Auteur (s) : Centre d’études stratégiques de l’Afrique
Type de publication : article
Date de publication : Juin 2016
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De l’extrémisme violent et de l’insurrection à la piraterie, des enlèvements contre rançon aux attaques contre les infrastructures pétrolières, du trafic de drogue au crime organisé, le Nigeria fait face à de nombreux et complexes défis sécuritaires. Ces menaces impliquent généralement des forces irrégulières et sont en majeure partie sociétales. Elles sont plus répandues et persistantes dans les zones marginalisées où les communautés ressentent un niveau élevé de méfiance envers le gouvernement, souvent accru au fil du temps. À leur base, ces problèmes de sécurité sont les symptômes d’échecs plus globaux de gouvernance.
Dans la mesure où bon nombre des menaces sécuritaires du Nigeria sont nationales par nature, la Force de police nigériane (FPN) est souvent l’interface principale de sécurité avec le public. Toutefois, le faible niveau de confiance du public dans les forces de police inhibe la coopération nécessaire pour qu’elles puissent être efficaces contre ces menaces sociétales.
Soixante-deux pour cent des Nigérians interrogés par Transparency International percevaient la police comme une organisation corrompue. Cette dernière exige souvent des pots de vin dans ses interactions quotidiennes avec les citoyens.
Le problème de la corruption émane de pratiques anciennes. En 2012, l’inspecteur général de la police Mohammed Abubakar avait reconnu l’ampleur du défi, en remarquant : « la Force de police nigériane a chuté à son plus bas niveau et est en effet devenue un sujet de dérision dans la communauté judiciaire et au sein de la population ».
Ces comportements ont des implications plus larges pour la sécurité.
Dans de tels contextes, les citoyens sont plus susceptibles de contester les symboles de l’autorité. Des crimes et des conflits violents sont davantage susceptibles de se produire.
Le faible niveau de confiance du public dans les forces de police inhibe la coopération nécessaire pour qu’elles puissent être efficaces contre ces menaces sociétales
Les forces de police du Nigeria sont également perçues comme étant politisées. Les leaders sont souvent nommés sur la base de leur allégeance politique plutôt que sur leur expérience professionnelle ou leur capacité à faire appliquer la loi. Par conséquent, la qualité des dirigeants de la FPN en souffre. Les représentants nommés dans de telles circonstances ressentent une certaine loyauté envers leur patron politique plutôt qu’envers les institutions ou les citoyens qu’ils sont censés servir. Les modalités d’application de la loi varient en fonction de l’individu. Les normes de professionnalisme et d’éthique s’en trouvent affaiblies.
Le problème de l’existence d’une direction non méritocratique est exacerbé par une structure de commandement et de contrôle opaque, centralisée et souvent chaotique. Les chefs de police qui n’ont pas accédé aux responsabilités par le mérite perdent le respect de leurs collègues. Par la suite, ils s’avèrent plus susceptibles d’abandonner leurs propres postes face à une menace armée. Par ailleurs, les dirigeants de la force, quand ils sont sélectionnés ainsi, ne comprennent pas l’importance de l’efficacité de leurs unités. Par conséquent, ils négligent de les former correctement. Les difficultés de la police à travailler dans les communautés sont ainsi perpétuées.
En bref, la corruption et la politisation ont créé une force de police inefficiente : elle apparait forte à première vue mais reste inefficace dans la pratique. La sécurité des citoyens en subit inévitablement les conséquences.
Défis institutionnels à la gouvernance et responsabilité de la police du Nigeria
Un certain nombre de facteurs contribue à l’incapacité des Forces de police nigériane à répondre efficacement aux défis de sécurité intérieure et à instaurer une plus grande confiance entre les communautés.
La Force de police nigériane a chuté à son plus bas niveau et est en effet devenue un sujet de dérision dans la communauté judiciaire et au sein de la population
Aliénation publique et corruption
La FPN a été fondée pendant la période coloniale. Elle en a conservé une structure paramilitaire et un manque de responsabilité envers la population. Au lieu de servir et de protéger le peuple nigérian, la FPN à l’époque coloniale avait détruit la fibre même des systèmes communautaires et indigènes de la sécurité, de la justice, de l’application de la loi et du règlement des différends.
