Auteur (s): Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS)
Type de publication: Rapport
Date de publication: 28 décembre 2018
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Le présent rapport, qui porte sur la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2018, donne un aperçu de l’évolution de la situation et des tendances observées en Afrique de l’Ouest et au Sahel et décrit les activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) et les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. Y figure également, comme le Conseil de sécurité l’a demandé dans sa résolution 2349 (2017), une évaluation de la situation dans le bassin du lac Tchad.
Tendances observées en matière de sécurité
Au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigéria, la situation en matière de sécurité est restée précaire : des civils et des militaires ont été à plusieurs reprises la cible d’attaques menées par des acteurs armés non étatiques, notamment des groupes terroristes, des réseaux criminels et des milices locales. On a assisté à une recrudescence des attaques perpétrées par des groupes extrémistes dans l’est et le sud du Burkina Faso, ce qui a fait peser des risques accrus sur la sécurité des pays voisins, dont le Niger et le Bénin, et potentiellement le Togo.
On a également constaté une intensification de la violence intercommunautaire, en particulier au Niger, le long de la frontière occidentale avec le Mali. En dépit de l’intensification des opérations militaires, les attaques menées par des bergers et des bandits ont continué d’aggraver l’insécurité au Nigéria, dans un contexte général marqué par plusieurs attaques de grande ampleur lancées par Boko Haram contre des positions militaires nigérianes. Il semblerait que les groupes terroristes actifs au Sahel aient renforcé la coordination de leurs opérations, les schémas des attaques indiquant une division du travail et une étroite coopération entre les groupes.
Au Burkina Faso, 125 atteintes à la sécurité ont été enregistrées entre le 1er juillet et le 15 septembre, soit près du double du nombre d’atteintes enregistré sur l’ensemble de l’année 2017. Les attaques terroristes ont fait plus de 65 victimes civiles et militaires dans l’est du Burkina Faso pendant la période considérée (contre seulement 4 sur l’ensemble de l’année 2017) et reposaient sur des modes opératoires de plus en plus sophistiqués. Face à cette insécurité croissante, le Gouvernement a mené des opérations militaires dans les provinces du Loroum, d’Oudalam et du Soum.
Au Niger, les forces de défense et de sécurité n’ont cessé d’être mises à rude épreuve dans l’ouest et le sud du pays. Dans le sud-est du Niger, Boko Haram et le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » ont intensifié leurs raids menés depuis l’autre côté de la frontière. Depuis la période précédente, on a également constaté une multiplication des enlèvements contre rançon. Dans l’ouest du Niger, des militants de l’État islamique du Grand Sahara ont continué d’utiliser les régions de Tillabéri et Tahoua comme bases arrière pour leurs opérations au Burkina Faso et au Mali. Cela a donné lieu à des affrontements sporadiques avec les forces de sécurité et à des violences visant des civils.
Il semblerait que les groupes terroristes actifs au Sahel aient renforcé la coordination de leurs opérations, les schémas des attaques indiquant une division du travail et une étroite coopération entre les groupes
Au Nigéria, il s’est avéré que Boko Haram avait changé ses tactiques opérationnelles. Au lieu de cibler les établissements d’enseignement et de culte, les installations publiques et les marchés, ses attaques visaient directement des cibles militaires. Suite à l’attaque d’un convoi militaire à Bama pendant la première semaine de juillet, 10 soldats auraient été tués, 23 auraient disparu et du matériel militaire aurait été perdu. Le 15 juillet, des combattants de Boko Haram lourdement armés ont envahi la base de la 81e division avancée à Jilli (État de Yobe), tuant au moins 48 soldats. Le 1er septembre, Boko Haram a tué 30 soldats et attaqué le village de Zari dans le nord de l’État de Borno.
Au cours de la période considérée, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont entraîné des pertes en vies humaines, la destruction de moyens de subsistance et de biens, des déplacements de population et des violations des droits de la personne et atteintes à ces droits. Parmi les zones de tension figuraient les axes transfrontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui sont les principaux pays d’origine pour le commerce du bétail. De nombreux États du Nigéria ont connu des flambées de violence, mais celles-ci ont été plus fréquentes dans la région de la ceinture centrale, ainsi que dans les États d’Adamawa et de Taraba dans le nord-est du pays.
