Auteur : Save the children
Site de publication : Save the Children
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2021
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Les filles, toujours laissées pour compte
Bien que des progrès considérables aient été accomplis, les inégalités entre les sexes qui désavantagent les filles à travers le monde persistent en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Avant même que les écoles aient été contraintes de fermer à cause de la COVID-19, on comptait 41 millions d’enfants et d’adolescents non scolarisés dans la région (soit un tiers des enfants non scolarisés dans le monde), parmi lesquels 28 millions de filles.
Même lorsqu’elles ont accès à l’éducation, les filles continuent de se heurter à des obstacles qui les empêchent d’apprendre et de suivre des études de qualité ; par exemple, la pression sociétale du mariage, les grossesses précoces et les violences fondées sur le genre liées à l’école, la pauvreté, les handicaps, les conflits et les déplacements. Aujourd’hui, en Afrique de l’Ouest et du Centre, quatre femmes sur dix sont mariées avant 18 ans. Six des dix principaux pays enregistrant la plus forte prévalence de mariages d’enfants dans le monde sont situés dans cette région. L’Afrique de l’Ouest et du Centre reste également la région où les inégalités entre les sexes sont les plus importantes en termes de scolarisation dans l’enseignement secondaire et d’alphabétisation des jeunes, aux dépens des filles généralement. En moyenne, seules 76 filles suivent des études secondaires pour 100 garçons.
Privées d’avenir : comment les filles d’Afrique de l’Ouest et du Centre sont exclues de l’éducation
- 70 % des filles entrent à l’école primaire, mais à peine 36 % terminent leurs études secondaires. Au Niger, près de la moitié des filles inscrites en primaire n’entrent pas au collège.
- Les filles des ménages pauvres d’Afrique subsaharienne sont les moins susceptibles d’accéder à l’enseignement secondaire ; environ 16 % d’entre elles ne suivent pas d’études, contre 13 % chez les garçons pauvres. Au Nigeria, la quasi-totalité des garçons les plus riches des zones urbaines terminent leurs études primaires, alors que ce chiffre n’est que de 11 % environ chez les filles pauvres des zones rurales.
- Au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone et au Congo, moins de 1 % des filles pauvres des zones rurales terminent leurs études secondaires.
- Bien que les niveaux d’alphabétisation soient faibles dans l’ensemble, l’Afrique de l’Ouest et du Centre affiche également les plus grandes inégalités entre les sexes au monde en termes d’alphabétisation des jeunes. Au Tchad, pour 100 jeunes hommes alphabètes, on ne compte que 55 jeunes femmes alphabètes. Dans l’ensemble, environ 76 % des jeunes savent lire et écrire.
La covid-19 menace d’accroître les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation
Au plus fort de la pandémie, on a estimé à 128 millions le nombre d’enfants compris dans la fourchette allant de la maternelle au secondaire qui étaient déscolarisés en Afrique de l’Ouest et du Centre, en raison de la fermeture des écoles. Les enfants d’Afrique subsaharienne ont perdu en moyenne 69 jours d’éducation à cause de la fermeture des écoles et n’ont pas eu accès à un enseignement à distance, les filles étant les plus exposées à ce risque.
Avant même que les écoles aient été contraintes de fermer à cause de la COVID-19, on comptait 41 millions d’enfants et d’adolescents non scolarisés dans la région (soit un tiers des enfants non scolarisés dans le monde), parmi lesquels 28 millions de filles
La déscolarisation expose davantage les filles à des risques en matière de protection ; par exemple, l’exploitation, les grossesses chez les adolescentes, le mariage précoce et forcé, ainsi que le recrutement par des groupes armés locaux, ce qui ne fait qu’aggraver les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation. Dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, on estime que 450 000 filles supplémentaires courent le risque d’être mariées jeunes au cours des cinq prochaines années et les grossesses chez les adolescentes devraient enregistrer une hausse de pas moins de 260 000 cas à cause des conséquences économiques de la pandémie sur la seule année 2020.
Les inégalités en matière d’apprentissage sont exacerbées par les inégalités entre les sexes sur le plan numérique. En Afrique subsaharienne, 89 % des élèves n’ont pas accès à des ordinateurs chez eux et quelque 28 millions d’élèves n’ont aucun accès à des réseaux mobile. La région figure à la seconde place dans le monde en termes d’inégalités entre les sexes dans l’accès au numérique, avec un taux de 37 %. Les garçons peuvent utiliser des ordinateurs, des téléphones, la radio et Internet à domicile plus souvent que les filles, en raison des normes de genre qui limitent l’usage des technologies par ces dernières.
