

Auteur : Pierre Varly
Site de publication : UNESCO
Type de publication : Rapport analytique
Date de publication : Octobre 2020
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La participation aux programmes internationaux
Il existe plusieurs programmes internationaux de mesure des acquis. Mené depuis 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le PISA (Program for International Student Assessment) teste les compétences et connaissances des élèves de 15 ans. Tous les trois ans, des élèves d’établissements du monde entier sélectionnés aléatoirement participent à des tests de lecture, mathématiques et sciences ainsi que d’autres domaines nécessaires à la participation aux sociétés du 21e siècle, comme la compétence globale ou la littératie financière, sachant que chaque année d’évaluation, une matière est privilégiée par rapport aux autres. Les tests PISA évaluent l’aptitude des élèves à appliquer leurs connaissances à des situations de la vie réelle. Des informations contextuelles sont collectées à l’aide de questionnaires de fond. Le Sénégal et la Zambie ont participé à PISA-D (PISA pour le Développement), initiative lancée en 2013 dont la méthodologie diffère de celle de PISA en proposant des outils d’évaluation renforcés et contextualisés pour les pays en développement.
TIMMS (Trends in International Mathematics and Science Study) est une étude menée par l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA) qui mesure les acquis en mathématiques et en sciences en quatrième et en huitième année de scolarité. Par ailleurs, elle collecte des informations sur les programmes et leur mise en œuvre, les pratiques d’apprentissage et les ressources de l’école. Également menée par l’IEA, l’évaluation PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) porte sur la compréhension écrite des élèves. Elle fournit des données comparatives au niveau international sur l’habileté des enfants à lire à la fin de la quatrième année de scolarité obligatoire. Par ailleurs, l’étude collecte également des informations sur l’aide reçue dans la famille, les pratiques pédagogiques et les ressources de l’école dans chaque pays participant. Le Botswana, le Ghana et l’Afrique du Sud participent à TIMSS.
Le consortium SEACMEQ rassemble 16 ministères de l’Éducation d’Afrique australe et orientale afin qu’ils puissent partager leurs expériences et leur expertise en matière de suivi scientifique et d’évaluation des politiques consacrées aux conditions de scolarisation et à la qualité de l’éducation. SEACMEQ conduit des projets de recherche transnationale à grande échelle pour évaluer les conditions de scolarisation, les niveaux de performance des élèves de 6ème année du primaire et des enseignants en lecture, écriture et calcul, ainsi que les niveaux de savoirs fondamentaux dans le domaine de la santé. L’Angola, le Botswana, le Kenya, l’Eswatini, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, les Seychelles, l’Afrique du Sud, l’Ouganda, la Tanzanie (et le Zanzibar, Maurice, la Zambie et le Zimbabwe participent au programme SEACMEQ.
Les systèmes nationaux d’évaluation des acquis
La plupart des pays disposent ou sont en voie de se doter d’une politique nationale couvrant l’évaluation des acquis des élèves. Seuls 11 pays (23%) déclarent ne pas disposer de politique en ce sens. Pour la plupart des pays, il semble que la question de l’évaluation soit une composante de la politique éducative dans son ensemble ou des plans de développement stratégique du secteur de l’Éducation (Côte d’Ivoire, Djibouti, Tchad par exemple). A l’observation de la carte et des données collectées, on peut dégager certaines tendances : on remarque ainsi que sur les 22 pays ayant indiqué disposer d’une politique nationale d’évaluation, 13 sont des pays anglophones (près de 60% des pays ayant une politique). Peu de pays francophones ont déclaré disposer d’une politique nationale d’évaluation. Bien que des évolutions soient en cours avec une tendance générale à la mise en place de politiques nationales, la zone francophone demeure la moins avancée sur ce domaine. En comparant les données avec celles de la participation aux programmes internationaux, on peut émettre l’hypothèse que la vaste participation des pays francophones au programme PASEC soit un des facteurs explicatifs : les enquêtes et résultats PASEC pouvant se substituer, comme évoqué plus haut, à la mise en place de systèmes nationaux pérennes.
