Site de publication : UNESCO
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2022
On observe de grandes disparités entre les pays, certains ayant fermé les écoles pendant toute la période tandis que d’autres les ont toujours maintenues ouvertes. Cette situation a incontestablement nui aux résultats d’apprentissage, bien que la diversité des expériences en ce qui concerne la durée des fermetures d’écoles et la continuité de l’apprentissage implique que les répercussions différeront d’un pays à l’autre et d’un apprenant à l’autre. Peu d’éléments suggèrent que les pouvoirs publics ont investi dans des cours de rattrapage, notamment pour aider les élèves défavorisés, et des incertitudes entourent la capacité des apprenants à rattraper le retard accumulé. Les données relatives aux inscriptions sont insuffisantes, mais des cas isolés ne semblent pas indiquer de baisse des inscriptions dans l’enseignement primaire et secondaire.
Les filles ont rattrapé leur retard, voire inversé la tendance en matière d’accès et d’achèvement
Depuis 20 ans, les écarts entre les genres en matière de scolarisation et de fréquentation se réduisent. À l’échelle mondiale, l’écart entre les filles et les garçons dans les taux de non-scolarisation est désormais proche de zéro dans les trois niveaux d’éducation, même si les régions ne progressent pas toutes au même rythme.
L’Afrique subsaharienne est la région la plus en retard en ce qui concerne la parité. Elle non plus n’a pas connu d’amélioration ces dix dernières années.
Derrière ces chiffres globaux se cachent encore des poches d’exclusion. En Afrique subsaharienne, la Guinée et le Togo figurent parmi les pays présentant les plus grands écarts entre les genres au détriment des jeunes femmes en âge de fréquenter le deuxième cycle du secondaire, avec un taux de non-scolarisation des filles dépassant de 20 points de pourcentage celui des garçons. Le Cameroun, l’Ouganda, le Tchad et la Zambie affichent un écart d’environ 15 points de pourcentage.
En Afrique subsaharienne, les disparités entre les genres au détriment des jeunes femmes sont généralement plus importantes lorsque les taux globaux de non-scolarisation sont élevés. Il est donc probable que ces écarts se résorbent, voire que la situation s’inverse avec la diminution des taux de non-scolarisation.
Toutefois, malgré des niveaux de développement éducatif similaires, les pays suivent des trajectoires différentes, même au sein des sous-régions africaines. Ainsi, en Côte d’Ivoire, en Guinée et en République centrafricaine, les écarts n’ont quasiment pas évolué, tandis que dans les pays voisins d’Afrique de l’Ouest, comme le Burkina Faso, la Gambie et la Mauritanie, ces écarts se sont résorbés ou inversés. Cependant, le fait de combler les écarts entre les genres ne s’accompagne pas nécessairement d’une amélioration globale de la fréquentation scolaire. Au Burkina Faso, les effets des conflits et des déplacements se font fortement ressentir depuis 2017 et ont entravé les progrès. Les pouvoirs publics doivent examiner les causes de la non-scolarisation des enfants, des adolescents et des jeunes afin de comprendre les répercussions possibles des politiques, y compris celles susceptibles de toucher les garçons et les filles de manière différente.
Les filles obtiennent généralement de meilleurs résultats d’apprentissage que les garçons, mais ne font pas partie des meilleurs élèves en mathématiques
Dans l’enseignement primaire, les filles sont plus nombreuses à atteindre le niveau d’aptitude minimal en lecture que les garçons. Dans les petites classes, l’écart entre les genres est défavorable aux filles dans seulement cinq pays, tous situés en Afrique subsaharienne. Parmi eux, deux appartiennent à la catégorie des pays à revenu faible (le Tchad et la République démocratique du Congo), deux à la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (le Bénin et la Côte d’Ivoire) et un à celle des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (le Gabon). Sur ces cinq pays, seuls les deux pays à revenu faible présentent de petites disparités au détriment des filles à la fin du primaire.
