Auteur : Camille-Rose Lebœuf Bouchard
Organisation Affiliée : Université du Québec A Montréal
Type de document : Travail universitaire
Date de publication : Avril 2022
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Introduction
La plupart des conflits actuels se déroulent au sein des États. Leurs causes profondes comprennent souvent la pauvreté, la lutte pour des ressources limitées et les violations des droits de l’homme. Ils ont une autre caractéristique tragique en commun : les femmes et les filles en subissent les conséquences de manière disproportionnée.
Si les femmes et les filles vivent les mêmes traumatismes que le reste de la population – bombardements, famines, épidémies, exécutions de masse, torture, emprisonnement arbitraire, migration forcée, nettoyage ethnique, menaces et intimidation – elles sont également la cible de formes particulières de violence et d’abus, notamment la violence et l’exploitation sexuelles.
Si les femmes et les filles vivent les mêmes traumatismes que le reste de la population – bombardements, famines, épidémies, exécutions de masse, torture, emprisonnement arbitraire, migration forcée, nettoyage ethnique, menaces et intimidation – elles sont également la cible de formes particulières de violence et d’abus, notamment la violence et l’exploitation sexuelles.
Il va sans dire que cette vision de la guerre ne reflète pas la façon dont les conflits armés se déroulent dans la réalité, surtout dans l’ère moderne. Sans vouloir minimiser les rôles actifs que les femmes jouent depuis toujours dans la guerre (combattantes, activistes politiques, défenseuses de droits, mères, ouvrières, etc.), disons que le développement des méthodes et des tactiques de guerre a transformé l’espace géographique où les conflits armés se déroulent.
Le manque de reconnaissance des rôles joués par les femmes en temps de guerre et des répercussions que les conflits ont sur celles-ci a mené les chercheuses féministes à élaborer de nouvelles approches permettant de recentrer les études sur la guerre et la paix sur une vision sexospécifique. Depuis les années 80, un large éventail de littérature féministe sur la paix a été publié, ce qui a permis de remettre en question les visions masculines dominantes sur la sécurité et la paix.
Problématique
Les commissions de vérité et réconciliation constituent l’une des institutions emblématiques des processus de justice transitionnelle. Il s’agit d’un mécanisme clé pour parvenir à la réconciliation et à la création d’un nouvel ordre démocratique. Alors qu’avant les années 90, seulement 5 pays avaient mis en place des CVR, l’émergence du domaine de la justice transitionnelle a permis aux CVR de se multiplier. Aujourd’hui, il existe 58 CVR dans différents pays.
Les commissions de vérité et réconciliation constituent l’une des institutions emblématiques des processus de justice transitionnelle. Il s’agit d’un mécanisme clé pour parvenir à la réconciliation et à la création d’un nouvel ordre démocratique. Alors qu’avant les années 90, seulement 5 pays avaient mis en place des CVR, l’émergence du domaine de la justice transitionnelle a permis aux CVR de se multiplier. Aujourd’hui, il existe 58 CVR dans différents pays.
De nombreuses autrices féministes en matière de doctrine et spécialistes de la justice transitionnelle ont fait valoir l’importance des CVR comme structures permettant de tenir compte du genre dans le cadre des processus de reconstruction de la paix. Pour les femmes, ces mécanismes peuvent effectivement constituer une importante solution de rechange aux tribunaux.
Le féminisme libéral, le féminisme du positionnement et le féminisme post-moderne
Le droit international, sur lequel se fondent les processus de reconstruction de la paix et les mécanismes de justice transitionnelle, a longtemps été présenté comme un concept impartial et objectif qui devrait être appliqué de façon universelle. Cette prétention de neutralité et d’universalité a été fortement critiquée par les autrices féministes dès les années 80, car elle dissimulerait en fait les prémisses et fondements masculins qui sous-tendent le droit international.