Les évaluations EGRA/EGMA (Early Grade Reading Assessment/Early Grade Mathematics Assessment)
Depuis 2007, sous l’impulsion de l’USAID, de l’ONG RTI International et de la Banque Mondiale, les enquêtes EGRA et EGMA ont été développées. Elles s’inspirent d’un test américain, le DIBELS. L’observation des données montre que les enquêtes EGRA sont couramment utilisées, indifféremment de l’aire géographique ou linguistique. EGRA est un outil d’évaluation orale destiné à mesurer les compétences de base en lecture et en écriture chez les enfants dans les premières classes du primaire. Il s’agit d’une évaluation en tête-à-tête qui s’intéresse au cas de chaque enfant. L’outil mesure la reconnaissance des lettres, la lecture de mots simples, la compréhension de phrases et de paragraphes et la compréhension globale. L’évaluation est adaptable pour être mise en œuvre par un pays particulier dans une langue donnée. EGRA contribue à établir les performances nationales en lecture et le niveau de compétences en lecture des enfants. L’évaluation est souvent faite dans les langues nationales, cependant la question de la contextualisation et de la transposition des tests EGRA en langue nationale fait partie des critiques fréquentes à l’égard de cet outil d’évaluation.
EGMA mesure les compétences des enfants en calcul et mathématiques. Cette évaluation porte sur les fondements des mathématiques, à savoir l’identification des nombres, la discrimination des quantités (plus grand et plus petit que), l’identification du nombre manquant, la résolution de problèmes écrits, l’addition et la soustraction, la reconnaissance des formes et l’agrandissement de schémas. Cet outil aide les enseignants à définir le niveau de compréhension des compétences fondamentales des élèves et à identifier les marges de progression vers l’acquisition des nouvelles opérations dans la classe supérieure.
Le financement des évaluations nationales
Pour près de 25% des pays, l’information sur les sources de financement est manquante (12 sur 48). Seuls 11 pays ont des financements sur budget national. 13 ont des financements externes et 4 déclarent n’avoir aucun financement (La Centrafrique, le Gabon, Le Lesotho et le Mali). Les réponses manquantes sont nombreuses. L’information sur les financements ne paraît pas très fiable. Par exemple, le Lesotho a déclaré n’avoir reçu aucun financement alors que des évaluations des acquis ont été réalisées dans le pays depuis 2005 et donc il y a des financements, GPE (2012). Pour le Mali, qui a déclaré n’avoir aucun financement, nous détenons la liste des évaluations réalisées ces dernières années. La dernière en 2015 a été financée par l’USAID. Il semble que les pays aient pu sous-estimer les financements des évaluations, en espérant obtenir plus de fonds.
Les données concernant la régularité du financement sont peu nombreuses : plus de la moitié des pays n’ont pas donné de réponse, quelle que soit la source de financement considérée. Le financement par les gouvernements semble être plus régulier que les financements externes : 31% des pays déclarent que le financement par le gouvernement est régulier, contre seulement 17% pour les financements externes. Le faible taux de réponse à cette question ne permet pas de tirer de conclusions quant à la régularité des financements. Cependant, il semble que lorsqu’un financement national existe, il ait tendance à être plus régulier que les financements externes (31% contre 17%). Il est possible que cela soit dû au fait que les financements externes des évaluations des acquis des élèves soient le plus souvent une composante de projets de bailleurs, ayant un cycle de vie limité. Les évaluations ne se poursuivent pas après la fin du projet, ce qui pose des problèmes de soutenabilité et de pérennisation des dispositifs d’évaluation des acquis.
Par ailleurs, il semble y avoir quelques incohérences : seuls 11 pays avaient déclaré disposer de financements gouvernementaux et ici, 24 pays se prononcent sur sa régularité. Le financement des systèmes d’évaluation par les bailleurs et les projets internationaux (ex. Cameroun, Ghana, Nigeria) est significatif. La création d’unités des acquis scolaires ou la réalisation des évaluations nationales sont parfois des conditions d’accès aux financements internationaux. Les projets du GPE contiennent de manière quasi systématique l’appui aux dispositifs nationaux d’évaluation et la réalisation de l’indicateur 15 du cadre de résultat mentionné plus haut, de même que les projets de la Banque Mondiale.
