Auteur : Groupe de la Banque mondiale
Site de publication : BM
Type de publication :Rapport
Date de publication : Décembre 2021
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L’avenir de la région du Sahel dépend de l’amélioration des résultats d’éducation
Le renforcement du capital humain dans la région du Sahel est fondamental pour son développement. Dans la région, tout comme dans le monde entier, l’éducation autonomise les personnes sur le plan économique : chaque année supplémentaire d’études est associée à des augmentations de revenus allant d’un minimum de 7 pour cent au Tchad à un maximum de 15 pour cent au Burkina Faso et au Niger. Ces rendements sont dus à la faible qualité de l’éducation vu la rareté des travailleurs ayant suivi plus de quelques années d’études. Pour cette raison, l’éducation offre aux personnes et à leur ménage le moyen le plus sûr de sortir de la pauvreté.
L’amélioration de l’éducation peut également réduire les écarts de revenus entre les sexes. Pour un même niveau d’instruction, les femmes ont un taux de rendement plus élevé que les hommes dans la région du Sahel. L’éducation est particulièrement importante pour les filles à cause du lien existant entre l’abandon scolaire chez les filles et le mariage précoce ou la grossesse précoce. Chaque année supplémentaire d’études secondaires est associée à une réduction moyenne d’environ 7 points de pourcentage du risque de mariage précoce et d’enfantement avant l’âge de 18 ans.
Les systèmes éducatifs actuels, malgré les efforts de nombreux éducateurs, ne parviennent pas encore à atteindre les résultats dont le Sahel a besoin. Comme le décrit la section suivante, la région a fait de réels progrès en matière d’accès. Cependant, la croissance démographique rapide rend ces progrès beaucoup plus difficiles, et la qualité de l’éducation est trop faible pour donner aux enfants et aux jeunes le départ qu’ils méritent dans la vie.
Situation de la région : Malgré les progrès en matière de scolarisation, de nombreux enfants ne sont pas scolarisés et les niveaux d’apprentissage à l’école sont faibles
Les pays du Sahel ont pu pratiquement doubler la scolarisation au niveau primaire et la tripler au niveau secondaire au cours des 15 dernières années. Au niveau primaire, le nombre d’élèves inscrits est passé de 5,9 millions à 10,8 millions entre 2005 et 2018 ; au niveau secondaire, les inscriptions sont passées de 1,4 million à 4,6 millions. Suite à un élargissement rapide de l’accès à l’éducation, les taux bruts de scolarisation (TBS) ont augmenté à tous les niveaux d’instruction dans chacun des cinq pays (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger) entre 2005 et 2018, sauf en ce qui concerne l’enseignement pré-primaire au Burkina Faso et au Tchad.
Cependant, l’accès universel, même à l’éducation de base, reste un défi : la rapidité de la croissance démographique a limité l’amélioration des taux de scolarisation, et plus de 40 pour cent des enfants en âge de fréquenter l’école primaire de la région ne sont pas scolarisés (parce qu’ils ne se sont inscrits ou l’ont fait tardivement ou ont abandonné l’école). Malgré la forte augmentation du nombre d’enfants scolarisés, le taux brut de scolarisation au niveau primaire n’a augmenté que de 10 points de pourcentage en moyenne, passant de 69 pour cent à 79 pour cent entre 2005 et 2018. À ce rythme d’amélioration, la région ne réalisera même pas l’objectif de la scolarisation universelle au niveau primaire avant au moins 2045. Le taux moyen d’achèvement du primaire n’est que de 61 pour cent, ce qui veut dire que près de deux enfants sur cinq ne terminent pas leurs études primaires. Les taux de scolarisation aux autres niveaux de l’enseignement restent bien inférieurs.
L’amélioration de l’éducation peut également réduire les écarts de revenus entre les sexes. Pour un même niveau d’instruction, les femmes ont un taux de rendement plus élevé que les hommes dans la région du Sahel. L’éducation est particulièrement importante pour les filles à cause du lien existant entre l’abandon scolaire chez les filles et le mariage précoce ou la grossesse précoce. Chaque année supplémentaire d’études secondaires est associée à une réduction moyenne d’environ 7 points de pourcentage du risque de mariage précoce et d’enfantement avant l’âge de 18 ans
Les enfants vivant dans les pays du Sahel achèvent beaucoup moins d’années d’études que leurs pairs des autres régions du monde ; si la qualité est prise en compte, la fracture est encore plus marquée. En moyenne, les enfants des pays du Sahel fréquentent l’école pendant 6,1 années, contre une moyenne mondiale de plus de 11 ans. Toutefois, ajustées du facteur de l’apprentissage, ces 6,1 années se réduisent à l’équivalent de 3,4 années de scolarité de qualité, contre une moyenne mondiale de 7,8 années.
