Auteur : Global coalition to protect education from attack
Site de publication : GCPEA
Type de publication : Document d’information
Date de publication : Septembre 2020
Lien vers le document original
Attaques contre l’éducation au sahel central
La GCPEA a identifié un nombre alarmant d’attaques contre l’éducation dans le Sahel central ces dernières années. Entre 2015 et 2019, la GCPEA a collecté plus de 430 incidents signalés d’attaques contre l’éducation au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Selon le rapport L’éducation prise pour cible 2020 de la GCPEA, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, des groupes armés qui s’opposent à l’éducation en langue française administrée par l’État ont explicitement ciblé les écoles publiques, le plus souvent en incendiant et en pillant des établissements d’enseignement et en menaçant, en enlevant ou en tuant des enseignants. Au Burkina Faso, Human Rights Watch a constaté que les attaques se produisaient souvent lorsque les élèves étaient en classe, mais que les élèves n’étaient généralement pas les cibles.
Bien que les auteurs de ces attaques contre l’éducation en revendiquent rarement la responsabilité, les affiliés de groupes armés tels que le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et Ansaroul Islam ont commis des violences contre des civils et des infrastructures civiles dans la région. Les forces étatiques et les groupes armés non étatiques ont également utilisé des dizaines d’écoles à des fins militaires, notamment comme campements et bases temporaires dans la région, selon une étude de la GCPEA.
Attaques contre l’éducation au sahel central : janvier-juillet 2020
Les rapports indiquent que les attaques contre l’éducation se sont poursuivies en 2020, malgré les fermetures d’écoles entre fin mars et mai en raison du Covid-19. Plus de 90 incidents d’attaques contre l’éducation ont eu lieu au cours des sept premiers mois de 2020, semblant se produire à un rythme similaire à celui de l’année précédente, selon les données de la GCPEA. Le Burkina Faso a connu le plus grand nombre d’attaques contre l’éducation signalées dans la région au cours des sept premiers mois de 2020, avec plus de 40 incidents signalés, notamment l’incendie criminel et le pillage d’écoles et l’enlèvement, les menaces ou le meurtre d’enseignants ; parmi ces incidents, près de la moitié ont eu lieu en juin et juillet.
Au Mali, la GCPEA a identifié 31 incidents signalés d’attaques contre l’éducation en 2020, dont 27 se sont produits en juin lors de la réouverture des écoles pour les examens. En juin, le Cluster éducation a également recueilli des rapports sur près de 500 menaces proférées contre les enseignants et les écoles au Mali. Au Niger, la GCPEA a identifié 15 attaques signalées contre l’éducation entre janvier et mars 2020, et seulement deux incidents signalés en mai et juin 2020.
Difficultés du suivi et des signalements dues au Covid-19
L’insécurité accrue, la capacité réduite sur le terrain en raison des mesures de santé publique et les fermetures d’écoles peuvent avoir causé des retards ou des lacunes dans le suivi et le signalement des attaques contre l’éducation. Cela peut expliquer en partie la réduction relative du nombre d’incidents signalés en avril et mai 2020. En outre, étant donné que les groupes armés dans la région du Sahel central ciblent fréquemment les enseignants au travail, et incendient et pillent les écoles pour décourager la fréquentation, leur abandon pendant le Covid-19 peut avoir affaibli leur utilité en tant que cibles dans les conflits, ce qui pourrait également expliquer le nombre inférieur d’attaques signalées.
Alors que le suivi et les signalements reprennent dans la région, la GCPEA prévoit une augmentation de l’enregistrement et de la vérification des attaques contre l’éducation et de l’utilisation militaire des écoles, notamment la notification rétroactive des incidents qui peuvent s’être produits lors des fermetures dues au Covid-19. Le nombre réel d’attaques contre des écoles est probablement plus élevé que celui rapporté dans ce document.
Reprise des attaques avec la réouverture des écoles et des universités
De nouvelles preuves suggèrent que les attaques ont repris lorsque les écoles ont commencé à rouvrir dans le Sahel central. Par exemple, au Niger, l’ONU a rapporté que des membres de groupes armés ont menacé deux écoles secondaires dans la région de Tillabéri deux semaines seulement après la réouverture des écoles le 1er juin 2020 ; ces menaces ont conduit à la fermeture immédiate des écoles. En réponse, le ministère régional de l’Éducation a transféré 80 élèves du secondaire affectés dans une zone sécurisée, pour étudier et passer les examens finaux.
