressources ni dans les capacités de certaines institutions à servir de centre d’excellence de recherche. Nous donnons ici trois exemples qui illustrent les efforts dans l’amélioration du système de recherche en Afrique.
Le Centre Suisse de Recherches Scientifiques en Côte d’Ivoire totalise 65 ans d’expérience. C’est un centre de recherche interdisciplinaire ivoiro-suisse avec un mandat régional de recherches sur les questions du bien-être de la population et de la gestion durable de l’environnement. Il a une autonomie et une gestion privée.
Son budget annuel de fonctionnement est d’environ 1 milliard de FCFA, soir 1,6 million de dollars (2016) dont 30 % proviennent de la subvention des deux pays et 70 % sont mobilisées par les chercheurs à travers les frais de gestion de projets compétitifs et de services. Le budget global annuel de la recherche en entrée-sortie est évalué à 2 milliards de FCFA (3,2 millions de dollars), obtenu totalement sur fonds compétitifs au plan national, africain et international. Le CSRS est à 15 % de taux de succès sur les appels compétitifs, ce qui représente un bon niveau si les chercheurs participent à augmenter le dénominateur.
Le consortium Afrique One est un modèle initié en 2009 par le Welcome Trust et porté par des Africains dans le cadre de l’African Institutions Initiative. Il a permis, grâce à un financement de 4,2 milliards de FCFA, soit 6,8 millions de dollars (2009-2015), à 11 institutions africaines d’améliorer en 5 ans leurs performances de recherche de financement.
Cela grâce au renforcement des capacités de recherche et à l’amélioration de l’environnement de travail des chercheurs dans le domaine de l’approche One Health ou Une seule santé.
Perspectives
De nouvelles dynamiques sont perceptibles à l’horizon et ce à tous les niveaux (États, bailleurs, chercheurs) pour permettre la mobilisation et l’utilisation des ressources consacrées à l’agenda de la recherche. L’Académie africaine des sciences (AAS) veut porter l’agenda de recherche de l’Union africaine à l’horizon 2063.
Mais pour y arriver, certaines conditions doivent motiver les bailleurs et la contribution des États est nécessaire : (i) amélioration de l’environnement de la recherche avec des moyens de base, (ii) mise en place de bureaux de mobilisation et de gestion de projets dans nos universités et centres de recherche, (iii) formation des chercheurs non seulement à la rédaction des projets, mais aussi à l’administration et à la gestion, (iv) un référentiel de gestion financière et de gouvernance des institutions de recherche.
Outre ces conditions, adopter un cadre institutionnel qui met la recherche au centre des stratégies académiques et politiques, établir des conventions nationales, régionales et même panafricaines d’objectifs de recherche avec des moyens alloués dans le cadre du plan stratégique de la recherche et de l’innovation technologiques de l’Union africaine.
Avec seulement environ 80 scientifiques et ingénieurs par million d’habitants contre près de 150, 2500 et 4000 respectivement au Brésil, en Europe et aux États-Unis, il est clairement admis que la recherche est le moteur du développement
L’Alliance pour l’accélération de l’excellence scientifique en Afrique (AESA), initiée par le NEPAD/UA et un consortium de bailleurs de fonds (Wellcome Trust, DFID et la Fondation Bill & Melinda Gates), est l’une des pistes de création d’un écosystème viable de recherche en Afrique.
En outre la Fondation Bill & Melinda Gates vient de lancer une initiative incitant les chercheurs africains à développer une approche originale de communication incitative des États africains à financer la recherche et le développement. Ceci traduit aussi l’incapacité ou les difficultés des chercheurs à communiquer sur leurs résultats et leurs besoins. Pour la plupart, seuls les promotions académiques sont communiquées.
Les pays doivent donc placer la science et la technologie au cœur de leur développement des Fonds de recherche compétitifs et autonomes et une implication des académies des sciences et le secteur privé.
Pour cela il faudra que les chercheurs se préparent à rendre compte de leurs résultats sur la base des indicateurs de performance : (i) brevets, production scientifique et technique sous toute ses formes avec un système de protection, (ii) volume financier attiré pour la recherche et l’amélioration de l’environnement de la recherche, (iii) le nombre de ressources humaines formées dans le cadre de la chaîne de valeur de la formation académique et (iv) les comptes financiers audités de leurs institutions.
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Excellent résumé. Ça encourage l’inspiration et facilite la recherche d’idées précises pour la rédaction de documents.