Auteur : Organisation Mondiale de la Santé Nigeria
Site de publication : Organisation Mondiale de la Santé Nigeria
Type de publication : Article
Date de publication : 12 octobre 2022
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Comme beaucoup de travailleurs de la santé dans le Sahel, Mairama Baba Yadafa a été le témoin direct des effets multiples d’une crise humanitaire sans précédent qui s’est abattue sur la région : la sécheresse a aggravé la faim dans un contexte de privations et de souffrances croissantes vécues par des millions de personnes affectées par la violence armée.
Alors que le monde lance une série d’alertes sur les défis et les tragédies persistants, les travailleurs de la santé comme Yadafa luttent contre l’impact plus profond de cette crise, qui reste silencieux en raison des tabous, de l’humiliation, de la peur et de l’impuissance des femmes et des filles.
« Les femmes et les filles sont fréquemment soumises à la violence domestique et à d’autres actes dégradants qui portent atteinte à leur intégrité physique et émotionnelle », dit-elle. « En tant que personnel de première ligne, j’étais parfois bouleversée de savoir qu’elles vivaient ce calvaire. »
Yadafa est sage-femme au centre de santé primaire de Lokuwa, dans l’État de l’Adamawa, au nord-est du Nigéria. Elle fait partie des 27 femmes issues d’organisations de la société civile qui, au même titre que 23 hommes travailleurs de la santé, participent à une formation dans la région du Sahel destinée à la lutte contre la violence basée sur le genre.
Face à des femmes et à des filles qui restaient murées dans le silence malgré les signes de trouble que Yadafa pouvait clairement percevoir, elle se sentait elle-même impuissante. « Par le passé, j’ai souvent dû les laisser à leur sort, car je ne savais pas quoi faire », dit-elle.
Cette formation s’inscrit dans le cadre de l’action d’urgence que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) mène face à la crise humanitaire. Outre l’action face à la propagation ou aux menaces de maladies, la formation porte sur des problématiques telles que la malnutrition sévère, l’insécurité alimentaire et l’accès difficile aux services de base, y compris la santé, dans les six pays de la région du Sahel. L’OMS reconnaît que la violence basée sur le genre représente une menace pour le bien-être physique et mental des femmes et des filles, et que la plupart d’entre elles manquent de moyens pour s’attaquer à cette menace.
La violence basée sur le genre englobe la violence domestique, les abus, la traite de personnes, l’exploitation et le mariage forcé, des actes généralement perpétrés sur les femmes et sur les filles.
Selon le Dr Lako, étant donné que les femmes vont vraisemblablement entrer en contact avec des prestataires de soins de santé, surtout pendant leurs années de fécondité, elles sont plus disposées à faire confiance aux travailleurs de la santé pour révéler les violences qu’elles subissent. Sinon, elles ne le diront à personne, ou du moins à personne qui puisse les aider. Et parce que le signalement de la violence peut entraîner des répercussions sur les femmes qui en sont victimes, les prestataires de soins de santé ont besoin de conseils sur la façon de fournir de l’aide à ces victimes avec précaution et en toute confidentialité. Le Dr Lako explique que les travailleurs de la santé doivent savoir quelles mesures adopter et ce qu’il faut prendre en considération quand quelqu’un sollicite de l’aide pour violence conjugale.
La formation, renchérit-il, commence par le nécessaire respect de la confidentialité. La formation porte également sur la façon de communiquer avec les communautés pour leur faire savoir que la violence basée sur le genre est inacceptable et constitue un crime, mais qu’une aide est disponible. Il s’agit de savoir quand et à qui référer en toute confidentialité les personnes victimes de violence pour qu’elles puissent bénéficier des services dont elles ont besoin.
Au Nigéria, l’OMS est en train d’organiser à titre expérimental une formation sur la violence basée sur le genre à l’intention des travailleurs de la santé avant de la rendre disponible aux six pays de la région du Sahel. Jusqu’à présent, 385 travailleurs de la santé ont participé à ladite formation.
La formation organisée au Nigéria a permis aux travailleurs de la santé de fournir un appui direct à 3895 femmes et filles victimes de violence sexiste entre avril et juin 2022. Un chiffre en hausse par rapport aux 765 personnes qui ont bénéficié d’un soutien analogue au cours des trois premiers mois de l’année. Parmi ces personnes, 1967 femmes et filles ont été orientées vers un autre établissement de soins de santé pour des soins complémentaires. Et plus de 47 400 femmes et filles ont reçu des informations sur la violence basée sur le genre, ses conséquences et le rôle que les travailleurs de la santé jouent pour les personnes en quête d’aide.
La violence et l’insécurité dans la région du Sahel exacerbent la vulnérabilité des femmes et des filles.
À cause des tabous sur la divulgation des affaires familiales privées ou par crainte de représailles de leurs bourreaux, de nombreuses femmes et filles gardent le silence sur la violence dont elles sont victimes.
Même lorsque les femmes et les filles se manifestent, les données sur de tels incidents ne sont pas bien gérées, en particulier dans la région du Sahel qui connaît des déplacements massifs des communautés et des populations, une insécurité alimentaire extrême et des niveaux de pauvreté élevés. La conception de systèmes de gestion de l’information et de collecte de données sûrs fait aussi partie de la formation qui est dispensée aux prestataires de soins de santé.
La Dre Celine Laori, Directrice de la santé publique de l’État d’Adamawa, considère que la formation comble un énorme vide qui nécessitait une attention urgente. « Grâce à ces connaissances nouvellement acquises, les travailleurs de la santé peuvent désormais combler les lacunes et s’assurer que des réponses de qualité sont fournies en ce qui concerne les soins aux victimes de violence basée sur le genre », dit-elle.
Yadafa, qui se sentait démunie face aux femmes qu’elle savait victimes de violence, se sent désormais plus utile. « La formation sur la violence basée sur le genre m’a donné les connaissances nécessaires pour fournir des soins professionnels aux survivantes dans un cadre confidentiel, et je suis sûre qu’elles recevront désormais un soutien approprié et en temps utile dans notre établissement de santé ».