Au Burkina Faso, des sources médiatiques locales et internationales ont rapporté que des assaillants armés avaient incendié au moins 18 écoles en juin et juillet 2020, après leur réouverture, pillant les cantines avant de mettre le feu aux bâtiments scolaires dans deux cas.
Au Niger et au Burkina Faso, avant la fermeture des écoles en raison du Covid-19, les rapports indiquaient souvent que les cantines scolaires avaient été pillées lors d’attaques. Cela peut indiquer que lorsque les écoles rouvriront, leurs réserves et provisions alimentaires réapprovisionnées peuvent les rendre vulnérables aux attaques.
Au Mali, des groupes armés auraient attaqué 27 collèges après que le gouvernement les a rouverts pour les examens en juin 2020, la majorité des incidents se produisant dans la région de Mopti. Dans un incident signalé à Niafunke, dans la région de Tombouctou, des assaillants armés non identifiés auraient brûlé le bureau d’un directeur d’école et du matériel pédagogique le 5 juin 2020, et mis en garde contre le retour des élèves à l’école, selon ACLED.19 Le rapport ne précise pas si l’école est restée ouverte après l’attaque.
Implications pour la réouverture d’écoles et d’universités dans le sahel central
De nouvelles preuves suggèrent que, à mesure que les écoles et les universités du Sahel central rouvriront après les fermetures liées au Covid-19, les attaques se poursuivront probablement à un rythme similaire à celui du début de 2020. Les gouvernements de la région devraient être conscients que moins d’attaques signalées pendant les fermetures liées au Covid-19 peuvent ne pas indiquer une menace d’attaque réduite. En fait, ils devraient commencer dès maintenant à se préparer à un retour à l’école sûr, inclusif, sexospécifique et adapté à l’âge. Les schémas précédents d’attaques contre l’éducation dans la région peuvent éclairer la réponse. La GCPEA a constaté que si les attaques contre l’éducation se sont atténuées pendant les vacances d’été dans plusieurs parties de la région, les groupes armés ont repris leurs campagnes contre l’éducation au début de la nouvelle année scolaire. Par exemple, la GCPEA a identifié 12 attaques contre l’éducation au Mali en octobre 2019 coïncidant avec les premières semaines de l’année scolaire.
Les rapports d’incident décrivent les attaques comme des avertissements contre la réouverture des écoles ; aucune attaque n’a été enregistrée pendant les vacances scolaires. Cependant, la fermeture des écoles n’a pas nécessairement empêché les attaques de se poursuivre dans les zones touchées du Sahel central. Le Burkina Faso, par exemple, a enregistré le plus grand nombre de fermetures d’écoles tout comme d’attaques contre l’éducation dans la région en 2019. À l’approche d’une nouvelle année scolaire en octobre 2020, les gouvernements du Sahel central doivent soigneusement planifier la réouverture en toute sécurité des écoles dans les zones d’insécurité où les élèves, les enseignants et les écoles restent exposés à un risque élevé d’attaque.
Là où l’insécurité continue d’empêcher la réouverture des écoles, les efforts des gouvernements et des partenaires pour faire progresser l’apprentissage à distance doivent être poursuivis et renforcés, afin de garantir que les élèves concernés continuent d’apprendre. Enfin, des groupes armés non étatiques qui mènent des attaques dans la région du Sahel central opèrent au-delà des frontières, et utilisent des tactiques similaires aux effets similaires dans les trois pays. Les campagnes de réouverture des écoles offrent un moment propice pour partager les bonnes pratiques, afin de prévenir et de répondre aux attaques d’une manière tenant compte de l’âge et du genre, et pour renforcer les approches régionales de la protection de l’éducation, ainsi que de la surveillance et de la communication de l’information.
Mieux garantir une éducation une éducation sure dans le sahel central
Les gouvernements du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont pris des mesures positives pour protéger l’éducation, notamment en approuvant et en mettant en œuvre la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Entre autres mesures, le Comité technique de la sécurité dans les écoles au Mali a adressé une lettre au ministère de la Défense, lui demandant de respecter l’esprit des Lignes directrices pendant que les écoles étaient fermées en raison de la pandémie, et de ne pas utiliser les écoles à des fins militaires. Au Burkina Faso, pendant ce temps, le ministre de l’Éducation a annoncé en mai 2020 que l’apprentissage à distance lié au Covid-19 s’étendrait aux élèves touchés par le conflit.23 En mettant en œuvre les recommandations de ce document d’information, les gouvernements, les bailleurs de fonds et les acteurs internationaux de l’humanitaire et du développement peuvent mieux assurer la sécurité des élèves et des éducateurs dans le Sahel central, pendant la pandémie de Covid et au-delà.