Auteur : Audrey Kettaneh
Site de publication : GFMER
Type de publication : Rapport
Date de publication : Mai 2022
En Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), 64% de la population est âgée de moins de 24 ans, et la population adolescente (10-19 ans) de la région devrait augmenter de 37% d’ici 2030 (passant de 120 millions à 164 millions). Si cette population était éduquée, en bonne santé, et bénéficiait d’un emploi décent, la région pourrait alors profiter du dividende démographique. Des obstacles majeurs existent, tels que le manque d’accès à une éducation de qualité, la déscolarisation, les violences basées sur le genre (VBG), et les grossesses précoces et non désirées (GPND).
L’éducation et la santé étant au cœur des engagements internationaux et des programmes gouvernementaux en AOC, et conscients des défis auxquels les adolescents et jeunes sont confrontés, les représentants de 17 pays ont lancé un appel (Appel de Dakar, 2015) pour un engagement politique de haut niveau. En novembre 2018, lors d’une conférence sur la santé sexuelle et reproductive (SSR) et l’éducation et l’information complètes 8 (EIC) ayant réuni plus de 120 représentants de 22 pays de l’AOC, les liens entre santé, résultats scolaires et déscolarisation furent discutés et les causes identifiées. Pour la plupart des pays, la lutte contre les grossesses précoces et non désirées (GPND), la précocité des premiers rapports sexuels, les mariages d’enfants, le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST), la consommation de substances psychoactives, les violences sexuelles et basées sur le genre, la déscolarisation et en faveur de l’accès à l’école et à l’éducation, sont des priorités nécessitant un renforcement de la volonté politique et une intensification des efforts.
La taille des budgets alloués à l’éducation et la santé, tout comme les efforts considérables mis en œuvre pour répondre aux besoins des adolescents et jeunes, attestent de l’importance de ces secteurs dans la région. Tous les pays de la région ont des programmes d’éducation à la santé et à la sexualité, et des programmes de SSR.
Les pays de la région espèrent tirer profit du dividende démographique grâce à la proportion élevée d’adolescents et jeunes, mais, pour ce faire, ceux-ci doivent être en bonne santé, éduqués et avoir un emploi décent.
L’inégalité de genre est une question transversale importante. Le genre et d’autres normes sociales entraînent des risques sanitaires accrus pendant l’adolescence, une période où les adolescents ont le moins accès aux services préventifs et curatifs. Le mariage d’enfants, en particulier, est un facteur de risque de grossesse précoce, avec les complications sanitaires qui en découlent pour les adolescentes et les jeunes femmes. Il est également lié aux abandons scolaires, privant les filles des effets protecteurs de l’éducation. Les TIC prennent de plus en plus d’importance et l’accès aux réseaux sociaux (via les téléphones portables) et aux médias (télévision, radio) se développe, bien qu’il existe des disparités d’accès entre les zones urbaines et rurales. Si les filles et les jeunes femmes ont moins accès au numérique que leurs homologues masculins, les TIC représentent néanmoins une opportunité de fournir des informations critiques aux adolescents et aux jeunes.
La situation des adolescents et des jeunes en AOC
L’éducation
Des progrès notables sont constatés dans le secteur de l’éducation en AOC. Entre 2000 et 2019, la région a considérablement réduit le taux d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire non scolarisés (voir graphique ci-dessus). Le taux de fréquentation scolaire dans le secondaire s’est aussi amélioré.
Cependant, au moins 23 millions d’enfants, adolescents et jeunes ne sont toujours pas scolarisés en AOC (sachant que ce nombre pourrait doubler si les 25 pays de l’AOC étaient inclus dans les statistiques). Les estimations de l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU) sur les taux de non-scolarisation des adolescents (des deux sexes) montrent une amélioration au fil du temps. En dix ans, le Niger a fait plus de progrès qu’entre 1975 et 2000.
Les progrès dans le secteur de l’éducation ne sont pas uniformes. Des disparités entre les sexes et entre les pays persistent. Le Ghana, Cabo Verde, le Togo et Sao Tomé-et-Principe ont les taux les plus élevés de scolarisation et le moins de disparités entre les sexes. . Dans certains pays, la disparité favorise les filles, comme au Burkina Faso, Burundi, Cabo Verde, Mauritanie, Sao Tomé-et Principe et Sénégal, mais dans la majorité des cas, elle est plutôt en faveur des garçons. Seulement 33% des filles de la région achèvent leurs études. La disparité des taux d’achèvement entre les sexes se répercute sur le taux d’alphabétisation des jeunes (15-24 ans) : en 2019, ce dernier était de 73% pour les garçons et 60% pour les filles.