La recrudescence des conflits entre agriculteurs et éleveurs est étroitement liée : à la pression démographique ; à la désertification et la perte de réserves de pâturages et d’itinéraires de transhumance, exacerbées par les changements climatiques ; aux problèmes rencontrés dans la mise en œuvre effective des politiques de gestion des terres et d’adaptation aux changements climatiques ; à l’application limitée des lois pastorales existantes ; à des intérêts politiques et économiques ; à l’érosion des mécanismes traditionnels de règlement des conflits ; à la prolifération des armes.
La criminalité maritime et la piraterie au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest ont continué de faire peser une menace sur la paix, la sécurité et le développement dans la région. D’après les chiffres fournis par le Gouvernement, la criminalité liée au pétrole a causé une perte de revenus de près de 2,8 milliards de dollars l’an dernier au Nigéria. Entre le 1er janvier et le 23 novembre, 82 actes de criminalité maritime et de piraterie ont été signalés dans le golfe de Guinée.
Au cours de la période considérée, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont entraîné des pertes en vies humaines, la destruction de moyens de subsistance et de biens, des déplacements de population et des violations des droits de la personne et atteintes à ces droits
En comparaison avec la situation décrite dans le précédent rapport, le trafic de drogues s’est accru dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Au Bénin, en Gambie et au Nigéria, plus de 50 kilogrammes de cocaïne ont été saisis entre juillet et octobre par les équipes aéroportuaires conjointes chargées des interceptions. Au cours de la même période, ces équipes ont saisi plus de 6 kilogrammes de méthamphétamines, 8 kilogrammes d’héroïne (soit le double de la quantité saisie au premier semestre de 2018) et 2,6 tonnes de cannabis. La production de drogues dans l’ensemble de la région aurait également été en hausse : plus de 100 kilogrammes d’éphédrine et de phénacétine ont été saisis par les autorités compétentes.
Observations et recommandations
S’il y a eu plusieurs évolutions positives en Afrique de l’Ouest et au Sahel au cours de la période considérée, on a observé une montée de l’insécurité et une certaine instabilité politique dans plusieurs pays de la région.
Au niveau régional, on a noté quelques améliorations dans la tenue des élections. Toutefois, les périodes précédant et suivant les élections ont souvent été marquées par des protestations et des différends antagonistes. J’exhorte les autorités et les parties prenantes nationales à oeuvrer de concert pour garantir des conditions équitables et instaurer un climat propice à la tenue, en 2019, d’élections pacifiques, inclusives et crédibles au Bénin, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Mauritanie, au Nigéria et au Sénégal.
La lutte contre l’impunité a certes enregistré des progrès, mais les signalements de cas de violations des droits de l’homme, y compris d’instrumentalisation du système judiciaire à des fins politiques et de répression de la liberté d’expression, restent une source de préoccupation
Plusieurs pays du bassin du fleuve Mano ont fait des progrès dans le domaine du renforcement de la démocratie, notamment grâce à l’alternance pacifique du pouvoir en Libéria et Sierra Leone et à la tenue d’élections locales en Côte d’Ivoire. Toutefois, il faut encore consolider ces acquis remportés de haute lutte et encore fragiles. C’est pourquoi j’encourage les partenaires internationaux à accorder en priorité de l’aide aux gouvernements et aux peuples ivoirien, guinéen, libérien et sierra-léonais ainsi qu’au secrétariat de l’Union du fleuve Mano, pour contribuer à la consolidation de la paix dans le bassin du fleuve Mano.
Il faut féliciter les autorités gambiennes pour les progrès réalisés dans la mise en place de la Commission de réconciliation. J’encourage les autorités, dans tous les pays de la région, à continuer d’accorder la priorité à la réconciliation afin d’établir des institutions étatiques réactives et de tenir compte des doléances.
La lutte contre l’impunité a certes enregistré des progrès, mais les signalements de cas de violations des droits de l’homme, y compris d’instrumentalisation du système judiciaire à des fins politiques et de répression de la liberté d’expression, restent une source de préoccupation. Il est essentiel que les gouvernements de la région respectent l’indépendance du pouvoir judiciaire, assurent un accès équitable à la justice pour tous, garantissent la protection des défenseurs des droits de l’homme, fassent avancer les réformes du secteur de la sécurité et adoptent des cadres législatifs de lutte contre la violence sexuelle et sexiste.