Les tenants du féminisme du positionnement suggèrent donc plutôt d’entamer l’analyse des notions de paix et de sécurité à partir des différentes réalités vécues par les femmes en périodes de guerre et de paix.
Les tenants du féminisme du positionnement suggèrent donc plutôt d’entamer l’analyse des notions de paix et de sécurité à partir des différentes réalités vécues par les femmes en périodes de guerre et de paix.
Ils se demandent « si le savoir est une construction sociale et ne reflète que les intérêts des hommes […], le monde aurait-il une apparence fondamentalement différente, notre perception et notre compréhension seraient-elles très différentes, si le savoir était produit à partir de réalités différentes, de versions différentes du monde – de l’expérience des femmes ? ».
Au lieu d’intégrer les femmes aux théories déjà existantes, le féminisme du positionnement vise à construire l’analyse à partir d’un nouveau point de vue, celui des femmes dans différents contextes. Ainsi, il devient entre autres possible de montrer que les réalités des femmes ne s’insèrent pas nécessairement dans les catégories et les concepts de la paix et de la sécurité définis actuellement dans le droit international (DI).
Au lieu d’intégrer les femmes aux théories déjà existantes, le féminisme du positionnement vise à construire l’analyse à partir d’un nouveau point de vue, celui des femmes dans différents contextes.
Application du gender lens : la paix dans une perspective féministe
L’une des raisons pouvant expliquer ce problème a trait à la difficulté de départ de définir le concept de la paix. Cette difficulté est entre autres attribuable au fait que la majorité des chercheurs, des politiciens, des journalistes et des activistes estiment que la paix est un concept compris par tous. Pour cette raison, même dans l’important corpus de littérature académique sur le sujet, il manque encore une définition claire de ce qu’est la paix, et les définitions existantes sont souvent contradictoires.
Vision à long terme de la paix : reconnaissance de la violence structurelle
Les répercussions à court terme de la guerre sur les femmes ne sont pas les seuls obstacles à la paix auxquels elles font face. Au contraire, de nombreuses autrices féministes estiment que ce sont surtout les conséquences plus subtiles, ressenties à long terme, qui empêchent les femmes de bénéficier du contexte de paix. Cette situation est notamment due à la violence structurelle genrée qui perdure dans le contexte post-conflit.
Les répercussions à court terme de la guerre sur les femmes ne sont pas les seuls obstacles à la paix auxquels elles font face. Au contraire, de nombreuses autrices féministes estiment que ce sont surtout les conséquences plus subtiles, ressenties à long terme, qui empêchent les femmes de bénéficier du contexte de paix. Cette situation est notamment due à la violence structurelle genrée qui perdure dans le contexte post-conflit.
Les processus de négociation de paix sont donc profondément genrés puisque la décision des enjeux primordiaux, comme la division du pouvoir politique, la répartition du territoire, les arrangements institutionnels, etc., est intimement liée aux préoccupations des acteurs masculins. Les problématiques sous-jacentes, telles que la discrimination, la domination, les enjeux socioéconomiques, plus particulièrement en ce qui concerne les femmes, sont rarement traitées dans le cadre des négociations.
Aperçu du conflit et accord de paix
Tout au long des 11 années de conflit en Sierra Leone, petit pays ayant une population d’environ 4,5 millions d’habitants qui est situé au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest, le monde entier a regardé avec horreur se dérouler l’une des guerres civiles les plus sanglantes de la décennie. Ce conflit a particulièrement marqué l’humanité en raison de sa très longue durée ainsi que des actes de cruauté dont il a été le théâtre. « Les pires atrocités commises pendant la guerre ont ciblé la population civile. La guerre a été caractérisée par les attaques sur les citoyens non armés et impuissants ».
L’Accord comprend une clause selon laquelle l’amnistie ne s’appliquera pas aux personnes ayant commis des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou toute autre violation du droit international humanitaire. En raison de cette clause, l’Accord de Lomé tombe vite à l’eau, et les rebelles, qui procédaient au désarmement, reprennent les armes et se dirigent de nouveau vers Freetown.