La santé
Le pourcentage élevé d’adolescents et jeunes qui ont commencé leur vie sexuelle avant l’âge de 18 ans plaide non seulement pour un meilleur accès et une meilleure utilisation des services SSR adaptés à leurs besoins et à une EIC de qualité mise en œuvre dès le primaire, mais aussi pour l’établissement d’un cadre légal, politique et social propice aux programmes dans ce domaine. Au moins 16% des filles et 12% des garçons âgés de 15 à 24 ans en AOC sont devenus sexuellement actifs avant l’âge de 15 ans.
Les grossesses précoces et non désirées (GPND) sont responsables de la déscolarisation de nombreuses filles, ainsi que de complications de santé, dont l’une des conséquences est un taux de mortalité néonatale plus élevé que la norme. Les GPND contribuent également de manière significative au taux élevé de mortalité maternelle dans certains pays de la région. Dans la région, 33% des femmes ont accouché avant l’âge de 18 ans, et 3,5% des adolescentes avant l’âge de 15 ans.
Les GPND sont étroitement corrélées avec un nombre de facteurs interconnectés tels que les niveaux économique et d’éducation, les connaissances sur la SSR, les mariages d’enfants, ainsi que l’accès et l’utilisation de services de SSR. Ces facteurs peuvent réduire ou amplifier les risques.
Santé maternelle
Les mêmes freins en matière d’accès et d’utilisation des services de SSR existent pour les soins prénataux, affectant ainsi la santé maternelle des adolescentes. Il existe un lien direct entre la mortalité maternelle et l’accès aux services de santé (soins prénataux et présence d’un prestataire de santé qualifié durant l’accouchement). Le Gabon, qui enregistre l’un des taux de mortalité maternelle les plus bas de la région pour la tranche d’âge de 20-24 ans, détient le plus haut pourcentage d’accès aux soins prénataux et d’accouchement en présence d’un prestataire de santé qualifié.
Les adolescents et jeunes vivant avec un handicap – un risque accru
Les adolescents et jeunes vivant avec un handicap sont parmi les groupes les plus vulnérables et marginalisés. Ils ont une probabilité moindre d’être scolarisés, d’accéder aux services de santé (obstacles physiques et financiers, prestataires non formés sur le handicap), de pouvoir s’autonomiser ou d’avoir leurs besoins pris en compte. De plus, il est estimé que 80% des personnes de ce groupe de population vivent sous le seuil de pauvreté.
Les jeunes vivant avec un handicap présentent un taux plus élevé de comportements à risque pour la santé, un risque plus élevé d’être exposés à tous les types de violence, y compris les abus sexuels44, ainsi qu’un risque plus élevé de blessures involontaires et de décès prématuré.
Une enquête conduite au Burkina Faso, Niger, Guinée Bissau et Cabo Verde note que la prévalence du VIH observée chez les personnes vivant avec un handicap était supérieure à celle de la population générale, et que les personnes de ce groupe se retrouvaient également engagées dans des pratiques sexuelles à risque.
Santé mentale
L’OMS note que les comportements autodestructeurs (qui incluent le suicide) représentent la deuxième cause de décès chez les adolescents les plus âgés. L’impact et la prévalence de troubles mentaux et du comportement ne sont pas bien quantifiés en Afrique, et encore moins en AOC. Néanmoins, les estimations globales indiquent une augmentation des cas de troubles mentaux, et il est probable qu’il en soit de même en AOC.
L’éducation des adolescents et jeunes est affectée non seulement par leur propre santé, mais aussi par la situation sanitaire à l’échelle nationale. Des épidémies telles que celles de la COVID-19 ou d’Ébola ont un impact majeur sur le système éducatif. Elles entraînent, entre autres, des fermetures d’écoles et l’interruption des programmes de nutrition scolaire, mais aussi réduisent les chances des plus vulnérables de poursuivre leurs études, renforcent les inégalités, affectent l’apprentissage, augmentent le risque de GPND, de mariages d’enfants, de violences et d’abandon scolaire pour des raisons économiques, tout en affectant la santé physique et mentale des étudiants.