Auteurs : Bureau régional du HCR pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale, Education Cannot Wait, Norwegian Refugee Council.
Site de publication : ECW
Type de publication : Rapport national
Date de publication : 9 novembre 2023
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Depuis 2012, le Mali connaît une crise sociopolitique sans précédent qui a entraîné l’occupation des régions du Nord et de nombreux cercles du centre du pays par des groupes armés. Le nombre d’incidents sécuritaires (toute cause confondue) est en nette hausse et a été multiplié par 6 entre 2012 et 2021. Ce sont 166 et 1 327 incidents sécuritaires qui ont été enregistrés respectivement en 2012 et en 2021. Le nombre de décès liés à ces incidents est également en forte augmentation : 528 en 2012 contre 1 905 en 2021. De janvier à mai 2022, 1 907 décès pour des raisons d’incidents sécuritaires ont été déjà enregistrés.
Les raisons de non-fonctionnalité des écoles sont principalement liées aux menaces des groupes armés, l’absence d’enseignants/élèves par peur des attaques, les conflits intercommunautaires, les pillages et destructions d’infrastructures et matériels scolaires et le manque d’enseignants (besoin en personnel). Si la première raison (menaces des groupes armés) est la plus évoquée dans presque toutes les régions, à Kidal, la deuxième raison (absence d’enseignants/élèves par peur) est la plus citée. La fermeture des écoles augmente la vulnérabilité des différentes populations, particulièrement les jeunes filles. Cette situation engendre en effet un risque important de déscolarisation, souvent définitive, alors qu’elles sont déjà moins scolarisées que les garçons. En effet, au Mali, les filles ont 8 % de chances de moins que les garçons d’accéder à l’éducation primaire et 15 % à l’éducation secondaire.
Les facteurs de scolarisation d’un enfant sont liés non seulement à l’offre scolaire et aux caractéristiques de leur environnement familial, mais également à leurs propres caractéristiques. Comme le souligne la littérature sur la demande familiale de scolarisation (Baux & Pilon, 2002) les raisons de la (ou de la non) scolarisation des enfants dans le même ménage peuvent être différentes. Par exemple, à un certain âge un enfant peut décider lui-même de quitter l’école parce que celle-ci ne répond pas à ses aspirations ou parce qu’il ne voit pas l’intérêt de continuer. Certaines filles sans aucun lien de parenté avec le ménage mais accueillies par celui-ci pour des raisons d’aide-ménagère auront moins de chances d’être scolarisées que les autres enfants du ménage.
Pour une intervention mieux ciblée, il est important d’interroger chaque enfant sur les raisons de leur non-scolarisation comme cela se fait dans les enquêtes classiques auprès des ménages. Les besoins en éducation ne peuvent pas être évalués de la même manière que les besoins en eau, assainissement ou abris qui se situent au niveau macro (ménage) et non individuel (enfant). Les raisons de non-scolarisation doivent être analysées au niveau de l’enfant et non au niveau du ménage. Par contre, la dimension de l’offre scolaire (par exemple, les infrastructures disponibles, la distance par rapport à l’école, etc.) peut être évaluée au niveau du ménage.
Motifs de non-inscription des enfants à l’école
Plusieurs raisons pourraient concomitamment justifier la non-inscription à l’école des enfants. Le travail domestique est la contrainte principale de la non-inscription à l’école des enfants déplacés internes. Par contre, chez les autres catégories, l’absence de l’école est citée comme la principale raison de non-scolarisation. Cette absence d’écoles ressort également dans les discours des interviewés au niveau local comme une barrière de scolarisation des enfants surtout réfugiés. D’autres raisons non négligeables sont également citées par les enfants réfugiés et les enfants déplacés internes pour justifier leur non-scolarisation. Il s’agit entre autres des raisons financières, de la distance à l’école, du manque de place dans les écoles et de l’insécurité.
Les facteurs de scolarisation d’un enfant sont liés non seulement à l’offre scolaire et aux caractéristiques de leur environnement familial, mais également à leurs propres caractéristiques. Comme le souligne la littérature sur la demande familiale de scolarisation (Baux & Pilon, 2002) les raisons de la (ou de la non) scolarisation des enfants dans le même ménage peuvent être différentes. Par exemple, à un certain âge un enfant peut décider lui-même de quitter l’école parce que celle-ci ne répond pas à ses aspirations ou parce qu’il ne voit pas l’intérêt de continuer. Certaines filles sans aucun lien de parenté avec le ménage mais accueillies par celui-ci pour des raisons d’aide-ménagère auront moins de chances d’être scolarisées que les autres enfants du ménage
Motifs de l’arrêt des études
S’agissant des enfants déplacés internes, les principales raisons citées par ordre d’importance : les contraintes financières et le travail rémunéré. Ces raisons montrent des conditions économiques difficiles pour ces enfants contraints à abandonner l’école par manque de moyen et à exercer des activités rémunérées. Quant aux enfants réfugiés, le travail domestique, les mauvais résultats et le travail rémunéré sont les principales raisons d’abandon scolaire. En effet, les enfants sont sollicités dans les travaux domestiques et/ou rémunérés. Cette situation a pour conséquence les mauvais résultats synonymes d’abandon scolaire.
Des motifs additionnels pour la déscolarisation des filles : les grossesses et les mariages d’enfants
Le mariage d’enfants est une réalité au Mali. L’enquête Démographique et de Santé (EDS) réalisée en 2018 montre que 53,7 % des femmes de 20-24 ans se sont mariées avant l’âge de 18 ans. C’est aussi une cause importante de déscolarisation des filles. Contrairement à la grossesse précoce, l’effet du mariage d’enfants sur l’abandon scolaire est une réalité constatée par une proportion non négligeable de ménages. Ce constat est plus important au sein des déplacés internes que dans les autres communautés. En effet, 48,0 % des ménages déplacés internes disent avoir constaté l’abandon des filles pour raison de mariage précoce au sein de leur communauté.
