Auteur : Bureau régional du HCR pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale
Site de publication : UNHCR
Type de publication : Rapport
Date de publication : Novembre 2023
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Introduction
Les régions les plus affectées par la crise sécuritaire sont également celles qui ont des taux de chômage les plus élevés. Selon les données de l’Enquête Modulaire et Permanente auprès des Ménages (EMOP) réalisée en 2014, la région de Gao connait le plus fort taux de chômage avec 30,4 %, Tombouctou est à 15,2 % et Mopti à 5,5 %. Au regard du chômage endémique et de la vulnérabilité des ménages, ces derniers sont donc obligés de développer de stratégies d’adaptation : utilisation de leurs économies, le travail journalier, le travail des enfants, le sexe de survie, l’enrôlement des jeunes dans les groupes armés, ou autres stratégies d’adaptation néfastes.
La crise sécuritaire a aussi induit la réorientation dans les priorités des politiques publiques. Les dépenses de la défense se sont fortement accrues au détriment des dépenses publiques en éducation. Elle a des conséquences sur l’éducation non seulement à travers la fermeture des écoles et des abandons scolaires mais aussi des insuffisances des ressources publiques pour faire face à la situation d’urgence.
Situation sécuritaire
D’abord localisée dans les régions Nord du pays (notamment les régions frontalières avec la Libye), l’insécurité s’est rapidement étendue sur une grande partie du territoire national, occasionnant de nombreuses pertes en vie humaine, des destructions de villages entiers et de nombreux bâtiments publics (écoles, centres de santé), ainsi que de nombreux déplacements forcés. Le nombre le plus important d’incidents sécuritaires au cours des quatre dernières années a été enregistré dans les régions de Mopti, de Ménaka, de Kidal et de Gao.
Situation humanitaire
Les conflits violents ont provoqué de nombreux déplacements de population à l’intérieur et à l’extérieur du pays. « Chaque semaine, de nouvelles personnes déplacées internes (PDI) continuent d’être enregistrées. Ces mouvements ont un impact considérable sur les personnes forcées de fuir leurs foyers et sur les communautés qui les accueillent (Cluster Protection, 2022 : 1). Selon les chiffres de la Direction Nationale du Développement Social (DNDS), le nombre de personnes déplacés internes était estimé à 422 620 en août 2022. Ce chiffre a connu une hausse de 52 000 personnes par rapport à la période de d’avril 2022 (370 548). La région de Mopti avec un effectif de 193 823 PDI accueille le plus grand nombre (soit 45,9 % des PDI du pays).
La crise sécuritaire a aussi induit la réorientation dans les priorités des politiques publiques. Les dépenses de la défense se sont fortement accrues au détriment des dépenses publiques en éducation. Elle a des conséquences sur l’éducation non seulement à travers la fermeture des écoles et des abandons scolaires mais aussi des insuffisances des ressources publiques pour faire face à la situation d’urgence
L’éducation des enfants réfugiés est particulièrement affectée par les difficultés du secteur. Les enfants réfugiés en âge scolaire (3 à 17 ans) étaient près de 14 405 durant l’année scolaire 2021- 2022. Les enfants réfugiés scolarisés étaient au nombre de 6 061 (dont 1 758 au pré-primaire, 3 845 au primaire, 422 au secondaire, et 36 dans l’enseignement supérieur et professionnel), représentant un taux brut de scolarisation de 57 % au primaire, 14 % au secondaire et 1,9 % au tertiaire, bien en-deçà des taux de scolarisation au niveau national. Par ailleurs, 5 600 enfants réfugiés d’âge primaire et secondaire n’étaient pas scolarisés au cours de l’année scolaire 2021- 2022, représentant près de 60 % des enfants de cette classe d’âge.
Une école publique davantage fréquentée par les enfants en situation de crise
Les enfants fréquentant ou ayant fréquenté l’école ont été interrogé sur le type de leur école actuelle (ou de leur dernière école fréquentée). L’école publique accueille (ou a accueilli) le plus grand nombre des enfants scolarisés (ou ayant été solarisés) en situation d’urgence. Cependant, une proportion non négligeable d’enfants, particulièrement parmi les enfants réfugiés et de la communauté hôte sont (ou ont été) scolarisés dans des écoles privées.
En effet, 14,6 % et 9,4 % des enfants réfugiés et des réfugiés retournés sont (ou ont été) scolarisés dans des structures scolaires privées. Même si les établissements publics accueillent plus d’enfants vulnérables, les interventions d’urgence doivent également prendre en compte les structures privées qui accueillent une proportion non négligeable des enfants réfugiés et des réfugiés retournés.
Motifs de non-inscription des enfants à l’école
Plusieurs raisons pourraient concomitamment justifier la non-inscription à l’école des enfants. Lors de la collecte des données, les enfants qui n’ont jamais été scolarisés ont été interrogés sur les motifs de leur non-scolarisation. Ensuite, parmi les motifs cités, il leur été demandé d’identifier le principal. Le travail domestique est la contrainte principale de la non-inscription à l’école des enfants déplacés internes.