En Afrique subsaharienne, les disparités entre les genres au détriment des jeunes femmes sont généralement plus importantes lorsque les taux globaux de non-scolarisation sont élevés. Il est donc probable que ces écarts se résorbent, voire que la situation s’inverse avec la diminution des taux de non-scolarisation
Les garçons ont généralement de meilleurs résultats que les filles en mathématiques, surtout dans les petites classes. Ainsi, l’écart entre les genres en faveur des garçons en 2e année s’élevait à 13 points de pourcentage au Tchad, à 10 points au Bénin et à 8 points en République démocratique du Congo, d’après les résultats du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Conférence des ministres de l’éducation des États et gouvernements de la Francophonie (PASEC), ainsi qu’à 8 points au Canada parmi les élèves de 4 e année ayant participé à l’Étude internationale sur les tendances de l’enseignement des sciences et des mathématiques (TIMSS).
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir poursuivre des études supérieures
On observe désormais des disparités au détriment des hommes dans toutes les régions du monde hormis en Afrique subsaharienne, où aucune progression n’a été enregistrée dans les années 2000. L’indice de parité entre les genres a en effet stagné à 67 femmes inscrites pour 100 hommes jusqu’en 2011. Depuis cette date, ce nombre augmente régulièrement et a atteint 76 femmes inscrites pour 100 hommes en 2019.
En République-Unie de Tanzanie, le nombre de femmes inscrites pour 100 hommes est passé de 31 en 2000 à 84 en 2020. Cependant, en dépit des progrès réalisés, l’écart entre les genres dans l’enseignement supérieur reste important dans certains pays, avec seulement 47 femmes inscrites au Bénin, 55 au Burkina Faso et 60 en Éthiopie pour 100 hommes.
L’élimination des écarts entre les genres dans l’enseignement doit encore se traduire par la parité dans l’alphabétisme des adultes
À l’échelle mondiale, on estime que 771 millions d’adultes ne possédaient pas les compétences de base en lecture et en écriture en 2020, parmi lesquels 98 millions étaient âgés de 15 à 24 ans.
Au Bénin, en Guinée, au Libéria, au Mali et en République centrafricaine, on comptait 60 femmes alphabètes pour 100 hommes. Les femmes vivant en milieu rural accusaient un retard encore plus important. Dans les zones rurales de Guinée, quelque 14 % de femmes étaient alphabètes en 2018 contre 39 % des hommes. En revanche, en milieu urbain, ces taux atteignaient respectivement 52 % et 77 %. Par conséquent, l’indice de parité entre les genres était près de deux fois plus élevé dans les zones urbaines (0,68 contre 0,35).
La situation s’améliore lentement. En Afrique subsaharienne, l’alphabétisme des jeunes femmes a augmenté de moins d’un point de pourcentage par an entre 2015 et 2020. En Afrique subsaharienne, plus d’une jeune femme sur quatre est encore analphabète.
Le développement des compétences en lecture et en écriture est crucial pour assurer le fonctionnement efficace de la société, notamment en vue d’acquérir des connaissances relatives à la santé, ce qui s’est avéré essentiel durant la pandémie de COVID-19. Une étude menée en Inde a révélé que les femmes qui avaient participé à un programme d’alphabétisation des adultes – mené avant la propagation de la COVID-19 et ne comprenant aucun document traitant spécifiquement de la pandémie – avaient une connaissance de la COVID-19 considérablement plus élevée que leurs homologues analphabètes.
Le Tchad a quant à lui intégré l’éducation des adultes ainsi que l’éducation non formelle dans son plan d’intervention contre la COVID-19 et le Sénégal, après avoir élaboré un plan en matière d’enseignement à distance pour les enfants et les jeunes, a créé un groupe de travail chargé de se concentrer sur l’éducation de base des jeunes et des adultes.
La féminisation du métier d’enseignant s’est poursuivie à un rythme soutenu
À l’échelle mondiale, on recensait 83 millions d’enseignants dans l’éducation préscolaire, primaire et secondaire en 2020, soit 27 millions de plus qu’en 2000. Les femmes sont globalement surreprésentées au sein du corps enseignant. Il n’y a qu’en Afrique subsaharienne où les femmes représentaient moins de la moitié du corps enseignant.
Au Burkina Faso, les femmes représentent 48 % des enseignants des écoles publiques et 40 % des enseignants des écoles privées, mais cet écart est de 30 points de pourcentage ou plus dans certaines régions, comme le Plateau-Central et le Nord.