Le recours croissant aux interventions militaires pour faire face aux problèmes de l’Afrique de l’Ouest et au Sahel est inquiétant. Les solutions militaires, bien que nécessaires, ne sont pas suffisantes. Il faut une approche holistique pour lutter contre l’extrémisme violent
La sous-représentation persistante des femmes aux hautes fonctions de l’État en Afrique de l’Ouest et au Sahel est préoccupante. Je prie instamment les gouvernements de la région de redoubler d’efforts pour appliquer les mesures en vigueur ou, à défaut, d’adopter de nouvelles mesures, conformément à leurs engagements nationaux et régionaux, destinées à favoriser l’autonomisation des femmes et leur inclusion dans la vie politique, les processus de prise de décisions et les fonctions de direction et à promouvoir un développement inclusif tenant compte de la problématiques femmes-hommes.
Les pays du Sahel ont entrepris des efforts appréciables pour lutter contre les problèmes de sécurité, en particulier par la mise en place de la Force multinationale mixte et de la Force conjointe du G5 Sahel. Il faut intensifier l’appui à cette fin, y compris par la mise en place de mécanismes garantissant la prévisibilité et la durabilité du financement de ces forces.
Le recours croissant aux interventions militaires pour faire face aux problèmes de l’Afrique de l’Ouest et au Sahel est inquiétant. Les solutions militaires, bien que nécessaires, ne sont pas suffisantes. Il faut une approche holistique pour lutter contre l’extrémisme violent, en mettant l’accent sur la bonne gouvernance, le dialogue et la médiation, et la participation de tous les acteurs de la société, en particulier les femmes et les jeunes, à la vie politique et aux processus de paix.
Je suis profondément préoccupé par la complexité des capacités organisationnelles et par l’influence croissante des groupes extrémistes violents dans certains secteurs du Sahel et du bassin du lac Tchad. Le nombre croissant d’attaques menées au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigéria montrent bien que ces groupes peuvent frapper dans toute la région, détruire le tissu social local et priver les populations de leurs droits les plus élémentaires. J’invite les États Membres à redoubler d’efforts afin de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène et d’inverser ainsi la tendance.
Les changements climatiques ont des conséquences graves sur la dynamique du conflit dans la région du bassin du lac Tchad et certains secteurs du Sahel. Pour que la réponse apportée soit adaptée, il faut que les partenaires nationaux, régionaux et internationaux élaborent un cadre régional
Les allégations de violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité dans toute la région sont une source de préoccupation. Toutes les mesures anti-insurrectionnelles et les opérations de sécurité doivent évidemment être menées dans le respect du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés.
Le manque d’accès à l’aide humanitaire, en particulier dans le bassin du lac Tchad bassin ainsi que dans la région du Liptako-Gourma, entraîne des souffrances inutiles. Les parties concernées doivent respecter les principes humanitaires d’impartialité et de neutralité et permettre l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire aux populations qui en ont besoin, en particulier aux enfants, aux personnes âgées et autres groupes vulnérables.
Les ressources du plan d’aide humanitaire 2019 pour le bassin du lac Tchad sont nettement insuffisantes. J’encourage les partenaires internationaux à verser des contributions généreuses pour aider à répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables.
Les changements climatiques ont des conséquences graves sur la dynamique du conflit dans la région du bassin du lac Tchad et certains secteurs du Sahel. Pour que la réponse apportée soit adaptée, il faut que les partenaires nationaux, régionaux et internationaux élaborent un cadre régional, qui soit harmonisé avec le Plan d’appui des Nations Unies pour le Sahel et propose en amont des solutions aux menaces actuelles et à venir posées par les changements climatiques.
L’adoption récente de la stratégie régionale pour la stabilisation des pays touchés par Boko Haram et l’appui que la communauté internationale accorde à ces mesures sont encourageants. Je demande instamment aux partenaires d’intervenir rapidement, et de collaborer avec les gouvernements concernés pour s’assurer que toutes les interventions sont adaptées aux contextes spécifiques.
Il convient de souligner que les Gouvernements camerounais et nigérian ont pris l’engagement de terminer les travaux de démarcation de leurs frontières terrestres et maritimes communes. Je les invite à redoubler d’efforts pour résoudre toute divergence concernant l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 10 octobre 2002 et à accélérer ainsi l’accomplissement du mandat de la Commission mixte Cameroun-Nigéria.
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