Auteur : Groupe de travail régional sur l’éducation en situations d’urgence
Site de publication : GCPEA
Type de publication : Rapport de situation
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À la fin de l’année scolaire 2021-22, plus de 12 400 écoles étaient fermées dans huit pays de la région, soit pour être la cible directe d’attaques des Groupes Armés Non Étatiques (GANEs), soit parce que les enseignants ont fui, ne laissant personne pour enseigner, soit parce que les parents ont trop peur pour envoyer leurs enfants à l’école ou sont eux-mêmes dans un processus de déplacement forcé à répétition vers des zones plus sûres. L’extension et l’intensification des conflits ont un effet de plus en plus dévastateur sur l’accès et la continuité de l’apprentissage, affectant l’avenir de générations entières d’enfants.
Avec l’effet du débordement de la crise du Sahel central, les écoles des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest connaissent aujourd’hui une insécurité qui, malgré sa faible ampleur, est très préoccupante.
Ces dernières années, l’insécurité a augmenté de façon vertigineuse dans le Sahel central (Burkina Faso, Mali, Niger), affectant de plus en plus les pays côtiers voisins. Depuis le début de l’année 2021, de nombreuses incursions des GANEs ont été signalées dans les pays limitrophes du sud du Burkina Faso, notamment en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Ghana et, plus récemment, au Togo, entraînant de nouveaux mouvements de population et la fermeture de services sociaux de base, notamment d’écoles. Il est à craindre que cette situation ne s’aggrave, soulignant l’importance de la prévention et de la préparation pour garantir un accès continu à des services éducatifs de qualité.
Les attaques contre les étudiants, le personnel scolaire et les établissements d’enseignement ont un impact dévastateur sur l’accès à l’apprentissage et sur le développement global d’une société. Outre les décès et les blessures causés par les attaques, elles entraînent souvent une baisse de l’assiduité des élèves, des problèmes de déploiement et de rétention des enseignants dans les zones d’insécurité, une baisse de la qualité de l’éducation, une exposition accrue à des formes graves de violence et à d’autres risques, notamment le mariage d’enfants, les grossesses précoces, les déplacements forcés, le travail des enfants et le risque d’être recruté par des parties au conflit.
La dégradation de la situation est survenue malgré un certain nombre de développements encourageants
A ce jour, la plupart des pays d’Afrique Occidentale et Centrale ont endossé la Déclaration sur la Sécurité des Écoles (SSD)3 et ont pris diverses mesures politiques et de proximité pour la rendre opérationnelle. Par exemple, en 2020, la RCA a adopté un code de protection de l’enfant, qui criminalise les attaques contre les écoles et leur occupation. En octobre 2021, le ministère Nigérian de la Défense, avec le groupe de travail sur l’Éducation dans les Situations d’Urgence, a lancé le guide du formateur et le manuel du participant SSD pour les agences de sécurité et les institutions des droits de l’homme nigérianes et a publié sa politique nationale pour la sûreté, la sécurité et les écoles sans violence.
Le Mali travaille sur un projet de loi sur la protection des écoles et des universités pendant les conflits armés. Un réseau de mise en œuvre dirigé par les États est également disponible pour soutenir les États qui ont adopté la SSD. Il vise à promouvoir la coopération et l’assistance, et fournit aux États le soutien d’experts mondiaux. Une plateforme SSD similaire a été créée pour les pays du Sahel afin de promouvoir la coopération régionale.
Le nombre d’enfants en besoin d’aide humanitaire s’est multiplié, tout comme la part des besoins non satisfaits
57 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes ne sont pas scolarisés aujourd’hui en Afrique Occidentale et Centrale, ce qui représente près d’un enfant non scolarisé sur quatre dans le monde. Ce chiffre est d’autant plus alarmant qu’il représente le double de la part de la région dans la population mondiale des enfants de l’âge correspondant (6 à 18 ans – 12,05 %).
Pour les enfants déplacés de force, l’accès à l’éducation est encore plus difficile. Au cours de l’année scolaire 2021- 22, à peine plus de la moitié des enfants réfugiés en âge de fréquenter l’école primaire dans la région de l’Afrique Occidentale et Centrale étaient inscrits à l’école, tandis qu’à peine 20 % avaient accès à l’enseignement secondaire et moins de 2 % à l’enseignement supérieur.
L’insécurité croissante a un impact particulièrement négatif sur l’accès à l’école : d’après les données recueillies par le mécanisme régional de suivi de la protection, Projet 217 , entre janvier et avril 2022, 52 % des enfants en moyenne ne sont pas allés régulièrement à l’école dans la région du Sahel central, la principale raison étant la fermeture ou la destruction de l’école (27 %).
Recommandations
Recommandation : adopter des approches holistiques, intégrées et multisectorielles pour la mise en œuvre de la Déclaration sur la Sécurité dans les Écoles
- Les États doivent rendre opérationnelle la Résolution 2601 (2021)11, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 29 octobre 2021, visant à assurer la protection des enfants touchés par les conflits armés et à faciliter la continuité et la protection de l’éducation en période de conflit armé.
- Les Gouvernements doivent prendre des mesures concrètes – par exemple, par le biais de la législation, d’ordres permanents et de formations – pour mettre fin à l’utilisation militaire des écoles et, au minimum, appliquer les Lignes Directrices pour la Protection des Écoles et des Universités contre l’Utilisation Militaire durant les Conflits Armés12.
- La communauté internationale doit soutenir une forte coopération mondiale et régionale et l’échange entre pairs de bonnes pratiques et d’enseignements tirés de l’expérience par le biais du réseau de mise en œuvre dirigé par les États ou de la plateforme du Sahel sur la mise en œuvre de la Déclaration sur la Sécurité dans les Écoles ;
Recommandation : renforcer les solutions d’apprentissage alternatives, innovantes, accélérées et flexibles pour la continuité éducative
- Les Gouvernements et les partenaires doivent immédiatement négocier la réouverture des écoles fermées d’une part, et introduire ou étendre les initiatives qui favorisent la poursuite de l’apprentissage pour les enfants qui ont dû abandonner l’école ou ceux qui ont eu de longues interruptions dans leur apprentissage d’autre part. Pour ce faire, les ministères doivent faire preuve de souplesse dans leurs approches et les partenaires doivent faire preuve d’innovation et expérimenter diverses options d’éducation alternatives, notamment l’enseignement à distance.
- Les acteurs de l’éducation doivent travailler avec les structures d’éducation coranique, sachant qu’elles sont souvent les seules à rester ouvertes dans le contexte actuel où l’éducation est attaquée, promouvoir l’inclusion de la littératie et de la numératie fondamentales dans ces structures, et soutenir les parcours de formation continue pour leurs apprenants.