Alors pourquoi n’y a-t-il pas plus d’enfants à l’école et pourquoi n’y apprennent-ils pas ?
L’extrême pauvreté limite les ressources publiques et privées à investir. Quatre des cinq pays du Sahel figurent dans le quintile inférieur des pays du monde en termes de PIB par habitant et dans le quintile supérieur en termes de proportion de population vivant dans l’extrême pauvreté. Le capital humain des parents eux-mêmes est faible et ils luttent pour subsister, pourtant ils doivent prendre en charge environ un tiers des dépenses d’éducation, ce qui est de loin supérieur aux 10 pour cent que l’on trouve dans les pays riches.
La croissance rapide de la population oblige les systèmes à accélérer considérablement leur développement rien que pour maintenir le statu quo. La région affiche les taux de fécondité les plus élevés au monde. Près d’un million d’enfants en âge d’être scolarisés s’ajoutent à la population des pays du Sahel chaque année. Même des systèmes adéquatement gérés et dotés de ressources suffisantes auraient du mal à absorber en douceur une croissance aussi rapide.
Les conflits perturbent l’éducation et il y a des attaques directes contre l’éducation. Tous les pays du Sahel, à l’exception de la Mauritanie, subissent des niveaux de conflit élevés. Les attaques continues perpétrées par des groupes extrémistes violents provoquent des traumatismes, des déplacements forcés et l’insécurité alimentaire. Les écoles, les enseignants et les élèves sont quelques fois directement ciblés. Entre avril 2017 et décembre 2019, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont vu le nombre d’écoles fermées se multiplier par six à cause de la violence.
Les chocs climatiques aggravent tous ces problèmes. La plus grande fréquence et l’aggravation des chocs climatiques menacent les moyens de subsistance, forcent les ménages à adopter des stratégies d’adaptation qui réduisent le capital humain et exacerbent les conflits.
Causes immédiates : lacunes dans l’ensemble des facteurs de l’apprentissage au niveau de l’école
Apprenants : La pauvreté, le manque de développement de la petite enfance et les normes sociales laissent de nombreux enfants non préparés à l’apprentissage ou non scolarisés, les enfermant dans un cycle intergénérationnel de faible capital humain. L’éducation commence avec l’apprenant, mais trop d’enfants au Sahel ont une mauvaise nutrition et manquent des soins de santé, de la stimulation précoce et de l’appui qui leur sont nécessaires pour tirer pleinement profit de la scolarisation.
Les normes sociales constituent un autre obstacle : Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger figurent tous parmi les dix pays au monde ayant les taux de mariage précoces les plus élevés, et de nombreuses filles sont forcées d’abandonner l’école secondaire. Les enquêtes montrent que la grossesse et le mariage sont cités comme les principales raisons de l’abandon chez les filles. De plus les conditions à l’école, telles que la violence ou l’absence de toilettes pour les filles, peuvent amener les enfants à abandonner avant même qu’ils atteignent ce stade.
La croissance rapide de la population oblige les systèmes à accélérer considérablement leur développement rien que pour maintenir le statu quo. La région affiche les taux de fécondité les plus élevés au monde. Près d’un million d’enfants en âge d’être scolarisés s’ajoutent à la population des pays du Sahel chaque année. Même des systèmes adéquatement gérés et dotés de ressources suffisantes auraient du mal à absorber en douceur une croissance aussi rapide
Enseignement : Les carences de l’enseignement en termes de quantité et de qualité font que le temps que les élèves passent en classe est moins productif. Les pays du Sahel sont confrontés à une pénurie d’enseignants, leurs ratios élèves-enseignant figurant parmi les plus élevés au monde, variant de 34 en Mauritanie à 57 au Tchad.
Obstacles au niveau du système : faible capacité, incohérence et financement inadéquat
Les systèmes éducatifs ne proposent pas les évaluations, les programmes d’enseignement et d’autres appuis dont les écoles ont besoin pour assurer que tous les enfants apprennent effectivement. Concernant l’évaluation des élèves, même si certains pays participent à des évaluations internationales, ils ne disposent pas d’évaluations nationales et des évaluations en classe nécessaires pour mettre en évidence les lacunes d’apprentissage et orienter l’appui à fournir aux élèves. Les programmes d’enseignement datent d’une autre époque tout en étant trop ambitieux, alors que les relations établies entre les différents niveaux ne sont pas adéquates.