L’Accord comprend une clause selon laquelle l’amnistie ne s’appliquera pas aux personnes ayant commis des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou toute autre violation du droit international humanitaire. En raison de cette clause, l’Accord de Lomé tombe vite à l’eau, et les rebelles, qui procédaient au désarmement, reprennent les armes et se dirigent de nouveau vers Freetown.
Mandat et composition
Afin d’assurer la participation des femmes non seulement en tant que membres du personnel, mais aussi en tant que témoins, la CVRSL a organisé une vaste campagne médiatique avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). La campagne visait à éduquer la population sur le mandat, le rôle, les étapes des travaux d’une CVR, les moments où la population peut participer à ces travaux ainsi que la différence entre la Commission et les autres mécanismes de justice transitionnelle, comme le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et le DDR.
Toutefois, cette campagne n’a pas eu les effets escomptés et n’a pas permis de bien faire comprendre aux populations locales le rôle et les procédures de la CVR. Elle visait essentiellement les victimes et les auteurs de violence. Sans tenir compte de la nature diverse des expériences vécues par différents groupes au cours du conflit, on a encouragé les membres de la population à venir participer à la Commission, en fonction de la catégorie, « victime » ou « auteur de crimes », à laquelle ils appartenaient.
Recommandations du rapport final
En ce qui concerne les femmes, le rapport recommande d’abord des réformes juridiques. Soulignant les inégalités structurelles dont souffrent les femmes, il suggère d’abroger toutes les lois (officielles et coutumières) qui sont discriminatoires envers les femmes, notamment les lois concernant le mariage, l’héritage, le divorce et la propriété des biens, qui avantagent toutes les hommes. La Commission a aussi demandé la codification des lois coutumières et religieuses du pays et un alignement des lois sur le droit international régissant les droits des femmes.
En ce qui a trait aux victimes de violence sexuelle, les recommandations de la CVRSL étaient nombreuses. Relativement aux réparations, la Commission a demandé au gouvernement de créer un fonds spécial pour les victimes du conflit. Les victimes de violence sexuelle étaient incluses dans la catégorie des victimes à qui des réparations devaient être offertes en priorité. La définition du terme « victime » n’établissait pas de distinction entre les anciennes combattantes et les civiles afin d’assurer au plus grand nombre possible de femmes l’accès aux réparations.
En ce qui a trait aux victimes de violence sexuelle, les recommandations de la CVRSL étaient nombreuses. Relativement aux réparations, la Commission a demandé au gouvernement de créer un fonds spécial pour les victimes du conflit. Les victimes de violence sexuelle étaient incluses dans la catégorie des victimes à qui des réparations devaient être offertes en priorité. La définition du terme « victime » n’établissait pas de distinction entre les anciennes combattantes et les civiles afin d’assurer au plus grand nombre possible de femmes l’accès aux réparations.
Conclusion
Les chercheuses féministes, quant à elles, ont été très critiques du fait que le genre n’était pas un enjeu central dans la justice transitionnelle et les processus de reconstruction de la paix en général. Elles ont entre autres signalé l’exclusion systématique des femmes de ces mécanismes et le manque de reconnaissance de leurs besoins en termes de paix et de sécurité.
Pour cette raison, les féministes ont longtemps demandé que les mécanismes de justice transitionnelle comme les CVR intègrent à leurs structures une approche de gender lens. C’est ce qui a mené à l’intégration d’un gender lens dans les travaux de nombreuses CVR, dont la plus reconnue est la CVR en Sierra Leone.
Ces visions féministes de la paix ont constitué le point de départ de l’analyse des travaux de la CVRSL. Cette dernière a déployé des efforts remarquables pour intégrer une approche de gender lens à son analyse, tout d’abord en considérant les femmes victimes de violence sexuelle comme une priorité dans son mandat et ensuite en facilitant leur participation au processus de témoignage.