Auteur : Karen Allen
Organisation affiliée : Institut d’Études de Sécurité
Type de publication : Article
Date de publication : 19 novembre 2019
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En novembre 2019, Facebook a révélé avoir désactivé plus de 200 faux comptes qui visaient à s’immiscer dans les processus électoraux de huit pays africains. Ces comptes étaient suivis par plus d’un million d’abonnés. Cela démontre que sans contre-mesures énergiques en la matière, l’Afrique risque de devenir un refuge pour les entités qui cherchent à manipuler les processus démocratiques par voie numérique.
Une enquête conjointe menée par Facebook et l’Observatoire de l’Internet de l’Université de Stanford a mis en évidence l’existence de campagnes concertées de désinformation numérique ayant des liens avec la Russie. L’enquête a établi qu’un réseau de comptes russes utilisait des faux comptes d’utilisateurs ou des comptes compromis afin d’interférer dans des processus électoraux à Madagascar, au Soudan, en Libye, en République centrafricaine (RCA), au Mozambique, en République démocratique du Congo, en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Les faits remontent à 2014 pour certains, à quelques semaines à peine pour d’autres.
La Russie n’est en aucun cas le seul acteur à l’origine de telles campagnes de désinformation numérique, mais son expansion en Afrique et ses efforts pour étendre sa sphère d’influence par le biais de contrats de défense et du commerce international sont bien documentés. Sa stratégie consiste à exploiter le sentiment anti-occidental sur le continent et à orienter ses messages en conséquence.
Bien que les tentatives d’orienter le récit politique en période électorale ne soient pas récentes, Internet constitue un nouvel outil permettant de toucher des publics à une vitesse sans précédent. Shelby Grossman, qui a dirigé l’enquête à l’Université de Stanford, affirme que : « Il est significatif qu’un acteur étranger cherche à orienter les affaires intérieures d’un État souverain, foulant ainsi aux pieds la démocratie. »
Une enquête conjointe menée par Facebook et l’Observatoire de l’Internet de l’Université de Stanford a mis en évidence l’existence de campagnes concertées de désinformation numérique ayant des liens avec la Russie. L’enquête a établi qu’un réseau de comptes russes utilisait des faux comptes d’utilisateurs ou des comptes compromis afin d’interférer dans des processus électoraux à Madagascar, au Soudan, en Libye, en République centrafricaine (RCA), au Mozambique, en République démocratique du Congo, en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Les faits remontent à 2014 pour certains, à quelques semaines à peine pour d’autres
Commentant l’annonce de la désactivation de ce réseau de faux comptes par Facebook, le Sud-Africain Dr. Nomsa Masuku, commissaire électoral et éminent universitaire, a déclaré que « l’écosystème numérique de l’Afrique doit être réformé ». Dr. Masuku s’est dit préoccupé par le recours à des opérateurs locaux, qui rend le traçage beaucoup plus « complexe ».
D’après les chercheurs, il y a quelques semaines à peine, des sites destinés à l’électorat mozambicain affirmaient que le parti d’opposition Résistance nationale mozambicaine avait signé un contrat avec la Chine, l’autorisant à déverser ses déchets nucléaires au Mozambique. Ces accusations absurdes n’ont toutefois pas été prises au sérieux, observe Grossman. Un certain nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux au Mozambique ont mis en cause l’authenticité de cette affirmation, soulignant que l’opposition n’avait en aucun cas compétence pour signer de tels contrats.
C’est de bon augure pour ceux qui préconisent des campagnes publiques d’alphabétisation numérique, qui constituent probablement le moyen le plus sûr de protéger les citoyens contre les manipulations. Cependant, en 2017, le taux de pénétration d’Internet au Mozambique ne représentait qu’environ 10 % ; en outre, d’autres priorités, telles que la santé, la scolarisation et la criminalité se disputent des ressources limitées.
La révélation selon laquelle Facebook a été utilisé pour influencer la participation, manipuler l’opinion publique ou propager des mensonges éhontés afin d’orienter des résultats politiques à notre porte est préoccupante. Cela s’ajoute au débat actuel sur la question de savoir si et à quel moment les entreprises de nouvelles technologies doivent rester « totalement neutres » ou supprimer de façon proactive les comptes qui, sciemment, diffusent des campagnes de désinformation.
Le personnel de Facebook fait de plus en plus pression sur l’entreprise afin qu’elle prenne position. Maintenant qu’elle a rendu publique son enquête sur l’Afrique, l’entreprise attire l’attention sur son projet de « centre de contrôle du contenu » basé au Kenya, qui aura pour mission de filtrer les contenus dans un certain nombre de langues vernaculaires. Cela semble indiquer que, pour ne pas trop entacher leur réputation, les entreprises de nouvelles technologies comme Facebook doivent cesser de tergiverser et exercer leur devoir de diligence envers leurs clients.
La méfiance à l’égard des médias traditionnels et la liberté d’expression limitée dans de nombreuses régions d’Afrique ont permis à des réseaux sociaux comme Facebook de se positionner comme héraut de la liberté d’expression brute. Cependant, la question de savoir si les utilisateurs font davantage confiance à Facebook qu’aux médias traditionnels reste ouverte. Si la réponse est positive, alors le pouvoir de Facebook pourrait bien s’en trouver amplifié.
Cela s’ajoute au débat actuel sur la question de savoir si et à quel moment les entreprises de nouvelles technologies doivent rester « totalement neutres » ou supprimer de façon proactive les comptes qui, sciemment, diffusent des campagnes de désinformation
Theo Watson, avocat chez Microsoft (qui possède un certain nombre de réseaux sociaux), affirme que l’Afrique doit « utiliser les technologies pour renforcer les démocraties, et les processus et structures démocratiques qui la sous-tendent ». Il met toutefois en garde : « Nous devons aussi nous perfectionner et apprendre par nous-mêmes afin de prendre conscience des dangers et des inconvénients des nouvelles technologies. »
En 2021, ce sont près d’une douzaine de campagnes électorales de premier plan qui se dérouleront en Afrique. Comme l’a montré la saga de Cambridge Analytica, la Russie et la Chine n’ont pas le monopole de la manipulation électorale. Ainsi, partout en Afrique, comme dans le reste du monde, il n’est plus possible de rester indifférent face à la menace de sabotage numérique.
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