Organisations affiliées : La Banque Mondiale
Type de publication : Rapport
Date de publication : Décembre 2021
Une bonne éducation pour tous est la clé d’un meilleur avenir à long terme pour la région du Sahel. L’éducation améliore l’employabilité et les revenus, réduit les écarts entre les sexes, sort les familles de la pauvreté, renforce les institutions et produit des bénéfices qui se répercutent sur la génération suivante.
La bonne nouvelle est que la région a pris les premières mesures importantes pour construire cet avenir. Beaucoup plus d’enfants ont pu accéder à l’éducation au cours des 15 dernières années : les inscriptions dans la région ont presque doublé dans l’enseignement primaire et triplé dans l’enseignement secondaire. Par ailleurs, les gouvernements ont lancé de nombreuses initiatives et annoncé des engagements de haut niveau en faveur de l’éducation.
Pourtant, de nombreux enfants ne sont toujours pas scolarisés et ceux qui le sont apprennent beaucoup moins qu’ils ne le devraient. Parmi les enfants de la région en âge de fréquenter l’école primaire, 40 pour cent ne sont pas scolarisés. En outre, le taux de pauvreté éducative de la région est de 88 pour cent, ce qui signifie que seuls 12 pour cent des enfants sont scolarisés et capables de lire et de comprendre un texte adapté à leur âge à la fin du primaire. L’accès est encore plus faible à d’autres niveaux d’éducation : le taux de scolarisation est inférieur à 56 pour cent dans le premier cycle du secondaire dans l’ensemble du G5 Sahel et se situe entre 2 et 10 pour cent dans le pré primaire et le supérieur.
De nombreux facteurs font obstacle à la réalisation du plein potentiel de l’éducation au Sahel. En plus du fait que les conditions dans les écoles et dans les classes soient peu propices à l’apprentissage, il existe des défis moins perceptibles qui touchent le système éducatif dans sa totalité, et d’autres qui se rapportent aux normes sociales et qui s’étendent au-delà du système éducatif.
Parmi les enfants de la région en âge de fréquenter l’école primaire, 40 pour cent ne sont pas scolarisés
- Au niveau sociétal, la région du Sahel est accablée par des niveaux élevés d’extrême pauvreté, de croissance démographique, de conflits et de changement climatique, encore exacerbés par la crise de Covid-19. Tout cela signifie que les éducateurs travaillent dans des conditions d’enseignement et d’apprentissage parmi les plus difficiles au monde.
- Au niveau de l’école et de la communauté, de nombreux obstacles entravent directement l’apprentissage des enfants. Tout d’abord, les carences en matière de développement de la petite enfance font que la plupart des enfants ne sont pas préparés à apprendre et sont piégés dans un cycle intergénérationnel de faible capital humain. Les pénuries de moyens d’enseignement et d’apprentissage, ainsi que l’inaccessibilité et l’inadéquation des infrastructures scolaires, limitent encore davantage l’accès et l’apprentissage.
- Les systèmes éducatifs ne parviennent pas à soutenir les efforts d’amélioration dans les écoles. La capacité de gestion du système est faible, en raison du manque d’information et de la politisation de la direction, et les politiques et programmes manquent de la cohérence nécessaire pour se compléter.
Si le manque d’argent n’est pas à l’origine de tous ces problèmes, un budget limité et dépensé de manière inefficace sape les efforts déployés pour les résoudre. Seuls environ 3 pour cent du PIB de la région sont consacrés à l’éducation, ce qui est inférieur aux 4 pour cent de l’Afrique subsaharienne et aux 6 pour cent de la norme internationale.
Mais il existe de nombreuses raisons d’espérer. Les communautés jouent un rôle clé dans la création et l’amélioration des écoles, et dans une région où les capacités du gouvernement sont faibles, leur participation peut renforcer la qualité des services. De même, les partenariats public-privé peuvent étendre la portée de l’État, dans une région où les prestataires privés religieux et laïques scolarisent déjà une grande partie des enfants. Les expériences menées dans la région suggèrent que la formalisation des écoles informelles et l’intégration de matières académiques peuvent permettre d’atteindre les nombreux enfants et jeunes non scolarisés du Sahel qui s’inscrivent dans les écoles coraniques informelles. Un autre atout est la coopération régionale, qui peut soutenir le travail sur des problèmes communs.
La région peut s’appuyer sur ces points forts en adoptant la bonne stratégie – une stratégie qui priorise un nombre limité de changements de comportement permettant de réaliser des progrès dans les domaines les plus prioritaires. La région est confrontée à trop de défis en matière d’éducation pour leur accorder à tous la même priorité. Au contraire, un programme qui donne la priorité aux facteurs de changement à court et moyen terme, combiné à des politiques de renforcement du système à long terme, peut apporter des améliorations mesurables en matière de scolarisation et d’apprentissage équitables dans les 3 à 5 prochaines années.
Si le manque d’argent n’est pas à l’origine de tous ces problèmes, un budget limité et dépensé de manière inefficace sape les efforts déployés pour les résoudre. Seuls environ 3 pour cent du PIB de la région sont consacrés à l’éducation
La stratégie de la Banque au Sahel consistera à aider les pays à utiliser des interventions qui changent la donne pour atteindre trois objectifs essentiels :
- Réduire la pauvreté éducative par une action immédiate et concertée visant à améliorer le développement de la petite enfance, à élargir l’accès à une école primaire décente et à améliorer l’efficacité de l’enseignement en début de scolarité.
- Accroître l’éducation des filles en combinant des interventions du côté de l’offre et de la demande, telles que des partenariats public-privé pour développer la scolarisation et les bourses d’études pour les filles.
- Augmenter le taux d’alphabétisation des jeunes adultes, en mettant l’accent sur les jeunes femmes.
Les pays ont également besoin d’un engagement politique de haut niveau, qui soit accompagné d’un meilleur suivi et d’une meilleure évaluation, mais aussi d’une plus grande implication des communautés, le tout adapté aux conditions difficiles du Sahel. Le budget actuel de l’éducation étant limité, un signe majeur d’engagement devrait être une augmentation du financement public de l’éducation.
Les pays du Sahel comptent près d’un million d’enfants d’âge scolaire supplémentaires par an et, à ce rythme d’amélioration historique, la région n’atteindra même pas l’objectif de scolarisation primaire universelle avant au moins 2045
Pour réaliser le potentiel de l’éducation au Sahel, il est également crucial de retenir les enfants et les jeunes qui sont déjà dans le système et de fournir des programmes de seconde chance à ceux qui l’ont quitté. Pour un impact maximal, les politiques de rétention doivent commencer avant l’école secondaire et les programmes de remédiation doivent être flexibles et étroitement liés au système éducatif formel.
Les pays du Sahel comptent près d’un million d’enfants d’âge scolaire supplémentaires par an et, à ce rythme d’amélioration historique, la région n’atteindra même pas l’objectif de scolarisation primaire universelle avant au moins 2045.
Toutefois, les opportunités abondent et la région a de nombreux succès et atouts à mettre à profit. Elle a réussi à scolariser un nombre beaucoup plus élevé d’enfants au cours des dernières décennies, parvenant à augmenter les taux de scolarisation malgré une croissance démographique galopante. La région peut s’appuyer sur les forces de ses communautés qui peuvent compenser les faiblesses de capacités du gouvernement. La vitalité du secteur privé de l’éducation est un autre atout potentiel de la région qui pourrait être un puissant moteur d’avancement si les politiques parviennent à l’orienter vers la réalisation d’objectifs sociétaux.