Les raisons de mariage d’enfants sont multiples et multiformes : l’inégalité de genre, la pauvreté, la tradition, l’absence de certificat de naissance, la non-application des lois et les situations d’urgence. Concernant l’inégalité de genre, les filles sont mariées jeunes car elles sont considérées comme un poids pour la famille et que leur bien-être n’est pas une priorité. S’agissant de la pauvreté, la fille est souvent considérée comme un fardeau et son mariage permet aux parents d’avoir une bouche en moins à nourrir, de s’enrichir et de créer des alliances stratégiques avec une autre famille.
Effets de l’environnement scolaire sur la scolarisation des enfants en situation d’urgence
Absence de l’alimentation scolaire, un effet négatif sur la scolarisation des enfants
L’alimentation scolaire est une variable importante à prendre en compte dans l’inscription et le maintien dans enfants à l’école notamment dans ce contexte d’urgence où la plupart des ménages vivent dans l’insécurité alimentaire. Son absence joue un rôle négatif important dans la scolarisation des enfants en situation de déplacement forcé confronté déjà à des conditions de vie difficile. Par contre, la présence d’une cantine scolaire améliore l’assiduité des enfants à l’école, leur apprentissage, aide à lutter contre la faim, les sensibilisent aux régimes alimentaires sains mais permet aussi d’encourager l’égalité filles-garçons en garantissant l’accès des filles à l’école, réduisant ainsi le risque de mariage d’enfants et de grossesse précoce (RP/NU, 2021). L’alimentation scolaire rend le système éducatif attrayant aussi bien pour les élèves que les parents dans une situation de crise alimentaire.
Plusieurs raisons pourraient concomitamment justifier la non-inscription à l’école des enfants. Le travail domestique est la contrainte principale de la non-inscription à l’école des enfants déplacés internes. Par contre, chez les autres catégories, l’absence de l’école est citée comme la principale raison de non-scolarisation. Cette absence d’écoles ressort également dans les discours des interviewés au niveau local comme une barrière de scolarisation des enfants surtout réfugiés. D’autres raisons non négligeables sont également citées par les enfants réfugiés et les enfants déplacés internes pour justifier leur non-scolarisation. Il s’agit entre autres des raisons financières, de la distance à l’école, du manque de place dans les écoles et de l’insécurité
Une distance à l’école plus défavorable aux enfants réfugiés
La distance à l’école est un élément important dans la scolarisation des enfants. Les enfants des déplacés internes déclarent davantage l’effet négatif de la distance sur leur parcours scolaire que les autres enfants. Ce discours d’un acteur au niveau local est assez évocateur de l’effet de la distance sur la scolarisation des enfants.
Absence de latrines scolaires défavorable à la scolarisation des filles
Une proportion non négligeable d’enfants a déclaré que l’absence de latrines scolaires a joué défavorablement dans leur parcours scolaire. Ce phénomène est davantage mentionné par les enfants de la communauté que les autres enfants. Ce phénomène pourrait également aggraver les difficultés de gestion des menstrues dont sont victimes les filles comme l’atteste cet extrait issu des entretiens réalisés sur le terrain.
Effectifs pléthoriques défavorables à la scolarisation des enfants en situation de crise
Les effectifs pléthoriques affectent négativement les performances scolaires des enfants. Cette situation est davantage mentionnée par les enfants réfugiés que les autres catégories d’enfants. En effet, l’arrivée massive des déplacés internes ou des réfugiés dans les zones non préparées en termes d’infrastructures scolaires contribuent à mettre une forte pression sur les ressources éducatives.
Recommandations
- Assurer la prise en main des questions de protection de l’enfant (mariage d’enfants et des grossesses précoces) et des violences basées sur le genre en milieu scolaire par le cluster protection en coordination avec le cluster éducation via des stratégies efficaces de communication, les codes de bonne conduite, de renforcement de capacités des acteurs locaux de l’éducation que sont les enseignants et les parents d’élèves.
- Mettre en place des actions qui favorisent l’intégration des enfants réfugiés ou déplacés internes dans leur nouvelle communauté.
- Sensibiliser les partenaires à s’impliquer davantage dans l’accroissement des capacités d’accueil des établissements scolaires au fondamental 2.
- Renforcer la prise en compte des besoins spécifiques des enfants dans la construction des infrastructures scolaires (latrines séparées pour les filles, les rampes d’accès pour les enfants handicapés) et dans la dotation des Kits de dignité aux filles.
- Soutenir les actions de prise en compte des alternatives éducatives à travers la mise en place d’environnement adéquat d’apprentissages (medersas voire écoles coraniques).
- Soutenir des initiatives locales de pérennisation des cantines scolaires. Par exemple, les cantines endogènes pourraient être envisagées cette fois-ci en tenant compte de la situation de la vulnérabilité des ménages en déplacement forcé.
- Poursuivre l’adaptation des programmes d’éducation en vue de la certification des élèves réfugiés.
- Développer des mesures incitatives (bourses scolaires, kits scolaires, habillement, primes pour les meilleurs élèves, etc.) pour l’accès et le maintien à l’école des enfants en situation de déplacement forcé à risque d’abandon scolaire ou de non-scolarisation.
- Intégrer les besoins des enfants réfugiés dans les analyses, la planification et la réponse humanitaire du cluster éducation.
- Réaliser une meilleure coordination des actions humanitaires pour une cohérence des interventions pour permettre que les réponses puissent être mieux réparties dans l’espace et dans le temps au point que les acteurs puissent avoir accès à l’information juste pour agir efficacement dans les zones à forts défis sécuritaires.