Synthèse et conclusion
L’Afrique subsaharienne a fait d’énormes progrès en matière de mesure des acquis scolaires depuis 2000, sous l’impulsion des programmes régionaux et de la communauté internationale. Les compétences techniques se sont renforcées, des structures ont été mises en place et les autorités politiques ont pris conscience de l’intérêt d’une mesure régulière de la qualité des acquis, en dehors des examens nationaux. L’indicateur 4.1.1 de l’ODD 4 induit une mesure régulière des acquis scolaires depuis l’adoption de l’Agenda Éducation 2030 et des ODD en 2015. Grâce à un questionnaire administré par le réseau TALENT et des sources complémentaires, une base de données unique sur les systèmes nationaux d’évaluation a été constituée. Les programmes régionaux PASEC et SEACMEQ qui concernent respectivement l’Afrique francophone et anglophone couvrent 31 pays. Ces programmes jouent un rôle moteur dans la diffusion de la culture de l’évaluation des acquis. La plupart des pays disposent ou sont en voie de se doter d’une politique nationale couvrant l’évaluation des apprentissages. Seuls 11 pays (23%) déclarent ne pas disposer de politique en ce sens. Pour la plupart des pays, il semble que la question de l’évaluation soit une composante de la politique éducative dans son ensemble ou des plans de développement stratégique du secteur de l’éducation. Les partenaires techniques et financiers et la communauté ont joué un rôle moteur dans l’élaboration des politiques d’évaluation, mais les efforts nationaux ne sont pas encore suffisants. Davantage d’appuis techniques et institutionnels et surtout d’échanges entre pairs sont souhaitables pour améliorer la situation. Les évaluations nationales sont, dans leur majorité (27 pays), conduites par le personnel du Ministère de l’éducation, parfois dans le cadre d’une institution nationale dédiée (21 pays) ou d’une direction du Ministère de l’Éducation. Le financement des systèmes d’évaluation par les bailleurs et les projets internationaux (ex. Cameroun, Ghana, Nigeria) est significatif. La création d’unités des acquis scolaires ou la réalisation des évaluations nationales sont parfois des conditions d’accès aux financements internationaux. Les financements restent encore trop irréguliers et moins d’un quart des pays ont un financement sur fonds propres. Cela n’est pas cohérent avec l’objectif d’évaluations pérennes et régulières des apprentissages. Les budgets nationaux devraient prendre le relais des projets des partenaires lorsque ceux-ci s’achèvent. Des dispositions devraient être prises pour la continuité du service de l’évaluation des apprentissages.
Sur les 42 pays pour lesquels on dispose d’informations, 37 ont réalisé au moins une évaluation nationale depuis 2005. 34 de ces évaluations ont eu lieu entre 2015 et 2019. Seuls quatre pays (Tchad, République démocratique du Congo, Somalie et Tanzanie) n’ont pas conduit d’évaluation nationale récente. Les efforts de la communauté internationale devraient se concentrer davantage sur ces pays. Les évaluations ont quelques limites méthodologiques. Il y a un écart entre les procédures scientifiques utilisées dans les programmes internationaux et les méthodes nationales. Les efforts de l’assistance technique devraient être redoublés et mieux coordonnés entre partenaires pour améliorer toujours plus les méthodes d’évaluation. Des économies d’échelle peuvent être réalisées en matière de guides et de documents méthodologiques à l’échelle sous régionale sous les auspices du PASEC et SEACMEQ. Les pays ayant répondu à la question (33) ont tous indiqué l’existence d’un partage des résultats, au moins à l’échelle interne du système éducatif.
Trois domaines d’utilisation des évaluations se dégagent : la révision ou la réforme des curricula/politiques, le développement professionnel des enseignants et le ciblage d’un domaine d’apprentissage spécifique. Les personnels autres que les enseignants (directeurs d’école, superviseurs) sont peu ciblés par le partage des résultats alors qu’ils sont censés superviser les changements pédagogiques. Cela montre la nécessité d’améliorer la communication sur les résultats et de promouvoir la culture de l’évaluation et de la reddition de comptes chez tous les acteurs du système éducatif.
La situation de la mesure des acquis au niveau du continent évolue donc favorablement. Cependant, il existe des écarts importants entre pays en matière de système national d’évaluation. L’aide internationale devrait viser en priorité les pays n’ayant pas d’évaluation nationale. Pour les autres, il convient de les aider à sécuriser les financements et à améliorer leurs méthodes pour un suivi régulier de la qualité de l’éducation.
Recommandations
- Favoriser la diffusion des documents techniques et scientifiques sur l’évaluation des acquis en français.
- Favoriser la réflexion Sud-Sud sur le positionnement institutionnel des structures d’évaluation (partage des organigrammes, missions et statuts).
- Organiser des formations sur la théorie de réponse aux items, la création de tests comparables dans le temps et la création d’échelles de compétences.
- Améliorer l’information sur le financement des évaluations (sources et structure des coûts).
- Favoriser la publication en ligne des rapports d’évaluation.
- Réaliser des mesures régulières de la qualité (tous les 3 ans), notamment lors de la mise en œuvre de réformes curriculaires.
- Mieux cibler les enseignants dans la diffusion des résultats.