Un grand nombre de ces problèmes sont aggravés par le faible niveau de financement alloué à l’éducation, y compris l’enseignement primaire, dans la plupart des pays du Sahel. Si l’on se réfère aux normes mondiales, la plupart des pays de la région dépensent peu dans l’éducation – non seulement en termes absolus, mais même par rapport à leurs faibles revenus.
De plus, ce budget limité est dépensé de manière inefficiente, générant des effets bien au-deçà de son potentiel. Les nombreux problèmes décrits précédemment signifient que les dépenses dans les écoles, les supports, la technologie et les enseignants n’aboutissent pas de manière efficiente à une amélioration des résultats d’éducation. Le manque de ressources ne peut expliquer en totalité le cortège de problèmes énumérés précédemment.
Actions transformatrices pour réduire la pauvreté des apprentissages
Réduire la pauvreté des apprentissages dans les trois à cinq prochaines années nécessitera une action immédiate et concertée sur trois fronts principaux : amélioration du développement de la petite enfance, meilleur accès à une école primaire décente et amélioration de l’efficacité de l’enseignement préscolaire. Pour progresser rapidement dans chacun de ces domaines, il sera primordial d’évaluer les progrès réalisés par rapport à des objectifs mesurables dans des domaines tels que le développement cognitif et physique des enfants et les pratiques pédagogiques dans les classes.
Améliorer le développement de la petite enfance (DPE) en soutenant les familles par des programmes de filets de sécurité et des interventions à l’endroit des parents : L’amélioration du soutien au DPE pour les ménages peut se traduire rapidement par un meilleur démarrage à l’école primaire pour les enfants, ce qui pourrait se concrétiser rapidement par une meilleure acquisition des compétences cognitives et socio-émotionnelles fondamentales.
Accroître efficacement l’accès à une école primaire décente en finançant les communautés et en intégrant les écoles informelles au système. Les enfants ne peuvent pas apprendre s’ils ne sont pas scolarisés.
Améliorer l’efficacité de l’enseignement dans les premières années de scolarité en fournissant un soutien structuré aux enseignants, accompagné de meilleurs supports d’apprentissage, programmes scolaires et technologies : Il est essentiel d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage fondamentaux dans les premières années de scolarité, à la fois pour relever les résultats globaux et pour offrir aux enfants les plus défavorisés une chance dans la vie.
Actions transformatrices pour améliorer l’alphabétisation des jeunes adultes
Une troisième série d’actions transformatrices vise à améliorer l’alphabétisation des adultes là où cela aurait le plus d’avantages. Cela signifie qu’il faut commencer par les jeunes adultes et particulièrement les jeunes femmes – ceux qui peuvent en bénéficier le plus au cours de leur vie professionnelle et qui auront le plus besoin d’aider leurs enfants à apprendre à lire. Le succès des programmes pour la littératie des adultes reposera sur les enseignements qui seront tirés du corpus de données factuelles dans ce domaine, certes petit, mais prometteur, notamment des programmes innovants qui tirent parti de la technologie pour renforcer l’alphabétisation.
Apporter une action transformatrice au-delà de l’éducation de base : le secteur technique/professionnel et le niveau supérieur
Au-delà de l’éducation de base, l’enseignement technique/ professionnel et l’enseignement supérieur exigent également une attention particulière. Si la génération actuelle de jeunes a bénéficié du développement de la scolarisation ces dernières années, la plupart d’entre eux ont achevé le cycle de l’enseignement primaire sans les compétences de base nécessaires pour poursuivre leur éducation et leur formation ou pour trouver un emploi gratifiant.
La nouvelle Stratégie pour l’éducation en Afrique de l’Ouest et centrale de la Banque mondiale fournira des orientations sur le renforcement de l’éducation à ces niveaux. Pour l’enseignement technique/professionnel, des investissements stratégiques étroitement liés aux demandes sectorielles seront nécessaires de la part des principaux partenaires au développement, en s’appuyant par exemple sur les engagements de l’UE dans le cadre de l’Alliance Sahel. Au niveau de l’enseignement supérieur, compte tenu de la capacité actuelle des systèmes du Sahel et la taille de leurs économies, une coopération régionale efficace sera nécessaire pour renforcer la qualité et l’accès. La nouvelle stratégie examinera comment on peut atteindre ces objectifs.