Auteur: Patrick Saint-Paul
Organisation affiliée: lefigaro
Type de publication: Article de presse
Date de publication: Octobre 2012
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Depuis qu’un déséquilibré a fait basculer sa vie le 12 octobre 1990 en tirant trois coups de revolver sur lui, Wolfgang Schäuble s’est contenté de qualifier l’événement tragique : «cette merde». Sans jamais évoquer le handicap qui a bouleversé sa trajectoire politique. Dans un entretien au magazine allemand Capital, le ministre allemand des Finances, souvent dépeint comme l’homme de fer de la chancelière dans les négociations européennes, livre quelques rares confidences sur son parcours en fauteuil roulant et ses répercussions sur sa vie politique.
Tous les êtres humains souffrent d’un handicap, mais nous en avons conscience
Ministre de l’Intérieur, négociateur de l’accord de réunification avec la RDA, Schäuble était considéré comme le dauphin du chancelier Helmut Kohl avant l’attentat. L’affaire des caisses noires de son parti conservateur et son handicap ont eu raison de son ambition pour la chancellerie. Mais Schäuble, qui avait déjà dû renoncer au tennis et aux promenades dans la Forêt-Noire, n’a jamais abandonné sa passion pour la politique. Redevenant ministre de l’Intérieur dans la grande coalition de Merkel, avant de devenir le grand argentier de l’actuel gouvernement, il est depuis 2009 le négociateur de la chancelière dans la gestion de la crise financière, puis de la crise de la dette dans la zone euro.
«Je suis plus résistant aux énervements des affaires quotidiennes»
Contraint de gérer son ministère depuis son lit d’hôpital au plus fort de la crise financière, Schäuble offre sa démission à Merkel. La chancelière refuse. Mais il voit aussi son handicap comme un avantage en dépit des interminables sessions de négociations marathons. «Mon expérience m’a appris que tout peut basculer d’une seconde à l’autre et cela me permet d’avoir plus de recul et de sérénité», confie Schäuble. Ainsi il relativise les défaites sans jamais lâcher son objectif. «Je suis plus résistant aux énervements des affaires quotidiennes», se félicite-t-il, comme pour expliquer cette ténacité tranquille qui l’anime.
Des policiers interdisent les photographies lorsqu’il remonte la rampe d’accès à la salle plénière du Bundestag au prix d’un effort accompagné de quelques grimaces. Il met un point d’honneur à pousser lui-même les roues de son fauteuil, refusant le statut d’assisté. «Cela produit toujours des images idiotes, parce que l’on voit l’effort et l’on se dit encore: oh, que Schäuble a la vie dure», explique-t-il. «L’homme de fer» avoue perdre sa courtoisie avec les photographes lorsqu’ils s’acharnent sur lui dans ces instants.
Depuis des années un mystère intrigue le Tout-Berlin politico-médiatique: pourquoi le très influent ministre des Finances évite-t-il systématiquement les cocktails et autres mondanités en ville? «Il existe des situations plus agréables pour un conducteur de fauteuil roulant que de se précipiter sur un buffet avec d’autres convives, ou encore de risquer une avalanche de miettes venant d’en haut», ironise-t-il. Tout comme il est épuisant de «contorsionner la tête vers le haut et en arrière» pour s’entretenir avec les gens debout. Mais il estime ne rien rater de crucial dans ces soirées, lorsqu’il rentre chez lui.
Il met un point d’honneur à pousser lui-même les roues de son fauteuil, refusant le statut d’assisté
«Nombreux sont ceux à conclure que le handicap rend amer. Le fauteuil roulant ne m’a rendu ni plus dur ni amer. Il n’a pas non plus fait de moi un homme meilleur», avoue Schäuble, lucide. Être cloué dans un fauteuil «n’offre pas un avantage moral» sur les autres, assure-t-il. Et d’adresser un message fort à tous les handicapés : «Tous les êtres humains souffrent d’un handicap, mais nous en avons conscience.»
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