Par contre, chez les autres catégories, l’absence de l’école est citée comme la principale raison de non-scolarisation. Cette absence d’écoles ressort également dans les discours des interviewés au niveau local comme une barrière de scolarisation des enfants surtout réfugiés. Par exemple, cet acteur souligne qu’en l’absence d’établissements scolaires notamment du fondamental 2, les parents sont réticents à envoyer leurs enfants pour fréquenter ailleurs. Ce sont les filles qui sont les plus victimes de cette situation.
Motifs de l’arrêt des études
Le graphique 9 montre la répartition des enfants selon le motif principal d’arrêt des études. Chez les enfants de la communauté hôte, les trois principaux motifs de l’arrêt des études sont par ordre d’importance : les mauvais résultats, le désintérêt de l’enquêté pour l’école et les effectifs pléthoriques. Ces trois raisons relèvent toute de l’environnement scolaire et pourraient traduire un environnement scolaire peu attractif pour les enfants. S’agissant des enfants déplacés internes, les principales raisons citées par ordre d’importance : les contraintes financières et le travail rémunéré.
Ces raisons montrent des conditions économiques difficiles pour ces enfants contraints à abandonner l’école par manque de moyen et à exercer des activités rémunérées. Quant aux enfants réfugiés, le travail domestique, les mauvais résultats et le travail rémunéré sont les principales raisons d’abandon scolaire. En effet, les enfants sont sollicités dans les travaux domestiques et/ou rémunérés. Cette situation a pour conséquence les mauvais résultats synonymes d’abandon scolaire.
Absence des enseignants et leur faible niveau de qualification
Le début de la crise sécuritaire s’est accompagné du départ des enseignants et des services techniques de l’éducation. En effet, par crainte de représailles des groupes armés les enseignants ont abandonné leur poste de travail. Selon le rapport mensuel du cluster éducation, en mars 2022, 8 % des écoles (soit au total 138) sont non fonctionnelles pour la raison d’absence d’enseignants. L’étude réalisée en 2017 sur le secteur éducatif souligne que « plusieurs demandes de mutation ont été formulées et beaucoup ont été accordées, entraînant ainsi un sureffectif des enseignants dans les zones urbaines et notamment dans certaines villes du nord.
Plusieurs raisons pourraient concomitamment justifier la non-inscription à l’école des enfants. Lors de la collecte des données, les enfants qui n’ont jamais été scolarisés ont été interrogés sur les motifs de leur non-scolarisation. Ensuite, parmi les motifs cités, il leur été demandé d’identifier le principal. Le travail domestique est la contrainte principale de la non-inscription à l’école des enfants déplacés internes
En plus, le système éducatif a vécu des grèves répétitives durant ces dernières années ayant eu pour conséquence la fermeture des écoles et impactant le temps alloué aux apprentissages scolaires. L’absence d’enseignants sur toute l’année scolaire joue négativement sur la scolarisation des enfants. Une absence constatée surtout au secondaire. Ceci pourrait s’expliquer en partie par la difficulté de redéploiement des enseignants issus des écoles fermées. Pour pallier ces situations, le gouvernement a procédé au recrutement des enseignants au profit des zones à fort défi sécuritaire (les régions du Nord).
Ce recrutement a été fort décrié par les syndicats qui trouvent cela comme une manière pour le gouvernement de saper leurs revendications. En plus de ce recrutement par l’État, il existe des enseignants volontaires au niveau communautaire surtout dans les zones dites rouges. Malgré leur volonté, des acteurs interviewés trouvent que ces enseignants ont des faibles niveaux de qualification ne permettant pas d’assurer des apprentissages de qualité aux élèves. Ces volontaires eux-mêmes trouvent qu’ils ne sont pas des conditions optimales pour la transmission des connaissances et ils demandent du soutien pour leur permettre d’exercer à bien leurs activités.
Violences vécues hors de l’environnement scolaire
S’agissant des violences vécues hors de l’environnement scolaire et hors de la famille, elles ont aussi des effets négatifs sur la scolarisation des enfants (graphique 19). C’est le cas des enfants de la communauté hôte et des réfugiés qui déclarent davantage être victimes de ce phénomène.
Certains enfants ont vu leurs parents assassinés. La violence du traumatisme a des conséquences dramatiques et durables sur la continuité solaire, en termes de fréquentation et en termes de résultats. Les enfants qui doivent parcourir des kilomètres pour rejoindre leur école ont la peur au ventre car ils craignent de croiser des groupes armés sur le chemin de l’école. Cette peur a également des conséquences non négligeables sur leur concentration à l’école. Les enseignants se trouvent dans une situation similaire car ils sont également obligés de parcourir des longues distances pour rejoindre leur salle de classe.