Après la guerre civile du Nigeria de 1967-1970, la centralisation de la police a renforcé cette absence de responsabilité au sein de l’institution. Par la suite, des années de mauvaise gestion par l’armée, ont empêché le développement institutionnel de la FPN, l’ont encore affaiblie, et ce jusqu’à l’avènement de la démocratie à la fin des années 1990.
Cette histoire et l’absence relative de mécanismes de responsabilité efficaces permettent à la corruption de persister au sein de la FPN. La police a été déployée pour faire avancer les objectifs politiques des représentants élus, y compris le haut commandement de la police. Un tel comportement partisan mine la cohésion, l’efficacité et la performance de la FPN. Les mêmes incitations poussent certains agents à compromettre leur professionnalisme pour s’attirer les faveurs des politiques dans l’espoir d’un avancement de carrière ou d’un futur patronage. En conséquence, la population ne fait pas confiance à la FPN et s’en considère déconnectée.
Direction excessivement centralisée et non méritocratique
La structure de commandement de la Force de police nigériane est très centralisée en dépit du fait qu’elle couvre un régime fédéral. Bien qu’elle rende la coopération entre les états plus facile que dans un système de police décentralisé, la nature centralisée de la force tend également à déshabiliter le commandement au niveau de l’État, à nuire à la prestation de services, à créer des goulots dans les chaines de commandement, et à éloigner les citoyens de « leur » police.
Une direction centralisée filtre les ressources humaines et le matériel vers le centre, ce qui laisse de nombreuses unités de première ligne distancées, sous financées et supervisées que symboliquement.
Par conséquent, les engagements de la police avec la communauté sont moins réactifs et adaptés à la communauté en question.
La responsabilité publique est également centralisée et « orientée vers le haut ». Par exemple, plutôt que de travailler en étroite collaboration avec les commandants de district et leurs citoyens et fonctionnaires municipaux, la direction de la police est redevable d’abord à la présidence (qui abrite le ministère de l’Intérieur, la Commission des services de police, et le Conseil de la police).
Gestion redondante et surveillance défaillante
Les mécanismes de gestion établis pour la police du Nigeria souffrent de redondance bureaucratique et d’une mauvaise mise en œuvre des mandats statutaires. Trois organismes au sein de la branche exécutive du Nigeria sont chargés de la surveillance : la commission du Service de la police, le ministère de l’Intérieur et le Conseil de la police.
La commission du Service de la police du Nigeria (CSP) est le principal organe civil de surveillance et de contrôle de la FPN. Selon la loi, elle est censée être l’un des plus puissants organismes de ce type dans le monde. Elle est responsable des nominations, des promotions et des mesures disciplinaires dans la FPN. Mais plusieurs facteurs, y compris l’ingérence politique, les contraintes budgétaires, et l’incapacité à mettre en place et à maintenir une unité d’enquête) affectent la capacité de la commission à exécuter ses fonctions disciplinaires envers la FPN, privant ainsi la commission du Service de la police du Nigeria (PSC) de sa pertinence et de son dynamisme.
Au-delà de modalités de gestion confuses, les organismes de surveillance indépendants de la FPN ont souvent des mandats à la fois trop faibles et trop restrictifs pour répondre aux préoccupations des citoyens.
Enfin, les organismes clés de responsabilité et de surveillance ne disposent pas des fonds suffisants pour remplir leurs fonctions. En effet, les organes de supervision manquent de bureaux dans plusieurs États. En revanche, la FPN a des bureaux pour ses postes de commandement dans les 36 États, dans le territoire de la capitale fédérale, et dans les 774 zones de gouvernement local.
Incapacité à tirer les leçons de l’expérience du passé
Les administrations précédentes ont soulevé certains des défis relatifs à l’efficacité de la police identifiés ici, mais les réformes nécessaires ont rarement été menées.
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