La prestation de services de protection de la petite enfance par des acteurs non étatiques risque de perpétuer des normes de genre inégalitaires
La protection et l’éducation des jeunes enfants sont généralement perçues comme relevant de la responsabilité de la famille et, plus particulièrement, des femmes, du fait de l’influence considérable des normes et attentes inégalitaires relatives aux rôles associés à chaque genre.
Les acteurs non étatiques dirigent les services éducatifs de protection destinés aux enfants de moins de 3 ans
Des services d’EPPE (éducation et protection de la petite enfance) sont également dispensés par des programmes communautaires et à petite échelle de garde d’enfants. En Ouganda, 7 % des centres d’EPPE sont des structures communautaires.
Dans les pays les plus pauvres, de nombreux enfants ne reçoivent que peu ou pas de soins. En République démocratique du Congo et au Tchad, la moitié des enfants de moins de 5 ans ont été laissés seuls ou en compagnie d’un frère ou d’une sœur au cours de la semaine passée. Attribuer la fonction d’éducateurs aux frères et sœurs peut entraver la scolarisation de l’aîné(e) et son droit au jeu. En outre, leur inexpérience peut avoir des répercussions négatives sur l’apprentissage et le bien-être du jeune enfant.
À l’échelle mondiale, on recensait 83 millions d’enseignants dans l’éducation préscolaire, primaire et secondaire en 2020, soit 27 millions de plus qu’en 2000. Les femmes sont globalement surreprésentées au sein du corps enseignant. Il n’y a qu’en Afrique subsaharienne où les femmes représentaient moins de la moitié du corps enseignant
Les services de garde d’enfants soutenus par les employeurs sont rarement obligatoires ou disponibles
L’un des principaux défis réside dans le fait que les services d’EPPE en milieu professionnel sont rattachés au marché de l’emploi formel, qui représente 39 % de la population active mondiale et 30 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Par conséquent, les personnes travaillant dans le secteur informel de même que bon nombre de travailleurs indépendants du secteur formel sont laissés de côté. Dans 42 marchés d’Accra, au Ghana, les possibilités de garde d’enfants des femmes qui travaillent comme porteuses, vendeuses de rue et commerçantes sont limitées, avec seulement sept garderies, dont trois à but lucratif (au Ghana, les établissements privés représentent 98 % du taux brut d’inscription dans les services d’EPPE destinés aux jeunes enfants).
Leur coût peut être élevé, surtout sans le soutien de la municipalité ou de l’association des commerçants de marché. La forte demande de services de garde d’enfants dans les campements informels des villes africaines, comme ceux de Nairobi, au Kenya, constitue une préoccupation politique majeure. À Gisenyi, au Rwanda, l’UNICEF et Action pour le développement du peuple, une ONG nationale, ont créé six centres d’EPPE près des marchés afin que les mères qui travaillent comme commerçantes de l’autre côté de la frontière en République démocratique du Congo puissent laisser leurs enfants sous la surveillance d’éducateurs formés.
Les garçons fréquentant les écoles coraniques au Sénégal ne sont souvent pas protégés
Des milliers de garçons sont régulièrement envoyés vivre comme talibés dans des internats coraniques traditionnels, ou daaras, dans les grandes villes du Sénégal, loin de leur famille et de leur foyer. La plupart des talibés vivant et étudiant dans les daaras avec internat sont des garçons âgés de 5 à 15 ans. Les filles fréquentent généralement les daaras (externats) sans internat, mais dans une moindre mesure. Le système des daaras s’est implanté au Sénégal en raison de la pauvreté, d’une tradition culturelle consistant à confier les enfants à un autre adulte pour qu’il les élève et de l’obligation sociale pour les enfants d’apprendre le Coran. Malgré les tentatives d’intégration, les daaras restent exclues du système éducatif national. La qualité de l’enseignement n’est donc pas contrôlée et, partant, peu de talibés reçoivent une éducation formelle allant au-delà de la mémorisation du Coran. Les conditions de vie dans certaines daaras sont déplorables (absence de nourriture et de soins médicaux).