Le mariage des enfants, causes et conséquences de la déscolarisation des filles
Le mariage précoce réduit les possibilités pour les filles de mener à bien des études secondaires et les empêche d’acquérir les aptitudes fondamentales et transférables dont elles auront besoin plus tard dans la vie pour s’épanouir. De ce fait, le taux d’alphabétisation chez les femmes mariées jeunes est de 29 %, contre 54 % chez celles qui se sont mariées après 18 ans. Les filles courent le risque d’abandonner leurs études, ceci étant à la fois l’un des résultats et l’une des causes du mariage précoce et forcé des enfants. Rien qu’au Nigeria, le mariage des enfants représente 15 à 20 % des déscolarisations.
Baindu*, 19 ans, originaire de Sierra Leone, nous a confié : « J’avais seize ans. Un homme m’a aperçue et a déclaré qu’il me voulait. Mon père m’a dit que je devais épouser cet homme avant de rester là à ne rien faire et de tomber enceinte sans avoir de père pour l’enfant.» Baindu est aujourd’hui l’une des élèves du Programme d’éducation accélérée de Save the Children, qui a pour but d’aider les enfants contraints d’abandonner leurs études primaires à rattraper leur retard.
Les normes sociales et de genre peuvent pousser les ménages à faible revenu à donner la priorité à l’éducation des garçons par rapport à celle des filles, car il est plus probable que cela aboutisse à des opportunités de travail formelles et à un revenu plus élevé. Le mariage peut être considéré comme une alternative pour les filles, en raison du rôle domestique que la société impose aux femmes, en tant qu’épouses et mères. Dans les contextes d’insécurité et de déplacement, le mariage constitue une stratégie de protection contre les pertes de revenu ou la violence.
L’éducation des filles, cible d’attaques
Pour finir, les conflits, les déplacements et la montée des menaces et des attaques sur les élèves, les enseignants et les écoles mettent en péril l’accès des filles à une éducation de qualité et sans danger.
Sur la seule année 2020, la Global Coalition to Protect Education from Attack (Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques) a recensé plus de 700 attaques contre l’éducation au Burkina Faso, en RDC, au Mali, au Niger et au Nigeria. Entre 2015 et 2019, les filles ont été directement prises pour cible ou ont été exposées à des attaques à cause de leur genre en RDC et au Nigeria. Les filles sont exposées à des risques multiples, comme la violence sexuelle, la répression violente de l’éducation des filles, le recrutement et l’exploitation par des forces ou des groupes armés, les enlèvements et le mariage forcé. Début 2021, par exemple, près de 300 élèves de la Government Girls Science Secondary School ont été kidnappées à Jangebe, dans l’État de Zamfara.
Les attaques contre l’éducation peuvent aboutir à des mariages forcés, à des grossesses non désirées résultant de viols et à des grossesses précoces, à une stigmatisation et à des problèmes psychologiques qui réduisent les probabilités pour les filles de retourner à l’école.
Dans les contextes d’insécurité et de déplacement, le mariage constitue une stratégie de protection contre les pertes de revenu ou la violence
Des recrutements d’enfants dans les écoles ou sur le trajet ont été signalés en RDC et au Nigeria entre 2015 et 2019. Si les garçons semblent être recrutés plus massivement, des filles ont été recrutées pour exécuter des tâches domestiques, épouser des soldats, voire prendre part aux combats. Dans la région du Kasaï, en RDC, par exemple, des filles supposées avoir des pouvoirs spéciaux ont été envoyées au front comme boucliers humains pour protéger les autres combattants. Les filles recrutées se heurtent à des obstacles, notamment d’ordre physique, développemental et psychologique, qui les empêchent d’accéder à l’éducation et sont victimes de stigmatisation. D’autres peuvent n’être jamais relâchées et réintégrées officiellement, ce qui les contraint à abandonner définitivement leurs études.
Recommandations pour renforcer l’apprentissage et l’autonomisation des filles
Pour que chaque fille d’Afrique de l’Ouest et du Centre concrétise son droit à une éducation de qualité et sans danger (aussi bien pendant qu’après la pandémie de COVID-19), les gouvernements, la société civile et les communautés scolaires dans leur ensemble, y compris les parents, les enseignants, le personnel d’éducation et les directeurs d’écoles, doivent soutenir les efforts visant à :
- Maintenir l’enseignement en vie et faire en sorte que celui-ci soit sexotransformateur.
- Préparer un retour à l’école en toute sécurité et créer des environnements d’apprentissage adaptés aux filles.
- Accroître le soutien communautaire en faveur de l’apprentissage et de l’autonomisation des filles.
- Renforcer les politiques et les systèmes d’éducation sexotransformateurs.