De nombreux maîtres coraniques exploitent leurs talibés, les forçant à mendier des quotas quotidiens d’argent, de riz ou de sucre. En 2018, il était estimé que les enseignants exploitaient plus de 100 000 garçons. Le fait de devoir mendier les empêche d’étudier et les expose à la violence de rue. Ceux qui ne rapportent pas d’argent peuvent être enchaînés, ligotés et soumis à des violences physiques ou psychologiques. Entre 2017 et 2020, on estime que 17 élèves sont morts de « violence, d’actes de négligence ou de mise en danger ». À la suite de ces événements, les enseignants ont été appelés à rompre le silence sur la question.
Les universités privées non mixtes jouent un rôle ambigu dans la réalisation de l’égalité des genres
En Afrique, l’enseignement mixte est prédominant dans le post-secondaire. Lorsqu’il existe des universités féminines, elles sont le résultat d’efforts locaux visant à ouvrir l’éducation aux filles et aux femmes.
De nombreuses ONG consacrent leurs efforts à l’éducation des filles vulnérables
Au Nigéria, le programme ENGINE, dirigé en partenariat avec les communautés, les acteurs privés et le Gouvernement, vient en aide à 16 000 filles et femmes marginalisées âgées de 17 à 23 ans. Outre l’enseignement de compétences en lecture, en écriture et en calcul, il propose des formations techniques et professionnelles, notamment sur la manière de créer une entreprise. Il aide notamment les élèves à obtenir une carte d’identité officielle et à ouvrir un compte bancaire leur permettant d’avoir accès à des capitaux. En Sierra Leone, Every Adolescent Girl Empowered and Resilient, un projet pour l’autonomisation et la résilience des adolescentes mené par le Comité international de secours, s’adresse à 32 500 adolescentes non scolarisées et marginalisées. Il accorde une attention particulière à celles qui sont handicapées. Son objectif est de faciliter la transition vers la formation et l’enseignement professionnels grâce à un accompagnement dans la création de plans d’activité et d’activités rémunératrices.
L’ONG Plan International dirige un programme d’apprentissage accéléré dans le primaire, Primary School Access through Speed Schools, au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Ce programme accéléré de neuf mois aide les filles et les garçons à rattraper les années d’éducation qu’ils ont manquées avant leur réintégration dans le système scolaire formel.
Les acteurs non étatiques peuvent appuyer ou saper les efforts d’éducation complète à la sexualité
Au Ghana et en Zambie, les parents ne sont pas favorables à l’éducation sexuelle durant les premières années du primaire, considérant que les élèves sont trop jeunes pour être exposés à de tels contenus. Au Nigéria, la culture du silence qui prévaut autour de la sexualité a conduit à une approche de l’éducation sexuelle qui évite la controverse et respecte les normes culturelles sur des sujets tels que l’avortement.
En Afrique, l’enseignement mixte est prédominant dans le post-secondaire. Lorsqu’il existe des universités féminines, elles sont le résultat d’efforts locaux visant à ouvrir l’éducation aux filles et aux femmes
Conclusion
Au cours des 20 dernières années, les disparités entre les genres dans l’éducation ont rapidement évolué, les filles comblant, voire inversant, les écarts qui les séparaient des garçons en matière d’accès, d’achèvement et d’apprentissage aux différents niveaux d’enseignement. Si l’on se doit de célébrer ces progrès à travers le monde, les défis liés à l’égalité des genres qui existent dans le domaine de l’éducation demeurent. Derrière cette réussite à l’échelle mondiale, en moyenne, se cache l’exclusion extrême des filles défavorisées des zones rurales des pays les plus pauvres du monde. Derrière les progrès des filles en mathématiques, en moyenne, se cache une surreprésentation généralisée des garçons parmi les meilleurs élèves.
Derrière la constante évolution en faveur des femmes d’indicateurs tels que la composition en fonction du genre du corps enseignant, les compétences minimales en lecture et les inscriptions dans l’enseignement supérieur se cachent la féminisation de la profession d’enseignant et la sélection d’étudiantes dans des filières particulières, qui renforcent les stéréotypes de genre. Derrière la prospérité des chiffres se cachent les normes de genre discriminatoires que beaucoup trop de personnes continuent d’entretenir sur le rôle dévolu aux filles et aux femmes dans la société, et que les programmes scolaires et l’enseignement n’ont pas suffisamment renversés.